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Pourquoi les diplômés de la formation professionnelle chôment-ils plus que les autres
Le taux de chômage des lauréats de la formation professionnelle est presque de 23%, contre 18% pour l’ensemble des diplômés. L’effectif des diplômés entre 2011 et 2015 est de 155 200 par an en moyenne, et celui des emplois nets créés de 54 800 en moyenne annuelle !
Depuis trois décennies environ, les éloges, les superlatifs ne sont jamais de trop pour décrire la formation professionnelle. Ici comme ailleurs. On a dit, à son propos, qu’elle était une, sinon la clé de l’emploi et de la compétitivité. Et c’est loin d’être faux. La Chine, l’Inde, la Corée du Sud, pour ne parler que du continent asiatique, doivent leur décollage, au moins en partie, à la formation professionnelle.
Le Maroc, lui aussi, depuis 2001 en particulier, a mis le paquet sur ce type de formation, dans l’objectif bien déclaré de pourvoir aux besoins des entreprises en ressources humaines qualifiées. Et, depuis, les créations d’établissements de formation professionnelle (EFP), à la fois publics et privés, se sont multipliées. A fin 2016, on en dénombre 1879, dont 71% relèvent du secteur privé et 29% du secteur public (18% appartiennent à l’OFPPT et 11% à d’autres opérateurs publics), selon des indicateurs fournis par le Secrétariat d’Etat chargé de la formation professionnelle. Pour la seule rentrée 2015/2016, toujours selon la même source, 51 EFP ont été créés, dont 43 sont des opérateurs privés de formation.
La satisfaction d’une demande sociale d’abord
Face à cette offre de formation en croissance, la question que d’aucuns se posent est la suivante : le marché du travail, dans le contexte d’une croissance plutôt molle, est-il en mesure d’absorber la masse des diplômés des EFP ? Le constat dressé par le HCP, dans sa dernière enquête sur l’emploi, notamment, est que le taux de chômage qui frappe les lauréats de la formation professionnelle (22,7%) est largement supérieur à celui de l’ensemble des diplômés âgés de 15 ans et plus (17,9%). Le HCP ne fournit pas d’explication à ce phénomène et ce n’est d’ailleurs pas son rôle. Un responsable au Secrétariat d’Etat chargé de la formation professionnelle estime, pour sa part, que ce département est d’abord chargé de répondre à une «demande sociale» qui s’exprime assez clairement d’ailleurs à travers l’affluence croissante vers la formation professionnelle. Pour ne parler que de l’année scolaire 2015/2016, le nombre de places pédagogiques offertes dans le secteur public, tous niveaux de formation confondus, était de 216 430, tandis que le nombre de candidats inscrits au concours d’accès aux EFP approchait les 500 000, soit un taux d’affluence de 2,3. Et ce taux, au centième près, on l’observe tout au long des cinq dernières années, au moins.
Il vaut mieux être chômeur diplômé que chômeur sans diplôme
Ainsi, les statistiques du département de la formation professionnelle montrent que l’effectif global des stagiaires en 2016 était de 418 864, dont près de 75 000 relèvent du secteur privé. L’effectif des lauréats, lui, était de 170 000 en 2015, dont 26% sont issus des EFP privés. Entre 2011 et 2015, précise encore le Secrétariat d’Etat à la formation professionnelle, le nombre de lauréats, en cumul, était de près de 776000 dont plus de 221 000 du secteur privé. C’est donc une moyenne de 155 200 lauréats par an qui ont été formés entre 2011 et 2015. Et combien d’emplois ont été créés sur cette période ? 54 800 postes nets par an, en moyenne, selon les chiffres du HCP. Manifestement, l’offre de travail (si l’on suppose bien sûr que tous les lauréats ont cherché à se faire embaucher) dépasse très largement la demande d’emploi.
Bien entendu, ce n’est pas parce que le marché du travail, compte tenu des structures de l’économie, de la conjoncture, nationale et internationale, est frappé d’une atonie qui semble perdurer qu’il faut conséquemment cesser de former. A tout prendre, il vaut mieux être chômeur diplômé que chômeur sans diplôme – même si, dans le premier cas, la frustration est probablement plus grande que dans le second.
Il n’empêche que le foisonnement des opérateurs de formation, en particulier les opérateurs privés, pourrait peut-être expliquer, au moins partiellement, l’importance du chômage des diplômés de la formation professionnelle.
Comme le montrent les chiffres du département de la formation professionnelle, les EFP privés ont formé une moyenne de 44 300 lauréats par an entre 2011 et 2015, soit presque l’équivalent des emplois nets créés sur cette période. Mais cela ne ressemble-t-il pas à l’histoire de l’œuf et de la poule ?
[tabs][tab title = »Taux d’insertion : ce que révèlent les enquêtes du département de tutelle« ]Le Secrétariat d’Etat chargé de la formation professionnelle opère régulièrement une évaluation du système de formation, et cette évaluation est réalisée au moyen de trois indicateurs dont, pour ce qui nous concerne ici, le rendement externe, c’est-à-dire le taux d’insertion des lauréats. Deux enquêtes ont été menées dans ce sens : la première, conduite 9 mois après l’obtention du diplôme, concerne la promotion 2015 ; le seconde, réalisée 3 ans après l’obtention du diplôme, concerne les lauréats de 2012. La première enquête fait ressortir un taux d’insertion global de 62,9%. Dans le détail, ce sont les lauréats des niveaux les moins élevés, comme le certificat d’aptitude professionnelle (68,9%), qui trouvent moins de difficulté à s’employer. Par secteur de formation, c’est l’automobile (79,3%) et la pêche maritime (79%) qui ont enregistré les taux d’insertion les plus élevés. La seconde enquête, dite de cheminement professionnel, a révélé un taux d’insertion global de 83,7%. Et cette fois, ce sont les techniciens spécialisés qui se sont le mieux insérés (87,8%). Les filières de transport et logistique, de l’assistance aux ménages et de l’artisanat sont celles qui ont suscité le plus d’engouement, avec des taux d’insertion respectifs de 98,6%, 92,8% et 92,1%.[/tab][/tabs]