Affaires
PLF 2014 : la machine parlementaire du PJD a bien fonctionné
Les députés PJD membres de la commission des finances se sont mobilisés pour rejeter systématiquement tous les amendements de l’opposition. Les élus ont encore une fois fait dans la quantité avec plus de 200 amendements.
Abdelilah Benkirane va, encore une fois, gagner une manche dans son bras de fer contre une opposition. A l’heure où nous mettions sous presse, mercredi 20 novembre, le projet de Loi de finances de 2014 était en passe d’être adopté sans grande difficulté. Le PJD y a mis tout son poids politique et mobilisé son bataillon de députés. En commissions déjà, les élus islamistes n’avaient qu’un ordre : faire capoter tous les amendements des partis de l’opposition. Le résultat est là pour témoigner de la ténacité des députés islamistes : presque la totalité des amendements ont été systématiquement rejetés pendant le vote en commission de la première partie du PLF. Et quand il s’en trouvait quelques-uns qui eurent grâce aux yeux des groupes de la majorité, plus particulièrement le PJD, c’est une version revue de l’amendement qui est validée.
Selon un député de l’Istiqlal, toutes les interventions contre les propositions d’amendements présentés par l’opposition ont été signées par les députés du PJD, sauf quelques exceptions à inscrire au compte du nouveau venu, le RNI. Ce qui fait dire à ce parlementaire que le parti de la lampe, fort de ses 105 élus, tient à continuer à jouer le rôle de parti hégémonique qu’il a été depuis le début de l’actuelle expérience gouvernementale. Sur les 186 amendements (67 pour le PAM, 62 pour l’Istiqlal, 34 pour l’USFP et 23 pour l’UC), seuls 11 ont été retenus. De l’autre côté, le gros des 22 amendements présentés par les quatre groupes et les deux groupements de la majorité a été retenu, soit 8 amendements validés sur 22 proposés. A préciser que la majorité a retiré 13 amendements. Quant au gouvernement, il a fait voter la totalité des 11 amendements qu’il a présentés, dont 10 à l’unanimité. Les principaux amendements proposés touchent en général les dispositions douanières et le code des douanes, notamment la TVA, ainsi que l’encouragement de l’acquisition du logement en faveur de la classe moyenne.
L’Istiqlal et le PAM n’ont donc pas réussi à faire aboutir un amendement destiné à faire fléchir le gouvernement sur la question des diplômés chômeurs signataires du fameux PV du 20 juillet. Ils avaient suggéré que 3000 parmi les 18 000 postes d’emplois créés dans le cadre du PLF-2014 soient réservés à cette catégorie. Les députés PJD ont également fait barrière devant des mesures fiscales présentées par les socialistes et celles proposées par leurs alliés istiqlaliens. Pour l’USFP, il s’agit en gros d’un réaménagement fiscal pourtant sur l’exonération de l’IR pour les salariés aux revenus annuels inférieurs à 36 000 DH et une retenue limitée à 10% pour les revenus compris entre 36 000 et 50000 DH. Une autre proposition concernant l’IS qui fixe l’impôt sur les sociétés réalisant des bénéfices inférieurs à 500000 DH à 10% et à 15% l’IS qui frappe les sociétés dont les bénéfices sont compris entre 500 000 et une million de DH.
L’Istiqlal s’est vu lui aussi refuser des propositions similaires : un abattement fiscal de 20% pour les sociétés qui investissent dans la recherche et le développement (un amendement similaire du PAM avec 30% d’abattement a été également refusé), un réaménagement de l’IR avec exonération des revenus inférieurs à 36 000 DH, un IR de 16% entre 50000 et 60000DH et 24% entre 60000 et 80 000 DH et la création de deux nouvelles tranches : 30% pour les revenus compris entre 80 000 et 120 000 DH et 40% pour les plus de 480000 DH. Pour l’IS, un amendement du PAM ramenant le taux à 10% pour moins de 300 000 DH de bénéfices, à 17,5% pour les bénéfices situés entre 300000 et un million de DH est également passé à la trappe.
La prochaine bataille sera livrée à la deuxième Chambre
La majorité a également rejeté les amendements de l’opposition portant, entre autres, sur une forte taxation des produits de luxe (30% de TVA). Ce ne sont que des exemples, car cette année encore, les groupes parlementaires, principalement ceux de l’opposition, ont voulu faire dans la quantité.
Au final, la totalité des amendements présentés, dans les deux bords, auront nécessité plus de 12 heures pour les passer en revue pendant la journée du 17 novembre qui s’est prolongée jusqu’à minuit passée, soit une vitesse de 12 amendements par heure. Là encore, le PJD a voulu montrer sa «suprématie sur les autres partis»: 90% de ses élus ont répondu présent et suivi la totalité des débats en séance plénière. Et au moment du vote, il était là pour gonfler les rangs du «oui». Le texte a finalement été adopté, dans sa première partie, la plus importante, à 110 voix (dont 90 du PJD) contre 37. Cela alors que les formations de l’opposition totalisent 174 sièges sur les 395 que compte la Chambre. On l’aura constaté, le tandem Istiqlal-USFP n’a pas encore commencé à fonctionner. Du moins sur le plan technique, puisque les deux partis ont présentés des amendements séparés.
Cela dit, l’opposition n’a pas encore dit son dernier mot. C’est en tout cas ce qui se dit dans les coulisses de la première Chambre. La prochaine bataille sera livrée au sein de la deuxième Chambre où, rappelons-le, l’opposition détient la majorité des sièges. En attendant, les groupes de l’opposition comptent saisir le Conseil constitutionnel pour invalider le PLF pour au moins deux motifs. Le premier étant que la procédure du dépôt, d’examen et d’adoption du projet s’est faite selon une loi organique des finances qui relève de la Constitution de 1996. La deuxième raison est liée à la commission de la Justice, les budgets partiels qu’elle a votés sous la présidence du Rniste Mohamed Hanine (majorité) ne sont pas valides. La commission n’a changé de président que mardi 19 novembre après l’adoption de la première partie du PLF.