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Affaires

Prime à  la casse : à  peine 100 camions en ont bénéficié en deux ans

Le ministère de l’équipement et du transport avait pourtant revu à  la hausse le niveau des primes.
Les transporteurs en majorité constitués en personnes physiques ont du mal à  répondre aux conditions d’éligibilité.

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Echec, fiasco ! Ce sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent chez les transporteurs quand ils parlent de l’opération du renouvellement du parc, ou prime à la casse, initiée par le ministère de l’équipement et du transport en 2006. Pourtant, les pouvoirs publics n’ont pas ménagé d’efforts pour faire réussir le dispositif destiné aux camions âgés de plus de 15 ans. Ainsi, les primes initiales, à savoir 85 000 DH pour les véhicules de plus de 14 tonnes et 65 000 DH pour les moins de 14 t, ont été portées respectivement à 130 000 et 110 000 DH. Des conventions ont été également signées dans ce sens avec des fabricants de camions dont la plus importante avec Riad Motors. De même, une entreprise chargée de détruire les vieux véhicules et broyer la ferraille, Manumetal, a été sélectionnée sur appel d’offres. La BCP s’est engagée, pour sa part, à accorder des crédits aux candidats et RMA Wataniya des produits d’assurance avec des tarifs préférentiels.
L’enveloppe globale consacrée à cette prime s’élève ainsi à 510 MDH, étalée sur trois ans, à raison de 170 millions par an.
A première vue, cette opération considérée comme structurante pour le parc n’a donc aucune raison de ne pas se dérouler dans les meilleures conditions. Mais, apparemment, l’augmentation du montant de la  prime qui constituait le principal frein au  départ n’a pas suffi puisque depuis le démarrage effectif de l’opération, avec les nouvelles formules, en juin 2008, à peine une centaine  de camions est passée à la casse. Un responsable chez Riad Motors avance la commercialisation d’environ 150 nouveaux camions, mais ce chiffre est contesté par les représentants des transporteurs.

Le secteur a du mal à sortir de l’informel
Selon Abderrahim Chenaoui, secrétaire général de la Fédération des transporteurs au port et sur route, il n’y aurait pas plus d’une soixantaine de véhicules remplacées dans le cadre de cette opération, et à peu près le même chiffre est avancé par Abdellilah Hifdi, le président de la Fédération nationale du transport routier (FNTR). Ce dernier reste très sceptique sur la réussite de cette opération. Il estime, entre autres, que la prime à la casse n’est pas du tout attrayante, comparée à ce qui se fait dans d’autres pays où elle dépasse largement les 50 % de la valeur du véhicule.
Il n’y a pas mieux pour tester l’efficacité de cette prime que de simuler une opération. Un camionneur qui veut acquérir un nouveau véhicule tracteur chez Riad Motors doit le payer 595 000 DH hors taxes. Avec une TVA à 20%, la facture monte à 714 000 DH. Une fois son dossier accepté, il perçoit de l’Etat 130 000 DH, soit un peu plus que le montant de la TVA qui est de 119 000 DH. Certes, la TVA est théoriquement récupérable, mais sachant que notre transporteur opère depuis des années dans l’informel, il aura du mal à entamer la procédure  de récupération de la taxe, factures d’achat à l’appui. Il préfère donc renoncer.
D’aucuns diront qu’un tel choix est juste  motivé par la peur d’affronter le fisc. Ce n’est pas toujours le cas : il ne peut tout simplement pas le faire en tant que personne physique. L’exonération de la TVA n’est possible, dans ce cas, que pour les sociétés nouvelles ayant moins de 2 ans d’existence.
Si le transporteur décide d’acheter et le camion tracteur et la remorque, il pourra bénéficier d’une prime de 260 000 DH pour un investissement total de plus d’un million DH, sachant qu’une subvention de 130 000 DH est également versée pour la remorque. Quand on sait que dans ce domaine 90% du parc appartient à des personnes physiques, le calcul est vite fait.
Autre frein, parmi les conditions d’éligibilité à la prime à la casse, il est mentionné que l’acheteur du nouveau véhicule doit être le propriétaire de celui qui est destiné à la casse. Une personne physique ou morale ne peut pas remettre un camion à la casse et en acheter pour le compte d’une autre entité. Soit, mais quid des personnes physiques qui justement décident de migrer vers le statut de personnes morales ?
Enfin, autre condition qui a freiné l’opération, celle qui a consisté à exiger à ce que le camion ait été en activité au moins un an avant le 1er janvier 2008.
Cette condition a été modifiée dans le cadre du projet de la  Loi de finances 2009. «Pour pouvoir être changé un camion doit avoir travaillé trois mois avant la date du dépôt du dossier», explique M. Hifdi, qui regrette  qu’on ait perdu autant  de temps.
A tout cela, il faut ajouter que la société chargée de la casse exige à ce que les camions  arrivent chez elle en état de marche et non remorqués. Ceci  pour empêcher les trafics en tout genre : par exemple, certains  sont tentés de démonter le moteur pour le revendre en pièces détachées.
En somme, des garde-fous qui sont tout à fait justifiés d’autant plus que le dispositif de prime à la casse est une bonne occasion pour assainir le secteur encore trop dominé par l’informel et les microstructures.