Affaires
Poids lourd : le petit tonnage résiste, le gros s’effondre
La baisse du marché est estimée entre 8% et 10% par les professionnels. Les mesures du contrat de performance signé avec les pouvoirs publics en 2015 tardent à se concrétiser.
Le secteur du poids lourd touche le fond ! Enfoncé dans la crise depuis 2009, il signe sa huitième année baissière. En l’absence de chiffres définitifs du Groupement professionnel du poids lourd et de la carrosserie (GPLC) —plusieurs opérateurs, notamment filiales internationales, n’ont pas encore communiqué leurs réalisations—, la baisse des volumes est estimée entre 8 et 10% pour l’ensemble du marché (camions, bus et autocars).
Clairement, le secteur peine structurellement à remonter la pente. En 2016 déjà, les ventes de camions industriels avaient dévissé de 17%, à 3 208 unités. Les nouvelles immatriculations de bus et autocars tournent autour de 600. Par gamme, les ventes du 5 à 8 t sont les plus touchées selon les professionnels avec des volumes en décrochage de plus de 35%. Moins touchés, les véhicules de 14 à 16 tonnes enregistrent une baisse de 20% à 25%. Les camions de 26 tonnes ne font guère mieux. Quelques notes positives tout de même : le petit tonnage (3,5 tonnes) arrive à limiter la casse. Ses ventes se maintiennent autour de 500 unités bon an mal an. Les professionnels expliquent cela par des raisons de praticité et de capacité du petit tonnage à rallier rapidement les points urbains et les zones industrielles. Aussi, les tracteurs routiers et le transport de personnel montrent des signes de résistance sans pour autant retrouver leurs niveaux de la dernière décennie. L’attrait des tracteurs est justifié essentiellement par des raisons de coûts et d’économie d’échelle pour les entreprises qui optent pour des livraisons en groupage. «Le coût de la tonne transportée est significativement plus faible pour une charge utile de 30 tonnes (tracteurs) que pour 8, 15 ou même 20 tonnes (segments intermédiaires)», analyse un opérateur.
Les ventes de l’occasion et l’allongement des durées d’usage plombent le marché
Depuis 2009, les commandes, à la fois pour l’extension du parc ou l’amélioration des caractéristiques des véhicules, se font rares. Pour expliquer ce marasme, Adil Zaidi, président du GPLC, invoque le ralentissement économique, le manque de visibilité et de confiance des opérateurs, la panne du BTP et le tassement des grands chantiers structurants, ainsi que le suréquipement des opérateurs exerçant dans le transport touristique et du personnel. De plus, la difficulté d’accès au financement bancaire fait en sorte que plusieurs opérations d’achat n’aboutissent pas. Les professionnels font savoir à ce titre qu’il est très laborieux de financer son parc à crédit, vu les conditions appliquées par les établissements de crédit, notamment les sociétés de leasing. Ces dernières deviennent de plus en plus prudentes et font preuve de beaucoup de rigueur quant à l’analyse du risque. Ce faisant, elles demandent des garanties personnelles rédhibitoires : la caution des associés, le plus souvent.
L’allongement des durées de rétention des véhicules et la montée en force des ventes de l’occasion (entre 2 000 et 3000 unités sont achetées dans ce circuit selon les professionnels) sont également des facteurs explicatifs décisifs de la baisse de l’activité. D’après les données recoupées de la profession et du ministère du transport et de l’équipement, sur les 145000 véhicules que compte aujourd’hui le parc des poids lourds, 16 000 ont plus de 40 ans et 65 000 sont âgés de plus de 20 ans.
Cet état du parc (de 3,5 tonnes jusqu’à 40 tonnes et plus) a poussé les pouvoirs publics à décider l’interdiction de la circulation des véhicules de plus de 20 ans. «Dans la foulée, les pouvoirs publics ont décidé de revoir cette mesure et de commencer avec les véhicules de plus de 37 ans. Mais cette décision peine à être appliquée, alors qu’elle représente un préalable à l’exécution des engagements dans le cadre du contrat de performance (structuration en écosystèmes) 2016-2020 signé avec le ministère du commerce et de l’industrie», informe M.Zaidi.
Pour le secteur, cette nécessité de renouveler le parc vétuste constitue une aubaine afin de relancer les ventes du neuf et faire émerger un secteur du montage industriel performant. De plus, les opérateurs estiment que les nouvelles normes techniques déjà en vigueur (twist lock, ceinture de sécurité, feux, ABS, émissions…) constituent également un moyen de doper le marché. Dans les couloirs, des sources bien renseignées confient que les officiels de l’équipement et des transports avouent qu’ils n’ont pas les budgets permettant d’appliquer cette mesure, du moins pour l’heure actuelle.