Affaires
Polycliniques CNSS : 175 MDH de dettes, fournisseurs et médecins non payés
Ces structures de santé traînent une dette de 175 MDH à l’égard des fournisseurs et des médecins vacataires. Au même moment, elles peinent à recouvrer 259 MDH auprès des mutuelles et entreprises conventionnées.

Les treize polycliniques de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ne sont pas au bout de leur peine. Alors que celle-ci s’apprête à relancer le dossier de la gestion déléguée en stand by depuis 2009, la situation financière de ces structures de santé qui était en cours d’amélioration depuis 2007 semble se détériorer, au point que, selon des sources bien informées, elles n’ont pas pu régler les salaires de leur 800 médecins vacataires et les factures de leurs fournisseurs depuis plusieurs mois. Une source proche de la CNSS indique que cette ardoise s’élève à 175 MDH.
Ce retard est pour l’essentiel dû à l’assèchement de la trésorerie. En effet, les polycliniques, si on se réfère aux chiffres internes que nous avons pu consulter, ont opéré un net redressement de l’activité. Entre 2007 et 2010, le chiffre d’affaires a augmenté de 30%, à 463 MDH, et les encaissements de 27%, à 376 millions. Au titre de l’exercice en cours, l’activité a légèrement reculé en raison, selon un responsable du pôle des unités médicales, de «la baisse de la consommation médicale provoquée par la crise». Il fait aussi savoir que les encaissements, de l’ordre de 350 MDH à fin septembre 2011, pourraient ne pas dépasser ceux de l’année précédente, mais cet état de fait n’est que conjoncturel. On comprend par là que la tendance à la hausse du nombre de patients et d’actes médicaux, enclenchée depuis quatre ans, ne sera pas inversée. D’après le rapport de 2010, les treize polycliniques ont admis 662 252 patients et réalisé 56 459 hospitalisations, soit une hausse de 3 et 7% par rapport à 2009. En comparaison avec 2007, le nombre de patients traités a progressé de 5% et celui des hospitalisations de 16%. Ces résultats récompensent la stratégie basée, entre autres, sur l’introduction de nouvelles spécialités à forte valeur ajoutée et le renforcement du plateau technique.
La CNSS doit se désengager de la gestion au plus tard en décembre 2012
Le gros souci de la CNSS est que les recouvrements sont très lents. Le cumul des créances auprès des mutuelles des fonctionnaires et des organismes et entreprises publics conventionnés ont atteint 259 MDH en septembre 2011 contre 100 millions à fin juillet 2010, d’après un arrêté des comptes réalisé en mai dernier. L’équation est donc simple : pour honorer ses dettes, il faut faire rentrer de l’argent. Naturellement, les syndicats, toujours très remontés contre la gestion des polycliniques, parlent de «difficultés financières très graves» et vont même jusqu’à évoquer la faillite. A les en croire, l’impasse actuelle est la résultante de deux facteurs. Le premier est la baisse de la subvention accordée aux polycliniques. En 2002, lorsqu’elles accusaient un déficit de 316 MDH, une subvention annuelle de l’ordre 320 millions leur avait été accordée par la CNSS pour leur permettre d’équilibrer les comptes. Ce montant devait cependant baisser progressivement pour disparaître totalement avant la cession de la gestion à un opérateur privé. Le plan avait en effet été respecté et la subvention est tombée à 127 MDH en 2010. Mais au regard des valorisations salariales dont ont bénéficié les salariés lors du dialogue social, la Caisse avait demandé d’accorder une rallonge pour faire face à cette situation. La contribution pour 2011 avait donc été portée à près de 180 MDH. Selon un responsable syndical, toute cette enveloppe a été consommée au cours du premier semestre. La caisse a même demandé l’autorisation du ministère des finances pour avancer encore un peu plus d’argent, mais ce dernier lui a opposé une fin de non recevoir.
La seconde source du malaise des polycliniques réside, selon les syndicats, dans la détérioration de la qualité des prestations servies. Il s’agit là d’un rejet sans ambages des résultats de la stratégie de reconquête du marché. Ils assurent que les polycliniques sont en proie à une indisponibilité des médicaments puisque leurs fournisseurs, non payés, refusent désormais de les approvisionner. Les syndicats pointent également la dégradation de la qualité qui est due au déficit d’équipements médicaux. Ils soulignent que sur les 53 MDH prévus pour l’acquisition de matériel, notamment un appareil d’IRM et d’autres équipements radiologiques, en 2011, seulement 2 MDH ont été investis. Le Pôle des unités médicales de la CNSS confirme le montant global, mais souligne que 16,5 MDH ont bien été consacrés à l’achat de cinq scanners pour les polycliniques d’Agadir, de Marrakech, de Tanger et de Casablanca. Ce qui porte à 7, dont 4 à Casablanca, le nombre de scanners des polycliniques et permet de couvrir 60% des besoins de ces unités médicales.
Sur la disponibilité des médicaments, le pôle des Unités médicales dément toute pénurie et précise que la CNSS, conformément à la stratégie du ministère de la santé, a dû arrêter l’achat de certains princeps pour les remplacer par les génériques.
