Affaires
Réforme agricole : bilan mitigé pour la première année de mise en Å“uvre
Des axes avancent plus vite que d’autres. La reconversion de la céréaliculture peine à atteindre son rythme de croisière
Des lobbies agricoles sont pointés du doigt
Le manque de fonds pour mener à bien
la réforme est un handicap.
C’est le 21 septembre 2005 que Mohand Laenser avait présenté en conseil de gouvernement son plan triennal pour la réforme du secteur agricole au Maroc. Un an après sa mise en œuvre, une lecture d’étape s’impose. Le ministre et son département ont-ils pu tenir les engagements pris ? Au total, une quinzaine de mesures était sur la liste. En tête figurait le remplacement des céréales par l’arboriculture à raison de 52 000 hectares par an.
50 élus sont agriculteurs, un lobby puissant
L’objectif principal recherché est la restructuration de l’assolement global par la réduction des superficies céréalières au niveau des zones de montagnes et arides au profit de l’arboriculture fruitière, notamment l’olivier, des arbustes fourragers et des plantes aromatiques et médicinales plus adaptées à ces espaces. Cet objectif sera tenu à hauteur de 68 % seulement pour la première année de la mise en œuvre. La réalisation des plantations fruitières, même si une nette accélération du rythme a été enregistrée par rapport aux exercices précédents, n’a atteint que 30 000 ha pour la campagne 2005/2006. Et ce en dépit d’une panoplie de mesures incitatives dont, par exemple, la reconduite de la prime d’investissement pour une période de cinq ans et la réintroduction et l’élargissement de la subvention à hauteur de 80 % pour l’acquisition de plants.
Des spécialistes du secteur expliquent cette performance en demi-teinte par la résistance de certains agriculteurs céréaliers qui craignent de perdre les avantages et subventions dont ils bénéficient actuellement. Ces agriculteurs sont constitués en lobbies efficaces. Ils disposent également de relais dans la sphère politique à travers des élus communaux et parlementaires eux-mêmes agriculteurs. Au moins 50 élus des deux chambres du Parlement exercent en effet le métier d’agriculteur. Toute réforme doit d’abord être validée par eux-mêmes.
Réseaux d’irrigation : objectif atteint à 90%
Selon une source très proche du dossier qui a requis l’anonymat, «ces lobbies ont souvent des intérêts divergents de ceux prônés par la réforme, particulièrement ceux exerçant dans la céréaliculture où ils tirent grand profit de la subvention étatique prévue pour ce type d’activité. Ces mêmes lobbies s’opposeront à la réforme de l’eau qui prévoit une hausse de la tarification de l’irrigation. Or, la céréaliculture est grande consommatrice d’eau». Une source au ministère de l’Agriculture explique toutefois que «les céréaliers doivent bien se rendre à l’évidence et adopter un raisonnement à long terme».
Concernant l’autre point, celui de la réhabilitation des réseaux d’irrigation existants, les équipes de Laenser ont pu faire mieux. Les 10 000 ha/an fixés comme objectif ont été atteints à hauteur de 90 %, avec 9 000 ha réhabilités, soutiennent les responsables du ministère de l’Agriculture, qui mettent aussi en avant la signature, prévue pour la rentrée agricole, du contrat-programme avec la filière avicole, et qui devrait constituer le prélude à d’autres contrats en cours de préparation pour d’autres filières, notamment celles des viandes rouges, du lait et du sucre.
Cela dit, pour d’autres volets prévus dans le plan triennal présenté par M. Laenser en septembre 2005, il n’y a pour l’instant aucune indication sur l’avancement des travaux. C’est le cas par exemple de l’opération d’épierrage qui devait porter initialement sur 20 000 ha par an, soit 60 000 ha en trois ans. Or, à ce jour, et selon des sources au ministère, seules quelques opérations isolées et très limitées ont été réellement lancées,
la contrainte financière étant très lourde. L’épierrage des 60 000 ha nécessitera tout de même quelque 900 MDH dont le tiers doit être pris en charge par les agriculteurs.
La contrainte financière est d’ailleurs présente à tous les niveaux. Ce qui explique d’ailleurs le souci des pouvoirs publics d’associer fortement le Crédit agricole à la réforme. Tout en partageant les grands principes du plan de Mohand Laenser, le Pdg du Crédit agricole du Maroc, Tarik Sijilmassi, appelle pour sa part à la diversification des revenus dans le monde rural, de manière à casser la dépendance vis-à-vis des activités agricoles. «Ceci passera d’abord par une multiplication des sources de revenus à travers des activités agro-alimentaires et touristiques. L’essentiel est de développer un arrière-pays accueillant et sécurisé», explique M. Sijilmassi. C’est dans ce sens que quinze «Dar al fellah» (voir encadré) seront mis en place, une mesure prévue par la réforme. La banque a enregistré un léger retard à ce niveau, mais le patron du Crédit agricole est rassurant. «Dar al fellah demeure un chantier prioritaire que nous initierons dès septembre prochain», soutient-il.
Enfin, il reste la question des 2,6 milliards de DH nécessaires à la conduite de la réforme, du moins selon les estimations du ministère de l’Agriculture. Le ministre, Mohand Laenser, avait tenté en septembre 2005 de sensibiliser le gouvernement à la mobilisation de ces fonds sans pour autant en obtenir la totalité.
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500 MDH en micro-crédit d’ici à 2 ans
Le Cam examine aussi, avec l’appui de PlaNet Finance, la faisabilité du lancement de micro-assurances à travers des assurances décès qui seront proposées aux bénéficiaires des micro-crédits. «C’est un produit sur lequel nous sommes en concurrence avec les associations de micro-crédits. Mais nous promettons de le faire en premier», dit-on au Crédit agricole. |