Affaires
Pourquoi les importations de produits agroalimentaires ne cessent d’augmenter
Les produits des pays ayant signé un accord de libre-échange avec le Maroc inondent le marché en raison de leur compétitivité prix. L’indisponibilité et la cherté des matières premières augmentent le coût de fabrication des produits locaux.

Les importations de produits agroalimentaires ont évolué de 36,17% sur la période 2010-2014, passant de 18,5 à 25,2 milliards de DH. Dans le même temps, les exportations ont enregistré une hausse de 33,84%, à 22,5 milliards. Sur ce segment de marché, la balance commerciale a ainsi enregistré en 2014 un déficit de 2,7 milliards de DH contre 1,7 milliard quatre ans plutôt, et le taux de couverture a chuté à 90%.
Les produits importés sont essentiellement les poissons congelés et surgelés, le café, le thé, les glaces et autres produits laitiers, le sucre brut et les produits pour l’industrie des corps gras. Mais à la lecture de la liste des importations alimentaires, on remarque que le Maroc importe aussi et de plus en plus certains produits fabriqués localement ou pouvant l’être. En effet, les statistiques officielles du commerce extérieur laissent apparaître une évolution importante et régulière, durant ces quatre dernières années, de produits comme les conserves de fruits, le beurre, le fromage, les légumes et fruits frais et secs, les eaux minérales, les pâtisseries, biscuiteries et confiserie…
Que cachent ces chiffres? Les industriels soulignent unanimement le déficit de compétitivité de l’industrie agroalimentaire nationale, mise à nu par les accords de libre-échange qui ont largement ouvert le marché local aux produits étrangers, la faiblesse de la recherche et développement et l’importance du critère prix dans la décision d’achat du consommateur marocain au détriment de la qualité. Ceux qui investissent dans l’innovation préfèrent donc se tourner vers les marchés étrangers.
Selon ces industriels, «le marché de l’alimentaire est quasiment dominé par les produits importés frauduleusement et, depuis 2007, par ceux en provenance de pays avec lesquels le Maroc a signé un accord de libre-échange». Par exemple, la valeur des pâtisseries, biscuits et confiseries importés de Turquie, des Emirats Arabes Unis ou d’Egypte a augmenté de 61,48% depuis 2010. Des produits compétitifs face auxquels les nôtres «ne font pas le poids car plus cher en raison du coût des intrants qui a augmenté durant ces dernières années, sans compter que nos concurrents bénéficient de subventions étatiques», déplore un biscuitier de la place.
Les sauces et condiments locaux 15% plus cher que des produits turcs similaires
Si les accords de libre-échange ont boosté les importations de biscuits et autres confiseries, l’informel, selon les industriels du secteur, a raflé, quant à lui, une grande part de marché des jus de fruits. D’après les statistiques du Commerce extérieur, les importations légales de jus de fruits et légumes se sont repliées de 24% entre 2010-2014. «Aujourd’hui, il est très difficile pour un producteur de jus de se positionner sur le marché local car les prix de l’informel défient toute concurrence, même si la qualité n’y est pas!», commente un producteur de jus. Il faut également souligner que le développement de l’industrie du jus et de la conserve de fruits et légumes est freiné par l’irrégularité et la difficulté de l’approvisionnement en matières premières. En dépit de ce frein, il faut quand même signaler la percée de marques nationales comme Valencia, Marrakech, Jaouda et Al Boustane grâce à une gamme diversifiée.
L’indisponibilité de la matière première est également à l’origine du recul ou de l’arrêt de la fabrication de certains produits. C’est le cas des cornichons, du haricot vert et du concentré de tomate. Ce qui explique la forte hausse de 62,84% des importations de conserves de fruits et légumes et confitures durant les quatre dernières années en provenance de Turquie, d’Egypte, d’Espagne, de France…
Les fabricants de sauces et de condiments ne sont pas mieux lotis. «Aujourd’hui, nous sommes contraints d’importer les œufs pour les sauces et nous sommes plus chers de 10 à 15% que les produits turcs similaires qui inondent le marché». D’après les chiffres du commerce extérieur, les importations d’œufs ont augmenté de 12% entre 2010 et 2014. Pourtant, la production locale a progressé de près de 30% sur la même période, exclusivement grâce au secteur moderne.
En dehors des problèmes endogènes, le développement de la grande distribution a permis aux produits étrangers d’avoir un plus large accès au marché marocain. En effet, les enseignes n’hésitent pas à diversifier l’offre, entre autres avec des marques de distributeur. Ce qui explique, de l’avis des industriels, la hausse des importations de beurre (+44,62% entre 2010-2014), de fromage (+46,42%), d’eaux minérales (+24%) et de plats préparés (+77,40%).
