Affaires
Plateaux de bureaux à Casa : 140 000 m2 disponibles et 800 000 m2 à venir !
La demande annuelle en bureaux porte à peine sur 60 000m2 alors que la production représente le double. La suroffre devrait s’accentuer encore plus sur les 4 prochaines années avec un parc de bureaux qui augmentera de 60%.

La surchauffe guette le marché de l’immobilier de bureaux. C’est le constat que dresse le Cabinet A. Lazrak, leader national de l’immobilier professionnel, dans une récente étude fouillée dévoilée en exclusivité par La Vie éco. L’inquiétude du consultant est alimentée par un écart important entre l’offre et la demande de bureaux qui s’accentuera davantage dans les prochaines années. Cela vaut pour le marché de Casablanca, objet de l’étude, qui est de loin le plus important au niveau national. Celui-ci accueille en effet, avec Rabat, 80% du parc de bureaux au Maroc, selon les estimations des professionnels, tout en affichant un rythme de développement sans commune mesure avec la capitale administrative : Casablanca devrait accueillir plus de 120 000 m2 de surface de bureaux supplémentaires cette année contre 30 000 m2 tout au plus pour Rabat.
Entre 2013 et 2016, Casablanca devrait encore voir son offre de bureaux se renchérir de plus de 800 000 m2, soit un accroissement de 60% par rapport au parc de bureaux actuel qui atteint 1 370 000 m2. Cela notamment du fait de la commercialisation de Casa Finance City (650 000 m² plancher), du projet Marina au niveau de la corniche de Casablanca (plus de 120 000 m2), ainsi que de la nouvelle tranche attendue du technopôle Casanearshore (plus de 60 000 m2). Une offre abondante qui pourrait induire un excédent pouvant dépasser 500 000 m2 d’ici 2016, soit près du quart du parc de bureaux projeté à cet horizon ! Ceci à supposer que la demande de bureaux dans la métropole ne varie pas sensiblement dans l’intervalle, avec une moyenne de 62 000 m2 par an absorbés, en l’absence de changements économiques majeurs.
Mais avant même 2013, l’emballement qui se profile semble être déjà perceptible sur l’année en cours. En effet, comme cité précédemment, la production de 2012 totalise 120 000 m2, soit plus du double de la demande placée qui s’établit à moins de 60 000 m2. Ce dernier niveau classe 2012 comme étant une mauvaise année en termes de demande, sachant que le pic annuel d’achats et de locations de bureaux se situe à 75 000 m2 sur la dernière décennie.
La crise réduit le niveau de la demande
Cette méforme de la demande est, à n’en pas douter, à lier à la conjoncture actuelle. Car comme l’explicitent les consultants de A. Lazrak, «l’industrie des immeubles de bureaux est un miroir de l’activité économique actuelle, à savoir que les entreprises qui prospèrent recrutent davantage et par conséquent cherchent des espaces bureaux en adéquation avec leur développement. A contrario, les entités en difficulté se tournent naturellement vers la réduction de coûts, à commencer par ceux immobiliers à travers l’abaissement des loyers ou de la surface exploitée».
Et il semble que cette politique de «cost-killing» ait surtout été pratiquée par les multinationales qui, auparavant, représentaient un acteur majeur du marché. Si encore ces entités se décidaient rapidement pour des surfaces plus petites dans un but d’économie. Mais il se trouve qu’en plus elles restent exigeantes envers le produit, comme le constate le cabinet, ce qui complique davantage l’aboutissement des transactions sur un marché moyennement structuré, accentuant la baisse de la demande.
En fait, la demande qui continue d’être observée actuellement émane en grande proportion des entreprises à la recherche d’espaces bureaux plus appropriés en termes d’équipements ou de situation géographique que de surfaces. En effet, plusieurs utilisateurs quittent leurs bureaux, motivés par un changement de surfaces éventuellement plus grandes mais surtout avec l’objectif d’être implantés à proximité du partenaire, fournisseur ou client phare. Une dynamique qui a été la plus ressentie du coté du quartier Ain-Sebaâ et dans une moindre mesure à Sidi Maârouf, précisent les consultants de A. Lazrak.
A l’inverse, l’offre de bureaux à Casablanca a été dopée par plusieurs éléments en 2012. Il y a d’abord la livraison de plusieurs immeubles de taille moyenne (entre 2 000 et 4 000 m2), observée sur le quartier centre-ville et entrée de ville.
S’ajoutent à cela les livraisons définitives ou partielles sur des projets phare de bureaux à Casablanca. Il s’agit d’abord de la composante bureaux d’Anfa Place dont la livraison est prévue ce mois-ci. Vient ensuite la première tranche du projet Marina Casablanca. Et, enfin, Casa Finance City qui a également connu le démarrage des travaux de viabilisation et réseaux divers, mais surtout la commercialisation de macro-parcelles du projet par un procédé d’appel d’offres organisé par l’Agence d’urbanisation et de développement d’Anfa (AUDA).
