Affaires
Protection sociale des indépendants : le régime de retraite et l’assurance maladie seront séparés
Les médecins exigent que le projet soit déposé avant le 31 décembre au Parlement. Les notaires s’apprêtent à signer un contrat de couverture maladie complémentaire avec un assureur privé. La CNSS dit être techniquement prête pour la gestion de ce nouveau régime.

Dans une réunion tenue la semaine dernière, la Primature et le ministère de la santé ont accepté la non-intégration de la retraite dans le projet de l’Assurance maladie des indépendants. La proposition a été faite, rappelons-le, par le Secrétariat général du gouvernement qui estime qu’«il est préférable de séparer les deux volets pour intégrer le régime de retraite pour les indépendants dans le cadre de la réforme globale des systèmes de retraite».
Depuis une semaine, le SGG planche, de nouveau, sur le projet de loi relatif à l’Assurance maladie des indépendants. Ce qui rassure les médecins, les dentistes et les pharmaciens qui seront les premières professions libérales à en bénéficier. Cependant, craignant les lenteurs administratives, ces professions ont, à l’issue d’une assemblée générale, demandé que le projet de loi soit soumis au Parlement avant le 31 décembre 2015. «C’est une priorité car les professions libérales ne disposent d’aucune couverture médicale», se plaignent les médecins. «Nous recourons aujourd’hui, pour ceux qui le peuvent, à l’auto-assurance auprès des compagnies privées, et certains sont couverts via le conjoint salarié. Dans le cadre de la solidarité professionnelle, les médecins peuvent aussi se soigner grâce à des tarifs préférentiels accordés par les confrères». Ils tiennent à préciser, par ailleurs, que les contrats proposés par les compagnies d’assurance n’intègrent pas, pour la plupart, une couverture pour les maladies de la vieillesse, et des pathologies chroniques.
La situation des médecins, comme les autres professions libérales, est contraire au principe de la loi réglementant la couverture médicale de base qui stipule dans son article 2 que «l’assurance maladie obligatoire de base s’applique aux travailleurs indépendants, aux personnes exerçant une profession libérale et à toutes autres personnes exerçant une activité non salariée». Pourtant, dix ans après sa promulgation, aucune couverture médicale de base n’est encore proposée à ces catégories. Avocats, notaires, médecins, architectes, pharmaciens, experts comptables, topographes…, tous sont dans l’expectative !
Les avocats ont créé leur mutuelle en 2008
Toutefois, les robes noires ont opté, en 2008, pour la création de leur propre mutuelle (Mutuelle générale des barreaux du Maroc). Cette mutuelle réunit aujourd’hui 16 ordres régionaux, soit plus de dix mille personnes couvertes, adhérents et ayants droit. Elle assure, jusqu’au décès, une couverture médicale y compris pour les maladies chroniques. Ce n’est certes pas une solution définitive, mais «une option en attendant la mise en place de l’assurance maladie des indépendants qui concernera dans un premier temps toutes les professions organisées. Nous sommes prêts à y adhérer si le régime offre les mêmes avantages que notre mutuelle et si c’est au même coût», explique un avocat de Casablanca. Actuellement, les avocats versent une cotisation annuelle de 2 200 DH. Toute la profession n’a pas adhéré à cette mutuelle. Les réfractaires ont opté pour des produits alternatifs des assureurs privés en attendant l’AMI.
Les notaires sont, quant à eux, en passe de signer un contrat avec une compagnie privée de la place. «La mise en place de l’assurance maladie est une priorité dans notre plan d’action. Depuis 2013, nous avons lancé une étude d’évaluation des besoins et avons engagé des consultations avec divers assureurs de la place. Aujourd’hui le produit est finalisé et sera opérationnel avant la fin de l’année», annonce Me Linda Benali, secrétaire général du Conseil national de l’ordre des notaires. L’initiative est donc positive et permettra à 1 619 notaires et leurs ayants droit de bénéficier d’une couverture médicale. Le schéma de cette couverture a fait l’objet de plusieurs réunions avec la compagnie d’assurance car il fallait avoir, selon Me Linda Benali, un produit adapté aux besoins de l’ensemble de la profession et tenant compte de plusieurs critères, notamment l’âge et les revenus très disparates. Seront couverts les soins ambulatoires ainsi que les pathologies lourdes et chroniques. La prise en charge est valable aussi bien au Maroc qu’à l’étranger. Ce produit comprend également une assurance invalidité.
L’AMI doit couvrir 11 millions de personnes, adhérents et ayants droit compris
Maintenant que se passera-t-il une fois l’AMI instaurée? Le système en passe d’être monté consiste en une couverture complémentaire aussi bien pour les notaires que pour leurs collaborateurs actuellement couverts par l’assurance maladie obligatoire.
Selon des observateurs, «ces recherches de solutions alternatives ne peuvent qu’être provisoires car la gestion d’un régime de couverture médicale ou de retraite n’est pas chose aisée. Il y a des organismes spécialisés en la matière, il faut donc leur confier cette tâche». Ils font remarquer que «l’exemple de la mutuelle générale des barreaux du Maroc est certes une bonne initiative, mais un premier déficit est apparu au bout de trois ans d’exercice».
Pour éviter de concevoir des régimes spécifiques fragiles et aléatoires, des spécialistes de la question soulignent l’urgence de l’adoption de l’AMI qui doit concerner une population de 11 millions de personnes (adhérents et ayants droit). Elargissant la couverture médicale de base qui bénéficie actuellement, selon les statistiques du ministère de la santé, à 17,4 millions de personnes, l’AMI offrira aux professions libérales le même panier de soins que l’AMO. La CNSS qui gérera l’AMI dit être techniquement prête pour la gestion de ce nouveau régime.
