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Présidence de la CGEM : Salaheddine Mezouar/Hakim Marrakchi, le face-à-face
Le nouveau patron des patrons sera connu le 22 mai. Entre-temps, la campagne électorale pour la présidence de la CGEM bat son plein. Deux candidats sont en lice : Salaheddine Mezouar et Hakim Marrakchi. Que proposent-ils dans leurs programmes ? Que pense l’un de l’autre, de ses propres chances… Entretiens.
Salaheddine Mezouar «J’invite Hakim Marrakchi à un débat public»
Quelles sont les grandes lignes de votre programme et ses priorités ?
Pour proposer un programme, deux démarches sont possibles dont celle de venir avec un plan d’action tout fait. Mais ce n’est pas l’approche que l’on a privilégiée. Celle que nous avons choisie est participative. Elle consiste à présenter des pistes et d’en discuter avec les électeurs pour les enrichir dans le cadre des tournées que nous effectuons et de nos rencontres avec le monde des affaires.
Dans toutes nos réunions, on écoute, on partage, on échange et avant de se quitter, on interroge chacun sur sa priorité. Il doit nous en donner une seule. Et c’est sur la base de ces priorités croisées que l’on présentera les nôtres.
Et quand aurez-vous une idée plus précise de votre programme ?
La dernière semaine avant les élections, nous élaborerons une synthèse de l’ensemble des propositions retenues que nous croiserons avec nos pistes de départ et nous en communiquerons les résultats publiquement.
Qu’est-ce qui fera la différence entre votre candidature et celle du binôme Marrakchi-Benhida?
La CGEM a besoin de leader et non pas de technicien d’entreprise. Au vu de ce qui est attendu d’elle et du secteur privé d’une manière générale, la confédération a besoin de véritable leadership et là je parle du binôme et pas seulement du candidat à la présidence. Des techniciens, on en trouve partout. La vraie question à se poser est la suivante: Quel est le rôle de la CGEM aujourd’hui? Elle peut évidemment être dirigée par des profils techniques, prétendant être les seuls à connaître les réalités de l’entreprise, comme si de notre côté, nous ignorions ces réalités. Le technique, je l’ai et je suis prêt à débattre avec M.Marrakchi de tout ce qui touche la réalité des entreprises. Je lance l’invitation pour un débat public.
Comment vous définissez le leadership dans ce cadre particulier que sont les élections ?
C’est la capacité à tirer la CGEM vers les objectifs qu’elle se fixe, créer la dynamique et les synergies à l’intérieur de l’organisation, assurer l’équilibre entre l’organisation centrale, les fédérations, les régions… Je fais également référence au leadership perçu par les interlocuteurs politiques, publics… C’est de cela dont a besoin la CGEM. L’arbitrage se fera sur ces éléments et c’est là que se situe l’enjeu de cette élection.
Vous estimez en avoir et pas votre concurrent?
J’ai touché au militantisme de gauche, syndical, à la gestion privée, au management moderne. J’ai également porté l’Amith, qui se posait des questions sur son avenir, vers une vision stratégique. J’ai été un acteur associatif engagé au sein de la CGEM. J’ai mené des négociations dans le cadre de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. J’ai eu une expérience gouvernementale, politique, de présidence de la Cop22… Un parcours qui m’a permis de toucher à tout et qui peut beaucoup apporter à un secteur privé qui se pose de nombreuses questions à l’aune d’un nouveau modèle de développement économique et social.
Vous semblez sûr de vous et de vos chances de réussir…
On ne peut pas mener un combat sans être convaincu de sa réussite. Je ne peux pas rentrer dans cette course pour la présidence d’une organisation comme la CGEM avec des doutes. Mon assurance vient de ma force de conviction et du fait que j’ai un colistier qui a toutes les qualités requises, y compris une connaissance profonde des rouages internes de la CGEM. Mais je n’oublie pas que nous sommes dans une compétition où, pour gagner, il faut aller arracher des voix.
