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Redressements fiscaux en série chez les notaires

Depuis le début de l’année, une cinquantaine d’études notariales ont fait l’objet de contrôle, donnant lieu à de lourds redressements. Les professionnels contestent le rejet par l’administration de leur comptabilité et la méthode de reconstitution de leur chiffre d’affaires. La Direction générale des impôts précise que les contrôles sont décidés suite à l’alerte du système automatisé.

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Le fisc donne des frayeurs aux notaires. Depuis le début de l’année, la Direction générale des impôts (DGI) enchaîne les contrôles d’études notariales, avec les redressements qui s’en suivent. Une cinquantaine de professionnels ont ainsi été rattrapés par les Impôts depuis fin décembre 2016, apprend-on auprès des praticiens. L’effectif est non négligeable, sachant que l’on compte actuellement autour de 1 600 notaires en exercice au Maroc. Les montants réclamés par l’administration sont par contre conséquents et peuvent atteindre la vingtaine de millions de dirhams pour les opérateurs les plus lourdement redressés, selon la profession. Ayant du mal à encaisser le coup, et trouvant beaucoup à redire sur la démarche du fisc, les professionnels s’en sont remis depuis quelques semaines à leur ordre national pour plaider leur cause.

C’est le timing d’abord de ces vérifications qui passe mal. Les notaires redressés expliquent être bien en peine d’acquitter les pénalités réclamées par les Impôts dans un contexte de morosité économique qui met leur trésorerie sous tension. Un professionnel enfonce le clou : «Même si le montant des redressements est revu à la baisse dans le cadre d’une négociation et que son paiement est étalé dans le temps, on reste loin du compte». En fait, on comprend à travers le discours des notaires qu’ils voient ces contrôles comme une violation d’un pacte tacite selon lequel l’administration doit les ménager du fait de leur statut de collecteurs de l’impôt.

Aucun cadre comptable spécifique pour la profession

La DGI, pour sa part, insiste sur le fait que ces vérifications ne relèvent pas de sa propre initiative mais qu’elles découlent d’une procédure automatisée qui guide depuis quelques mois tous les contrôles effectués par l’administration. «Un système programme des contrôles à partir du moment où un risque est détecté à travers les déclarations déposées par les contribuables», schématise-t-on auprès de l’administration.

Ensuite, les professionnels protestent contre la remise en question systématique par l’administration fiscale de la fiabilité de leur comptabilité, dans le cadre des contrôles effectués. Les opérateurs estiment en effet que leur activité ne peut pas à la base obéir aux règles de tenue de comptabilité classiques, qui s’imposent de manière générale aux commerçants, en raison des particularités de la profession notariale. Force est de constater toutefois qu’aucun cadre comptable spécifique pour les études notariales n’a jusqu’à présent vu le jour, alors que, par exemple, il était à un moment question de mettre en place un plan comptable dédié à la profession.

Côté administration fiscale, la question est vite tranchée : les notaires perçoivent des honoraires, couvrent des charges et dégagent un résultat…, ils s’insèrent donc dans le cadre classique. En outre, les Impôts assurent s’en être tenus strictement à la réglementation pour remettre en question la sincérité de la comptabilité des professionnels. Le Code général des impôts liste en effet les irrégularités précises qui habilitent l’administration à rejeter une comptabilité (dissimulation d’achat et de vente, absences de pièces justificatives, non comptabilisation d’opérations ou comptabilisation d’opérations fictives…). Et les contrôleurs du fisc disent en l’occurrence avoir pu clairement identifier ces anomalies. Par exemple, des actes apparaissent dans les répertoires de l’administration fiscale et ne figurent pas dans les documents tenus par les notaires, fait-on savoir auprès de la DGI.

A partir du moment où le fisc rejette une comptabilité, la règle veut qu’il reconstitue le chiffre d’affaires de l’opérateur pour calculer sur cette base l’impôt réellement dû, et, sur ce plan aussi, administration et professionnels ont des divergences. Selon les opérateurs, le fisc a considéré systématiquement un taux de 1% pour les actes de vente portant sur moins de 5 MDH et 0,75% au-delà de ce montant. Ce barème rejoint plus ou moins ce que prévoit un projet de décret visant à instaurer une tarification légale au niveau de la profession notariale. «Mais ce texte n’ayant toujours pas été adopté, s’y référer est un non-sens», estiment les professionnels qui assurent que les tarifs effectivement appliqués actuellement sur le marché, dans un contexte de forte concurrence, sont bien en dessous des taux considérés par le fisc.

Divergences sur les tarifs

Une série de réunions tenues ces dernières semaines entre l’Ordre national des notaires et la DGI semblent avoir permis aux professionnels de se faire entendre. Ainsi, selon les opérateurs, l’administration fiscale devrait écarter le barème adopté jusqu’à présent, sans toutefois s’engager de manière formelle sur cela. La DGI nous explique effectivement avoir affiné sa démarche. «Selon la nature des actes ou encore des éléments présentés aux vérificateurs, nous considérons différents taux pour la reconstitution du chiffre d’affaires…», est-il expliqué. L’administration dit en outre être parvenue à apaiser les tensions puisque «la moitié des professionnels redressés ont opté pour un accord amiable afin de régler leur contentieux», assure-t-on. D’autres professionnels contactés se montrent en revanche prêts à aller devant les commissions de recours fiscal ou le tribunal administratif, jugeant que leurs positions sont inconciliables avec le fisc.