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Pourquoi le chômage n’a pas augmenté au Maroc, malgré la faiblesse des créations d’emplois
Le taux de chômage a stagné à 9% en 2012 en raison du faible accroissement de la population active. La faible participation des femmes, la baisse de la fécondité et l’allongement de la durée des études expliquent cette situation.
C’est le plus mauvais résultat, en termes de créations nettes d’emplois, que l’économie marocaine ait jamais réalisé ; du moins depuis l’existence des enquêtes nationales sur l’emploi : 1 000 postes seulement au terme d’une année 2012 qui, paradoxe apparent, a pourtant vu le taux de chômage se stabiliser au niveau où il était en 2011, soit 9%. Bien sûr, faut-il le repréciser tout de suite, il n’y a pas eu que 1 000 emplois créés, mais 127 000. Il se trouve que, dans le même temps, les destructions d’emplois se sont chiffrées à 126 000. D’où le solde net de 1 000 emplois.
Ces statistiques, fournies par le Haut commissariat au plan (HCP), montrent cependant que les emplois détruits sont tous des emplois non rémunérés. C’est une évolution intéressante, car jusque-là, ce qui faisait gonfler le volume des créations nettes, c’était, en partie, les emplois non rémunérés. Et ceux-ci sont, grosso modo, localisés dans le secteur agricole. Il est significatif à cet égard que sur les 126 000 emplois perdus en 2012, près de 86% (soit 108 000 emplois) appartiennent au secteur agricole.
Est-ce que cela révèle une tendance de fond vers l’amélioration de la qualité de l’emploi ? Difficile à dire, car les destructions d’emplois non rémunérés sont plutôt le résultat de la mauvaise conjoncture que traverse l’économie marocaine, marquée par une mauvaise campagne agricole l’année dernière. Ensuite, un emploi rémunéré n’est pas forcément synonyme d’un emploi de qualité. D’ailleurs, les créations d’emplois en 2012, qui ont été exclusivement le fait des services, l’ont été en grande partie dans des branches (commerce de détail, réparation d’articles domestiques, etc.) où la qualité des emplois laisse à désirer. Peu de créations, en revanche, ont été observées dans les branches où les emplois sont réellement de qualité, comme les services financiers (banques, assurances…), par exemple.
Le taux d’activité des femmes est en baisse depuis 2003
Comme indiqué au début, cette faiblesse historique des créations nettes d’emplois ne s’est pas accompagnée d’une hausse du taux du chômage. Qu’est-ce qui explique cette situation ? La réponse est simple : la population active, en termes absolus, a très faiblement augmenté (+0,1% à 11 549 000 personnes) ; on pourrait même dire qu’elle a tout simplement stagné. Proportionnellement à la population âgée de 15 ans et plus, elle a même baissé, puisque le taux d’activité a perdu près d’un point en passant de 49,2% en 2011 à 48,4% en 2012. En plus d’une dizaine d’années, le taux d’activité au Maroc a perdu plus de 6 points, en passant de 54,5% en 2000 à 48,4% en 2012. Plus généralement, le taux d’activité dans la région Afrique du Nord et Moyen-Orient est le plus faible au monde. En Afrique du Nord, il est autour de 51% et de 50% au Moyen-Orient, et ce depuis une dizaine d’années, selon les données du Bureau international du travail (BIT). La moyenne mondiale, toujours selon le BIT, était de 65,3% en 2009 (date de publication de son rapport). Dans les économies développées, le taux d’activité est proche de 70%. En Asie, il dépasse les 80% et en Amérique latine et les Caraïbes, il est autour de 80%.
Pourquoi le taux d’activité en Afrique du Nord et au Moyen-Orient est faible ? La réponse est là aussi simple : la faible participation des femmes. Le taux d’activité des femmes au Moyen-Orient en 2009 était de 24,8% et en Afrique du Nord de 27,6%. Au Maroc, le taux d’activité des femmes est actuellement de 26,3%, contre 28% en 2003. En Algérie et en Tunisie, le taux d’activité féminin est encore plus faible avec respectivement 15% et 25% environ (ce qui est incompréhensible pour la Tunisie, pays précurseur dans l’émancipation des femmes).
Outre la sous-représentation des femmes dans l’offre globale de travail, il y a lieu d’ajouter la baisse de la fécondité et l’entrée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail, en raison des études devenues de plus en plus longues. Il en résulte une faible augmentation de la population active, donc une moindre pression sur le marché du travail. En 2003 et 2004, à titre d’exemple, la population active avait crû respectivement de 5% et 3,6%. En 2012, son taux d’accroissement n’a été que de 0,1%.
Pour dire les choses autrement, le niveau de chômage au Maroc, comme en Afrique du Nord, reflète moins le dynamisme de l’économie que la structure de la population active dans cette région…