Quelle est la CGEM que vous proposez ?
C’est un interlocuteur économique. C’est une force de proposition et d’action.
Ce n’est pas déjà le cas, aujourd’hui ?
Dans un pays en développement comme le Maroc, le rôle d’une organisation patronale n’est pas d’aller discuter des détails d’un cahier de revendications. C’est une vision complètement dépassée. Pour sa part, le gouvernement a besoin d’un interlocuteur qui ne discute pas uniquement des petits détails, mais également des questions stratégiques et de la manière avec laquelle il faut les porter. Ce qui m’importe aujourd’hui c’est de relancer la machine. Il y a un essoufflement de la PME, de l’investissement, de la capacité de création d’emplois…, il faut relancer la machine. Il y a un mot qui revient souvent dans les discussions que l’on a pu avoir récemment, c’est la visibilité. L’occasion d’une élection comme celle-là, c’est de créer ce déclic.
Le nom de Jaouad Hamri avait circulé comme étant votre colistier. Que s’est-il passé pour qu’il se désiste ?
Je connaissais Fayçal (Mekouar), mais pas assez. Je ne savais pas quelles étaient ses intentions. Entre-temps, j’avais discuté avec Jaouad Hamri, un homme engagé, qui a toujours milité au sein de la CGEM et qui justifie d’une expérience des secteurs publics, privés, financiers, etc. Donc, il avait une prédisposition. Mais nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait une certaine incompatibilité entre sa fonction actuelle (président du conseil d’administration d’une banque) et son statut de colistier. Donc, d’un commun accord, il s’est retiré. Alors, j’ai osé Fayçal (rires). Ce n’est pas pour lui jeter des fleurs, mais s’il y a quelqu’un qui fait l’unanimité quant à ses compétences et ses qualités, c’est bien lui.
Vous avez dit que vous étiez prêt à démissionner des organes dirigeants du RNI en cas de victoire…
La non-appartenance à un parti politique est une tradition dans la présidence de la CGEM. Et je tiens à respecter cette tradition, qui est saine. Je veux avoir la même distance avec tous les partis. Ceci dit, cela fait plus d’un an que je n’ai pas assisté aux réunions du RNI, ni me suis exprimé sur des sujets d’ordre politique. Et si je suis élu, je m’interdirai de m’exprimer sur des sujets politiques durant les trois années du mandat de la CGEM.
Hakim Marrakchi : «Il faut changer l’état d’esprit face à l’entreprise»
Quelles sont les grandes lignes de votre programme et quelles en sont les priorités ?
Notre but est de relancer la machine à créer de la valeur. Notre économie a une croissance atone et crée peu d’emplois, malgré l’ampleur des investissements et l’importance de la demande publique. Nous, entrepreneurs, savons que notre croissance est entravée par des réglementations tatillonnes ou désuètes, par des attitudes inutilement hostiles de certaines administrations, par des dispositifs qui nuisent à notre compétitivité.
Nous voulons libérer l’entreprise de ces pesanteurs, rétablir l’entreprise au centre du progrès économique et social pour créer de la richesse. Nous devons adapter notre environnement et nos réglementations aux enjeux de la digitalisation, à la transition énergétique, à l’économie verte (…).
Nous agirons pour cela sur 5 axes. Pour commencer, nous promouvrons des mesures pour améliorer notre compétitivité et favoriser la croissance. Nous proposerons des dispositifs pour le développement de nos opérateurs économiques et œuvrerons pour le développement régional et la croissance internationale de nos entreprises. Nous favoriserons le développement des compétences et de l’employabilité. Enfin, nous ferons en sorte que la CGEM soit plus influente et plus proche de ses adhérents. Pour réussir, nous devrons commencer par établir un pacte de confiance avec toutes les parties prenantes: l’administration, les partenaires sociaux…
Quel sont les points de rupture avec le mandat Bensalah?
