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Publicité sur Internet : les sites nationaux étouffés par les géants du Net

Le marché d’achat d’espaces publicitaires sur le Net est estimé à environ 200 MDH, dont au moins 60% pour les éditeurs internationaux. Seuls Hespress et Avito vivent de leurs recettes publicitaires. Pour élargir l’assiette digitale, les professionnels préconisent une baisse des prix.

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Quelque 550 MDH. C’est le chiffre d’affaires de l’industrie du digital au Maroc, tous secteurs et canaux confondus, à fin décembre 2015. Cette estimation du Groupement des annonceurs du Maroc (GAM) comprend toutes les opérations liées au digital : forums, événementiel, création de contenu, de spots et d’applications mobiles, référencement, achat d’espace sur Google et Facebook mais aussi sur les sites d’éditeurs nationaux (dont les sites d’informations). «Le chiffre d’affaires réalisé uniquement dans l’achat d’espace devrait atteindre 200 MDH, dont 60% à 70% pour Facebook et Google. Le reste est destiné aux éditeurs nationaux», explique Ali Bennis, business développement manager chez Tribal DDB. En somme, tous les éditeurs nationaux se partagent un chiffre d’affaires situé entre 60 et 80 MDH annuellement. Deux raisons expliquent la performance des géants internationaux. D’abord, les prix pratiqués par les éditeurs nationaux sont jugés élevés en comparaison avec ceux de Facebook et Google. Ensuite, les campagnes publicitaires des multinationales privilégient d’abord les éditeurs internationaux. «Toutes les campagnes publicitaires des multinationales telles que P&G et Unilever sont gérées à partir des sièges régionaux au Moyen-Orient. Ils privilégient naturellement les éditeurs internationaux et n’accordent pas un grand intérêt aux nationaux», déplore Sara Morsali, directrice commerciale du site d’informations Hespress.com

Les sites recherchent de nouvelles sources de revenus

Pourtant, les éditeurs nationaux seraient plus performants que les internationaux. «La force des éditeurs nationaux réside dans la création de nouveaux formats que Google n’a pas la capacité de produire», remarque Ali Bennis. Certains sites d’informations l’ont bien compris. C’est le cas de Hespress.com, portail d’informations le plus visité au Maroc (il réalise une moyenne de 14 à 15 millions de visiteurs/mois). C’est l’un des rares sites d’informations à couvrir ses charges salariales et à réaliser un bénéfice uniquement grâce aux revenus publicitaires. Pour y arriver, le portail d’informations propose une vingtaine de formats publicitaires à des tarifs compétitifs. «Le coût par mille affichages (CPM) est de 50 DH, alors que le coût par clic (CPC) est à 3,75 DH», déclare Sara Morsali. A titre de comparaison, «certains sites web francophones facturent le CPM entre 200 et 500 DH», selon une régie publicitaire de la place. Pour accroître les recettes, Hespress a multiplié les sources de revenus en s’appuyant sur sa présence dans les grands réseaux sociaux. «Nous avons lancé depuis un an et demi la production vidéo et le reportage. Des marques de grande consommation font appel à nous pour des vidéos ludiques sur notre page Facebook (qui a atteint 10 millions de fans) autour de l’univers de la marque. A titre d’exemple, Nescafé nous a approchés pour présenter sur ce réseau des recettes culinaires à base de café. Nous combinons également le format vidéo au texte sur le site, accompagné de bannières. McDonald’s a déjà fait appel à nous pour ce type de format», déclare la directrice commerciale d’Hespress.com.

Malgré cela, depuis 2014, Hespress connaît une évolution très lente de son chiffre d’affaires. Pour y remédier, il prévoit d’ouvrir un bureau aux Emirats Arabes Unis où le marché publicitaire est plus large et plus dynamique. Le CPM est rémunéré 30 dollars, soit à peu près 6 fois le prix au Maroc.

Avito.ma, le site d’annonces adossé au groupe suédois Schibsted Medias, est le deuxième site marocain à atteindre cette performance. Il a, pour la première fois, atteint l’équilibre en 2015. «Toutefois, seuls 70% de notre chiffre d’affaires proviennent des revenus publicitaires. 25% sont tirés du service de boutique payant, un espace de vente personnalisé où les professionnels peuvent lancer une multitude d’annonces et les 5% restants des produits à valeur ajoutée comme la mise en avant d’annonces sur le site», explique Ali Ghassani, Manager RP chez Avito. Pour augmenter ses revenus, ce site conçoit des formats particuliers tels que les vidéos qui multiplient directement les vues sur Youtube pour une meilleure mise en avant des annonces des particuliers, sans compter les annonces publicitaires qui se glissent dans les annonces gratuites diffusées sur le site.

Pour contrer Google, les sites marocains contraints de baisser leurs prix

Au final, l’inventivité des éditeurs permettra naturellement au marché de croître mais pas seulement. «Pour pérenniser la croissance du marché qui est de 20 à 30% par an, il faut aussi former nos ressources aux nouveaux métiers de création de contenu et mettre en avant la publicité en ligne comme outil de communication pour les marques», déclare M. Bennis.

Le chiffre d’affaires de toute l’industrie du digital devrait augmenter en 2017. «Mais pour que cette évolution profite pleinement aux éditeurs marocains, notamment aux sites d’informations, il faut qu’ils baissent leurs tarifs. Dès qu’il y a des espaces non vendus, Google les récupère pour les commercialiser à un prix dérisoire. Les annonceurs privilégient naturellement l’offre du géant américain qui reverse dès lors un pourcentage de ce prix à l’éditeur marocain. Celui-ci se retrouve finalement lésé», explique Mounir Jazouli, président du GAM. Dans ce contexte, les éditeurs nationaux adapteront fatalement leur offre pour survivre.