Affaires
Produits bio : le Maroc passe à côté d’un marché de 25 milliards d’euros
La production locale reste faible : 5 800 tonnes n Ils représentent à peine 0,6% du total des exportations de fruits et légumes n Une timide apparition sur les étals des supermarchés.

Alors qu’ils cartonnent en Europe, les légumes dits biologiques font timidement leur entrée sur les rayons des grandes surfaces de la place, précisément auprès des enseignes Marjane et Acima. Pour le moment, l’essentiel de la production locale est donc destiné à l’exportation.
Il importe de noter que les premiers essais d’agriculture biologique au Maroc, agrumes et olives principalement, remontent à 1986. Mais il aura fallu attendre 1991-92 pour les premières exportations. Ces dernières ont progressé rapidement, passant de 453 tonnes en 95-96 à plus de 5 800 pour la saison en cours (jusqu’à fin mai 2006), soit 0,6% du volume d’agrumes et primeurs exportés.
L’environnement local est pourtant favorable
L’export de produits marocains issus de l’agriculture biologique concerne essentiellement les tomates (1 682 t), les courgettes (1 776 t), les concombres (848 t), les agrumes (820 t), les poivrons (443 t) ; le reste étant constitué de divers autres produits. Quant à l’export de conserves bio, il est également très limité. Pour cette année, seuls sont concernés les cornichons (1,19 t), le haricot vert (40,74 t) et les olives (3,83 t). En somme, les performances sont loin du potentiel existant.
En effet, et selon Abdellatif Taraf, chef du département produits frais à l’EACCE (Etablissement de contrôle et de coordination des exportations), «le secteur est prometteur vu la demande internationale, d’autant plus que les accords du Maroc avec l’UE et les Etats-Unis permettent de se positionner», même s’il regrette que les producteurs marocains aient commencé par les produits les moins faciles comme la tomate, pouvant difficilement égaler la rentabilité du conventionnel. Cet optimisme est motivé par le fait que le mode de production traditionnel au Maroc, o๠l’utilisation des pesticides et autres produits chimiques est limitée, est proche du bio et la reconversion facile.
Cependant, ces atouts indéniables ne suffisent pas. Pour mieux exploiter le potentiel à l’export, il faudra respecter des conditions draconiennes. Selon Daoud Moha, d’Ecocert, principal organisme certificateur de produits marocains issus de l’agriculture biologique, «bientôt, on ne pourra exporter que des produits certifiés (bio ou conventionnel) et le Maroc sera dépassé s’il ne fait rien pour atteindre les standards internationaux».
Parmi les problèmes à régler, il y a celui de la labellisation. En effet, des produits portant la mention «protégés biologiquement», créent la confusion entre lutte biologique, pratiquée en agriculture conventionnelle et agriculture biologique, réalisée au Maroc par de rares producteurs et spécialistes.
Un produit «biologique» doit avoir, de sa production à sa commercialisation, suivi et respecté les règles spécifiques de l’agriculture biologique qui bannit l’utilisation des produits de synthèse (engrais, pesticides, OGM, régulateurs de croissance, additifs…). La lutte biologique, elle, est un ensemble de méthodes de lutte contre les ravageurs et maladies des plantes donnant la priorité aux moyens de lutte biologiques et biotechniques (espèces antagonistes, auxiliaires…).
Ensuite, pour être reconnus «biologiques» et admis à l’importation en Europe, les produits agricoles et alimentaires doivent soit provenir de pays tiers dont la réglementation a été approuvée, soit avoir obtenu une autorisation d’importation délivrée par le ministère compétent d’un Etat de l’Union européenne, sur la base d’un certificat de contrôle émis par un organisme certificateur agréé. Au Maroc, la loi et le cahier des charges réglementant la production de produits bio sont prêts, mais sont encore dans le circuit, alors que l’UE a demandé à tous les pays qui désirent exporter sur son territoire d’être opérationnels dès début 2007.
De nombreux obstacles techniques à surmonter
En principe, ces différents textes viendront régler un certain nombre de problèmes. Pour le moment, peu de gens ont les connaissances nécessaires pour gérer ce type d’exploitations (quelques ingénieurs suivent une petite formation en agriculture biologique, mais ils ne sont pas intégrés à la filière).
Autre contrainte, la période de conversion qui est une phase transitoire de deux ans pour les cultures annuelles (céréales, légumineuses, maraà®chages…) et de trois ans pour les cultures pérennes (arboriculture, vigne…). La récolte de ces premières années n’est pas considérée comme bio, ce qui représente un investissement difficilement récupérable, d’autant plus que les rendements enregistrent une chute de l’ordre de 25 à 40 %.
S’ajoute à ces contraintes techniques l’inexistence d’aides publiques pourtant largement consenties dans les pays concurrents comme la Tunisie et l’Egypte. Bref, il y a encore du chemin à faire pour que le bio devienne une source permanente de revenus pour les exploitants.
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Les plantes médicinales et aromatiques spontanées et les plantes cultivées. Selon le ministère de l’Agriculture, les superficies couvertes par les premières sont estimées à 55 000 ha, alors que les superficies cultivées représentent 1 500 ha, dont 210 en conversion. Les superficies cultivées se répartissent en maraà®chage (500 ha), arboriculture (380 ha), agrumes (235 ha), olivier (132 ha), citronnier (12 ha), câpres (100 ha), bananes (11 ha) et plantes médicinales et aromatiques (250 ha). Les principales régions concernées sont le Souss-Massa-Drâa, le Haouz, Azemmour, Fès, Khemisset, Meknès, Azrou, Béni Mellal et Taroudant. Dans le monde, ce type de culture occupe plus de 31 millions d’hectares et a rapporté un chiffre d’affaires de plus de 26 milliards d’euro en 2005 (contre 23,5 en 2004). Les superficies les plus importantes se trouvent en Australie (12,1 millions d’ha), en Chine (3,5 millions d’ha), en Argentine (2,8 millions d’ha). Par continent, l’Australie-Océanie est en tête avec 30 %, suivie de l’Europe avec 21 %, l’Amérique latine (20 %), l’Asie (13 %), l’Amérique du nord (4 %) et l’Afrique (3 %) |
