SUIVEZ-NOUS

Affaires

Recherche biomédicale : les scientifiques souhaitent l’allégement des procédures d’autorisation

La recherche biomédicale sera soumise à  trois conditions : l’agrément des sites de recherche, l’avis favorable du comité de protection des personnes participant aux recherches et l’autorisation de l’administration. Les personnes participant aux recherches biomédicales seront mieux protégées.
De lourdes sanctions pour ceux qui mettent en danger la vie d’autrui.

Publié le


Mis à jour le

Le texte tant attendu relatif à la protection des personnes participant aux recherches biomédicales a enfin été remis aux membres du gouvernement pour étude. Ce n’est que le début du processus d’adoption certes, mais dans le milieu médical on estime que c’est une avancée. Car le texte est en gestation depuis six ans, ce qui bloque la recherche biomédicale.

Celle-ci n’a pu être relancée en dépit de la circulaire publiée en avril 2012 par le ministère de la santé, faute de protection des personnes participant aux recherches biomédicales. Une loi est donc nécessaire, selon une source proche du dossier, car il faut être en phase avec les dispositions de la Constitution qui bannit, dans son article 22, «toute forme d’atteinte à l’intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit, et par quelque partie que ce soit, privée ou publique».  

Ayant pour objectif de combler le vide juridique, souvent dénoncé par la communauté scientifique, le projet de loi 28-13 relative à la protection des personnes participant aux recherches biomédicales s’inspire des textes internationaux et adopte les mêmes principes notamment le consentement volontaire, libre et éclairé des personnes se prêtant à ce type de recherche.

Il protège les personnes vulnérables (les mineurs, les femmes enceintes et les incapables) par des règles rigoureuses. Dans le même souci de protection, le projet dispose qu’aucune recherche ne peut s’effectuer si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et il exige également que le risque prévisible encouru par les personnes qui s’y prêtent ne soit pas hors de proportion avec le bénéfice escompté ou l’intérêt de la recherche.

Pour garantir la réalisation des recherches dans un contexte de sécurité optimale pour la santé et la vie des personnes qui s’y prêtent, le projet de loi soumet la recherche biomédicale à trois conditions préalables obligatoires : l’agrément des sites de recherche, l’avis favorable du comité de protection des personnes participant aux recherches qui sera implanté dans toutes les régions du pays et l’autorisation de l’administration qui doit s’assurer que toutes les compétences et conditions techniques sont réunies pour effectuer la recherche.

Enfin, le projet de loi prévoit plusieurs sanctions en cas d’infraction. Le promoteur, l’investigateur et l’intervenant qui exposent une personne à un risque immédiat de mort ou de blessure encourent une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans et une amende de 250 000 à 500 000 dirhams. Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir obtenu le consentement libre, éclairé et exprès de celle-ci fait l’objet des mêmes sanctions.

Les scientifiques tablent sur quinze projets de recherche par an

Par ailleurs, le projet définit le champ d’action et les responsabilités des divers intervenants dans la recherche. Il reconnaît à l’administration un droit de regard permanent sur l’application des textes de loi et prévoit la mise en place, sous la tutelle de l’administration, d’un fichier national des personnes saines participant aux recherches biomédicales et une base de données nationale des recherches biomédicales. Le projet autorise la création d’organismes de recherche sous contrat pouvant représenter les promoteurs non installés au Maroc pour le compte desquels ils agissent pour une partie ou pour la totalité de la recherche. Ils sont solidairement responsables.

Le texte met ainsi en place le cadre réglementaire de la recherche biomédicale. Ce qui permettra d’éviter les pratiques abusives et attirera les promoteurs étrangers à venir mener leurs recherches au Maroc. Cependant, selon les chercheurs scientifiques, il faudra également agir sur la lenteur des procédures fixées par la circulaire, publiée en 2012, du ministère de la santé.

Cette dernière stipule que tout projet de recherche scientifique doit faire l’objet d’une demande d’autorisation délivrée par le ministère de la santé. Après instruction de la direction du médicament et de la pharmacie et avis de la direction de la réglementation, le dossier est transmis à la commission chargée de l’octroi des autorisations.

Laquelle commission, présidée par le ministre de la santé, est composée des directeurs du médicament et de la pharmacie, de la population, de l’épidémiologie et la lutte contre les maladies, des hôpitaux et des soins ambulatoires et enfin de la réglementation et du contentieux. Or, de l’avis des chercheurs, la durée d’approbation d’un projet peut aller jusqu’à une année ou même plus. Ce qui risque de dissuader les laboratoires pharmaceutiques de la destination Maroc qui recevait, avant la suspension des essais cliniques en 2010 par Yasmina Baddou, alors ministre de la santé, vingt projets par an, alors que des pays comme la Tunisie et l’Egypte décrochent entre 40 et 80 projets annuellement.   

Pour encourager l’arrivée des promoteurs de recherches biomédicales, la communauté scientifique recommande un assouplissement des procédures de la circulaire de 2012. Notons que depuis sa publication, il n’y a pas encore eu de relance des essais cliniques. Si l’allégement des procédures a lieu, les chercheurs estiment pouvoir mener quinze à vingt projets de recherche par an. Ce qui permettra le transfert de technologie et de savoir-faire d’une part et aura des retombées économiques certaines, d’autre part. Un essai nécessite en moyenne un financement d’un million d’euros et contribue à créer des emplois directs et indirects dans le secteur de la santé.