Affaires
Polycliniques CNSS : La filialisation en marche
La mise à niveau des unités de soins devrait passer par la filialisation de la gestion et la réalisation d’un plan de redressement qui s’étalera sur une période de 2023 à 2026.
Les polycliniques sortent finalement du giron de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Son conseil d’administration, qui s’est tenu le 25 janvier, a officiellement validé la proposition de filialisation des treize unités médicales créées et gérées par la Caisse depuis le début des années 1980. Cette réorganisation de l’activité médicale du gestionnaire de l’AMO, en projet depuis 20 ans, mettra fin à une situation d’incompatibilité juridique de la CNSS avec les dispositions de la loi 65-00 relative à l’AMO, qui stipule dans son article 44 qu’un gestionnaire de l’assurance maladie ne peut être également prestataire de soins. Mais au-delà de la résolution de cette problématique juridico-légale, la filialisation permettra, sur le plan économique et financier, «le redressement des polycliniques en vue d’atteindre un équilibre financier et donc la suppression de la subvention longtemps octroyée à ces unités», explique Redwan Frej, directeur du Pôle médical de la CNSS.
Un processus qui devra durer jusqu’à 24 mois
La filialisation des polycliniques implique la création d’une société d’exploitation, sous forme de SA, qui sera détenue à 100% par la CNSS. La mise en place du nouveau gestionnaire s’étendra sur les quatre prochaines années. Il faudrait, au préalable, procéder à l’amendement du dahir de 1972 fixant les statuts de la Caisse afin de l’autoriser à créer une filiale. Et il va falloir aussi attendre la publication des décrets du ministère des Finances, assurant la tutelle de la Caisse, et enfin l’autorisation d’exploitation accordée par le ministère de la Santé. Des démarches qui devraient être bouclées dans 12 à 24 mois au plus tard. Mais la machine est déjà enclenchée, puisque les équipes de la CNSS ont déjà travaillé sur le branding et le changement de logo qui a été déposé à l’OMPIC. Sur le plan économique, le business plan proposé par la CNSS a été réalisé avec la banque d’affaires Upline Securities. Celle-ci a par ailleurs élaboré la feuille de route pour l’amélioration de la gestion. La mise en œuvre du modèle économique retenu par le conseil d’administration s’étalera sur quatre années.
Il démarrera en 2023, année d’amorçage, et devrait permettre d’atteindre, à l’horizon 2026, les objectifs que la CNSS s’est assignés : mise en conformité juridique, amélioration de la santé financière des polycliniques pour ne plus recourir à la subvention et, enfin, renforcer le rôle citoyen des polycliniques. Traitant annuellement environ 600.000 patients, les treize unités médicales enregistrent, depuis des années maintenant, un déficit récurrent couvert par une subvention étatique qui leur est annuellement octroyée. L’objectif du business plan élaboré par la Caisse est de redresser les polycliniques à l’horizon 2026. Ce qui nécessite un investissement global de 349 MDH, dont 299 seront débloqués au cours de l’année 2023 et les 50 autres millions sur les deux autres années suivantes. Sur l’ensemble de cet investissement, financé par la CNSS, 180 millions de dirhams couvriront les dépenses en matériel en vue de la mise à niveau des polycliniques. Ainsi il est prévu la création de centres de cardiologie à la polyclinique de Derb Ghallef, d’ophtalmologie et d’ORL dans l’unité de Ziraoui et une clinique d’excellence à Agadir.
Une mise à niveau pour doubler le chiffre d’affaires
Par ailleurs, les services de la polyclinique «Mère et Enfant» de Hay Hassani seront renforcés. Le portefeuille de prestations des autres unités médicales sera amélioré, tant au niveau des aménagements, du matériel que des ressources humaines. Aujourd’hui, les polycliniques comptent 2.500 à 3.000 emplois directs et indirects. Un effectif appelé à être renforcé au gré des besoins de chacune des unités médicales. Celles-ci seront interconnectées par un nouveau système d’information. «Nous avons déjà acheté la solution et la mise en place se fera sur les 18 prochains mois», avance Redwan Frej, qui tient à préciser que «l’année 2023 sera techniquement difficile, car les travaux d’aménagement impliqueront une perturbation des activités des polycliniques, parce qu’il faudra fermer temporairement et de façon alternative les services».
La mise à niveau des polycliniques permettra d’atteindre, selon les prévisions de la CNSS, un chiffre d’affaires de 825 MDH en 2026 et une réduction jusqu’à disparition de la subvention annuelle accordée aux unités de soins depuis plusieurs années pour couvrir leur déficit récurrent. Le montant de la subvention est situé en 2022 à 258 MDH et devrait atteindre les 134millions pour cette année.
Interview
«Un plan de redressement optimiste»
La problématique juridique et légale de la CNSS vis-à-vis de la loi 65-00 régissant le régime de l’AMO est désormais résolue.
Le conseil d’administration s’est prononcé pour la filialisation des polycliniques. Une bonne nouvelle ?
En effet, cela permettra de mettre fin à cette problématique juridique et légale de la CNSS vis-à-vis de la loi 65-00 régissant le régime de l’AMO. C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail et de discussions des diverses propositions que nous avons faites. Il y avait au départ une dizaine de scénarios et finalement nous en avons retenu deux : l’amendement des dispositions légales et la filialisation de la gestion. Cette dernière est la plus adaptée, car le changement de la loi est plutôt d’ordre politique nécessitant plus de temps pour sa mise en place. De plus, il ne concerne pas uniquement la CNSS mais également les mutuelles et d’autres Caisses qui sont à la fois gestionnaires et prestataires de soins.
Est-ce que le travail a déjà commencé ? Quel est le calendrier de mise en œuvre ?
Les équipes internes ont déjà commencé, depuis 2022, à travailler sur des préalables de la mise à niveau, notamment le branding, le logo, etc.Tout comme nous avons déjà réalisé des réaménagements de certaines unités médicales. Pour la mise en conformité juridique, nous restons optimistes et espérons que les démarches seront effectuées dans les 12 prochains mois. En cas de retard procédural, il faudra compter 24 mois pour boucler ce chantier.
Quels sont les objectifs économique et financier de ce chantier ?
La mise à niveau des polycliniques permettra d’atteindre, selon les prévisions de la CNSS, un chiffre d’affaires de 825 MDH en 2026 et une réduction de la subvention en vue de son extension à la même date butoir.
En 2022, les polycliniques ont réalisé un chiffre d’affaires de 526 MDH, dépassant ainsi l’objectif initial qui était fixé à 454 MDH. C’est une croissance de 26% par rapport à 2021 et de 16% par rapport à 2018 qui a été un exercice exceptionnel.
Êtes-vous optimiste quant à la réalisation de ces prévisions ?
Oui. Et l’arrivée des nouvelles populations d’assurés constitue un facteur exogène favorable. Plus encore, il faut préciser que, si elle a lieu, cette révision de la tarification nationale de référence nous sera également bénéfique.