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Plus de 100 000 emplois à pourvoir dans le privé d’ici fin 2014
L’ANAPEC a sondé quelque 5000 entreprises privées organisées, représentatives des gros secteurs employeurs. 61% des besoins exprimés sont concentrés dans trois régions : Grand Casablanca, Tanger-Tétouan et Rabat-Salé-Zemmour-Zaër.

Trouver un emploi, c’est aujourd’hui la préoccupation numéro 1, en particulier chez les jeunes, cette catégorie de la population qui connaît les taux de chômage les plus forts, y compris d’ailleurs dans certains pays développés comme la France. Et cette préoccupation se transforme en angoisse lorsque l’activité ralentit, engendrant même des destructions d’emplois. Le Maroc a connu cette situation en 2012 par exemple, avec une création nette d’emplois ne dépassant pas 1 000 postes. Ce qui signifie que les destructions d’emplois, du fait sans doute de la crise, ont été extrêmement élevées : 126 000 postes détruits sur 127 000 créés, selon l’enquête du Haut commissariat au plan (HCP) sur le marché de l’emploi en 2012.
Compte tenu du fait que la crise sévit encore dans le monde, et par ricochet au Maroc, quelles sont les perspectives de l’emploi pour les deux années à venir ? Même s’il est difficile pour les entreprises, en particulier dans le contexte d’aujourd’hui, d’avoir une visibilité sur des termes plus ou moins longs, l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC), parallèlement à sa mission d’intermédiation, en a approché un échantillon en vue de relever leurs besoins en ressources humaines. L’enquête de l’ANAPEC a été menée auprès d’un échantillon de quelque 5 000 entreprises du secteur privé organisé, représentatives des plus gros secteurs employeurs (suivant en cela le principe de Pareto selon lequel, en l’occurrence, 80% des emplois sont créés par 20% des entreprises).
Cette enquête est toute récente, elle a été réalisée au printemps de cette année. Conclusion : sur les dix-huit mois à venir, soit jusqu’à la fin de 2014, les entreprises enquêtées déclarent avoir des besoins en effectifs s’élevant à un peu plus de 100 000 personnes, soit plus de 33 000 personnes par semestre en moyenne.
Il faut s’empresser de le préciser : ces besoins exprimés au moment de l’enquête peuvent s’avérer plus tard beaucoup plus importants ou, au contraire, moindres, suivant que la conjoncture et les carnets de commandes s’améliorent ou non par rapport aux prévisions du moment (si tant est que les DRH des entreprises enquêtées, et des entreprises en générale, établissent de réelles prévisions de recrutement).
Quels sont les secteurs offreurs de ces emplois ? Près de 60% des besoins exprimés émanent de trois secteurs, nous dit l’enquête de l’ANAPEC. Il s’agit, par ordre d’importance, de l’hébergement/restauration (22731 emplois), de l’automobile/aéronautique (20 219 emplois) et de l’offshoring/nouvelles technologies de l’information et de la communication (14 933 postes). Le reste se partage entre la construction, le commerce, les services, l’enseignement, l’agroalimentaire, la finance, l’industrie…
Constat : si l’on met de côté l’automobile/aéronautique qui fait partie des métiers mondiaux du Maroc et qui est en plein développement, le gros des recrutements, ou plus exactement des besoins de recrutement exprimés, appartient au secteur tertiaire. Ce n’est bien sûr pas une nouveauté, c’est une confirmation; les activités du tertiaire réalisant en effet quelque 55% du total des valeurs ajoutées, et ceci depuis le début de la décennie 2000. Il n’y a donc pas d’inflexion dans la structure de l’économie : le secteur secondaire, dont une bonne partie est constituée d’activités industrielles, représentant 28 à 29% de la valeur ajoutée depuis au moins 1998, et le secteur primaire (agriculture, pêche, aquaculture et activités annexes) oscillant entre 15% et 16%. L’emploi reflète parfaitement cette structure.
Tanger-Tétouan : forte dynamique de l’emploi autour de l’industrie automobile
Quelles sont maintenant les déclinaisons régionales de ces intentions de recrutement? Sans surprise, le Grand Casablanca vient en tête avec des besoins en effectifs s’établissant à près de 25000 (24885 exactement). Là encore, les activités tertiaires prédominent : on y trouve, dans l’ordre, l’hébergement/restauration (8 269 emplois), le commerce (4 743 emplois), les activités financières et d’assurance (3 350 postes), les activités de services administratifs et de soutien (2 851 postes), soit 77,2% des besoins exprimés.
Après le Grand Casablanca, on trouve en deuxième position la région Tanger-Tétouan avec des besoins exprimés s’établissant à 19917 emplois. Contrairement à Casablanca, le gros de ces besoins est exprimé par l’industrie manufacturière (10 920 emplois), le tourisme (hébergement/restauration) venant en deuxième position avec 7 015 postes. L’automobile et ses équipementiers représentant pratiquement la totalité des emplois industriels. D’ailleurs, les profils de métier les plus recherchés sont surtout les opérateurs d’assemblage, les opérateurs de câblage, les opérateurs sur machine de production, les techniciens en maintenance, les ouvriers qualifiés, les opérateurs peinture, etc. Autant dire que la dynamique emploi, dans cette région, est créée principalement autour de l’industrie automobile et des équipementiers qui la complètent.
La troisième place dans la distribution régionale des intentions de recruter revient à Rabat-Salé-Zemmour-Zaër avec 17 761 postes. Ici, c’est dans l’offshoring/NTIC que les besoins exprimés sont les plus élevés (7 296 emplois), suivi de la construction (2 654 postes), de l’hébergement/restauration (2 446 emplois) puis des services divers (2 034 postes). Une configuration de l’emploi conforme à…l’identité du chef-lieu de la région, Rabat, une ville administrative à forte concentration de services.
Viennent ensuite Gharb-Chrarda-Beni Hssen, Fès-Boulmane, Sous-Massa-Drâa, Marrakech-Tensift-Al Haouz…Taza-Al Hoceima-Taounate fermant la marche avec seulement 508 besoins exprimés.
Finalement, trois régions totalisent à elles seules 61% des besoins exprimés et trois secteurs canalisent 57% de ces besoins. C’est une forte et double concentration, à laquelle on peut d’ailleurs ajouter la prédominance, dans les besoins exprimés et même dans les offres effectives d’emplois, des TPE en particulier et des PME en général (voir encadré). La création d’un ministère dédié à la PME-PMI dans le gouvernement Benkirane II paraît à cet égard tout à fait pertinente. 99% des entreprises marocaines étant, pour rappel, constitués de PME. Cela justifie que celles-ci, pour l’essentiel, soient à l’origine des créations d’emplois. On peut se demander en revanche, sur la base des statistiques de l’ANAPEC, pourquoi ce sont les TPE (toutes petites entreprises) qui sont les plus actives en matière d’offres d’emploi. Est-ce dû aux incitations que l’Etat accordent dans le cadre du contrat insertion (Idmaj) géré par l’ANAPEC? Serait-ce parce que ces entités sont constamment à la recherche d’employés en raison d’un turn-over élevé qu’elles connaîtraient du fait qu’elles ne gardent pas trop longtemps leurs salariés ? C’est une autre dimension de la problématique de l’emploi au Maroc…
