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Recherche et développement : les investissements représentent 0.79% du PIB et la part du privé est marginale
Le Maroc a dégringolé à la septième place en Afrique en terme de publications scientifiques. Pour rééquilibrer la balance commerciale, il faudra investir beaucoup plus dans la recherche. L’Institut national de recherche agronomique tire son épingle du jeu, mais a besoin de plus de moyens.

C’est le paradoxe de l’économie marocaine ! Alors que les parts de marché à l’exportation sont en stagnation sinon même en recul par rapport à la décennie 90 (0,11% des exportations mondiales en valeur, au lieu de 0,14% en 1990 et 0,13% en 1999), les efforts en recherche et développement (R&D), clé de la compétitivité moderne, semblent connaître un certain relâchement. Tout se passe comme si, au lieu de miser sur la qualité et l’innovation, l’on continue à rechercher la compétitivité par les coûts, salariaux notamment.
De 0,8% en 2007, les dépenses du Maroc en R&D ne dépassent pas en effet 0,79% du PIB en 2011, selon le directeur de R&D Maroc, Mohamed Smani. Et ceci, ajoute-t-il, malgré l’effort de l’Etat, qui demeure «constant» sur ce registre. A cette précision près, et elle est de taille, que les dépenses de R&D, pour l’essentiel, sont publiques. Autrement dit, l’implication du privé reste tout à fait marginale ; sa part dans les dépenses globales est de l’ordre de 6%, soit quelque 380 MDH. Or, là où la R&D s’est le plus développée, c’est principalement dans les pays où le financement privé représente la part la plus importante : plus de 50% en France, près de 80% au Japon, etc.
Pour Mohamed Smani, si le Maroc devait rester sur le niveau actuel de financement de la R&D, cela n’aurait aucune incidence sur la production scientifique (nombre et qualité des publications, des brevets, des thèses soutenues…) et encore moins sur la compétitivité des entreprises.
Il faut 15 ans pour créer une nouvelle variété dans l’agriculture, un milliard de dollars pour découvrir un nouveau médicament
Cette stagnation du financement apparaît déjà dans ce que les experts appellent les “output” de la R&D. En terme de publications scientifiques, en effet, le Maroc occupe désormais la septième place en Afrique, au lieu de la troisième en 2001 ; un millier de brevets seulement sont déposés chaque année, dont seulement 200 par les nationaux. Et sur ces 200, 150 appartiennent à des inventeurs individuels, les 50 qui restent se partageant entre les entreprises et les universités, précise le directeur de R&D Maroc. Avec un tel niveau de production, «le Maroc n’apparaît même pas dans les statistiques internationales», se désole M. Smani.
Sans se comparer à des pays comme le Japon (360 000 brevets par an), l’Allemagne (294 000) ou même l’Autriche (218 000) et le Luxembourg (155 000), des pays comme la Slovénie (62 000), le Portugal (14 400) ou la Pologne (7 000) font mieux que le Maroc, et de loin.
Cet état de la production scientifique est à l’image des moyens (les “input”) mis au service de la R&D. Dans le secteur public, mis à part quelques Instituts, notamment l’institut national de la recherche agronomique (INRA, voir encadré), la situation n’est guère reluisante, en dépit des efforts, constants mais insuffisants, de l’Etat. Pour l’essentiel, explique un universitaire, ceux qui font de la recherche sont en fait des doctorants, mais leur situation est «catastrophique». Beaucoup préfèrent, une fois le Master en poche, aller “squatter” la fonction publique où ils accèdent directement à l’échelle 11. Du coup, les 15 000 à 16 000 inscrits en thèses ressemblent davantage à ce que M. Smani appelle tout simplement des «fantômes».
Dans le privé, la situation est encore plus critique : une dizaine de sociétés seulement s’intéressent à la R&D et disposent de structures dédiées : groupe OCP, Managem, Colorado, Koutoubia, Cooper Pharma, Laprophan, Cosumar, Lesieur…Quelques autres entreprises font également de la R&D mais uniquement par opportunité, c’est-à-dire pour améliorer la qualité d’un produit par exemple.
Faut-il mettre la faiblesse de la R&D dans le privé sur le compte, entre autres, de la suppression de la provision pour investissement (dont 20% sont dédiés à la R&D) ? Pour Mohamed Smani, en tout, il est impératif d’améliorer le financement de la R&D et dépasser 1,5% du PIB. Pour cela, il est impératif, selon lui, de mettre en place le crédit impôt recherche, c’est-à-dire de rétablir ce qui a été supprimé.
Pour mesurer l’effort nécessaire en termes de dépenses en R&D, il importe de savoir que, dans l’industrie pharmaceutique, pour avoir une chance de découvrir une nouvelle molécule, il faut 1 milliard de dollars, indique le directeur de R&D Maroc. Dans l’agriculture, il faut 15 ans pour créer une nouvelle variété, selon Mohamed Badraoui, directeur de l’INRA. La R&D, on le voit, est une affaire de long terme, donc de moyens (humains et matériels). Aucun pays ne peut en faire l’économie s’il aspire au développement.