J’ai accompagné Miriem Bensalah durant les 6 ans de ses deux mandats pendant lesquels elle a positionné la CGEM comme un acteur influent, écouté, respectable, capable de faire bouger les lignes. La CGEM est aujourd’hui incontournable. La CGEM a joué un rôle visible dans le dispositif de diplomatie économique voulu par le Souverain. Avec la présidente sortante, la CGEM a acquis une stature sur le plan international. Et par ailleurs la CGEM a engagé un certain nombre de réformes (délais de paiement, compétitivité, informel) et a initié de nombreuses mesures en faveur du climat.… Ces chantiers ont été ouverts et il faudra les poursuivre. Pour autant, ma candidature est animée par une conviction forte : il faut changer l’état d’esprit au sein de notre pays face à l’entreprise. C’est pour cela que notre programme porte sur les actions et mesures pour «libérer l’entreprise». Et pour atteindre ces objectifs, nous ouvrirons la CGEM aux entreprises petites et moyennes en professionnalisant les services autour de 5 pôles :
• le droit et la fiscalité, et plus globalement les éléments liés aux relations avec l’administration, l’organisation transverse des métiers et la surveillance des marchés ;
• les régions ;
• l’international ;
• le social et l’employabilité ;
• les nouvelles économies.
Nous apporterons également quelques retouches à la gouvernance pour nous rapprocher des régions et des métiers.
Quelle évaluation faites-vous de la candidature du binôme Mezouar-Mekouar?
Cela faisait longtemps que les élections de la CGEM n’avaient pas vu plusieurs candidats se présenter et cela crée de l’émulation. Mais nous considérons être les candidats les plus légitimes pour parler au nom des entreprises et défendre leurs intérêts sans autres considérations que leur développement et leur croissance. Notre parti est celui de l’entreprise et tout autre enjeu partisan n’a pas sa place au sein de notre confédération ; chacun a ses propres convictions mais elles n’ont pas à s’exprimer au sein de notre association. Sinon, le discours et la défense des intérêts peuvent être suspects.
Je suis un entrepreneur, et j’ai un souci d’efficacité : je suis apolitique et suis libre pour négocier au mieux et au seul bénéfice des entreprises avec n’importe quel membre du gouvernement ou de l’opposition, quel que soit son parti.
Quels sont les points de force de votre duo par rapport au binôme concurrent ?
La CGEM, c’est en quelque sorte la maison des entreprises du Maroc. Notre raison d’être est la défense des intérêts de ses membres. Beaucoup de grands groupes sont actifs au sein de la CGEM, mais le corps électoral est composé en majorité d’entreprises de taille moyenne ou petite. Je suis un industriel exposé à la concurrence mondiale et grâce à cela et à mon parcours associatif, j’ai une connaissance claire des enjeux auxquels est confrontée l’industrie marocaine. Ma candidature a été suscitée et soutenue par des entreprises de tout type, des plus grandes aux plus petites. Je représenterai donc tous les entrepreneurs de notre pays, quelle que soit la taille de leur entreprise.
Quant à ma colistière Assia Benhida, elle a un parcours et un profil parfaitement complémentaire au mien : complémentarité du genre, elle est une professionnelle des services d’excellence aux entreprises quand je suis issu de l’industrie, nous sommes originaires de régions différentes du Maroc… En plus d’être également active au sein de la CGEM et dans plusieurs associations en lien avec le monde de l’entreprise. Et nous sommes tous deux des entrepreneurs qui opérons à la fois au Maroc et dans des marchés structurés….
Quelles sont vos chances de remporter ces élections ?
Depuis l’annonce de notre candidature, nous recevons de très nombreux soutiens qui proviennent de tous les secteurs d’activité, de toutes les régions mais également de tous types d’entreprises. Nous sommes donc confiants. Notre candidature est légitime mais, pour autant, il n’est pas ici question de chance : c’est la qualité de notre programme et notre crédibilité qui nous permettront de l’emporter…