Des banques d’affaires, des entreprises familiales et des holdings s’y sont également mises pour s’implanter sur des niches d’implantation premium au niveau de zones émergentes telles que sur le boulevard Abdelkrim El Khattabi, Route d’El-Jadida ou encore CIL. Le modèle d’affaires développé par ces acteurs consiste spécifiquement à construire ou réaménager des villas existantes.
Tout cela aboutit donc à une production neuve de 120 000 m2 en 2012 à laquelle s’ajoute encore une offre d’anciens plateaux vacants de 20 000 m2 (soit au total 140 000 m2 de bureaux immédiatement disponibles à Casablanca). Car l’on se doute bien qu’avec la suroffre actuelle, le taux de vacance du parc a tiré à la hausse. Ce phénomène touche surtout plusieurs espaces et immeubles vétustes du quartier entrée de ville, ainsi que des immeubles du marché secondaire se situant en particulier au quartier du port et Ain-Sebaâ qui sont pénalisés par leur qualité, rapporte l’étude du Cabinet A. Lazrak.
Cette offre considérable qui devrait aller crescendo sur les prochaines années pousse les consultants à s’interroger sur la capacité de l’économie marocaine à drainer une demande étrangère consolidée suffisante et capable de soutenir l’immobilier de bureaux. Mais dans l’immédiat cette nouvelle donne doit donner à réfléchir aux investisseurs dans des locaux de bureaux. Car il faut comprendre que «le marché rentre progressivement dans une phase de maturité, qui favorisera le tassement des loyers et des prix de vente», affirme l’étude de A. Lazrak.
Les loyers et prix de vente restent stables
L’année 2012 est bien révélatrice de cette tendance. Les valeurs locatives y sont restées stables sur l’ensemble des quartiers d’affaires, même dans des cas de reconduction pour grand nombre de produits. Il faut en déduire que la concurrence accrue due à l’actuelle suroffre oblige à un maintien des niveaux de loyers. Idem pour les prix de vente qui ont également stagné alors que le renchérissement du foncier s’est poursuivi compte tenu de sa rareté. Cela indique encore que les promoteurs ont rogné sur leur niveau de marge. Avec le faible niveau de transactions enregistré, la stabilité des niveaux de loyers et des prix de vente, les taux de rendement se maintiennent au final en 2012 au même niveau qu’en 2011, entre 8,5% et 10%. Pour combien de temps encore le statu quo pourra-t-il être maintenu, surtout que les exigences en matière de qualité des prestations techniques des immeubles sont portées à la hausse ? Immanquablement, les taux de rendement baisseront graduellement à moyen terme pour A.Lazrak.
En clair, le schéma le plus en vogue actuellement pour tout investissement dans l’immobilier de bureaux, consistant à acheter un terrain, à y développer un immeuble et à le mettre en location ou à le vendre, devient de moins en moins attrayant en raison de la rareté du foncier et de la compétitivité croissante de l’offre. Cela doit pousser les investisseurs à s’orienter graduellement vers des alternatives perçues actuellement comme trop risquées, selon le Cabinet A.Lazrak.
Les consultants suggèrent comme première piste l’achat et le réaménagement d’immeubles obsolètes avant relocation, ou l’acquisition d’immeubles à problématiques juridiques et techniques et l’assainissement de leur situation avant mise sur le marché. Ces stratégies dites «Cores+, Value added ou opportunistic» permettraient, d’une part, de sauver ses actifs du spectre de la vacance, et, d’autre part, de tirer parti d’une niche encore au stade embryonnaire à Casablanca à ce jour.
L’autre piste en appelle à l’encouragement par l’Etat de la création de sociétés de placement ou de fonds spécialisés en immobilier à travers un régime juridique et fiscal adéquat et capable de booster la structuration du marché. Sur ce plan, la Loi de finances 2013 a pris les devants, à savoir qu’elle introduit les Organismes de placement collectifs en immobilier (OPCI) comparables au modèle français. Ceux-ci représenteraient une nouvelle locomotive pour l’activité et permettrait, d’une part, d’encourager les ménages à l’épargne en immobilier, et, d’autre part, à multiplier les investissements en dehors des schémas classiques actuels.
Néanmoins, la mise en place de ces nouveaux instruments et leur appréhension par le marché nécessitera, l’on s’en doute, un certain délai.
En attendant, l’investissement financier dans l’immobilier professionnel se développe encore à un rythme moyen, piloté par des institutions financières privées et étatiques dont, en particulier, les compagnies d’assurances, et ce, en l’absence de sociétés spécialisées en placement immobilier ouvertes aux particuliers et l’existence de quelques fonds d’investissement spécialisés en immobilier. Parallèlement, les consultants de A. Lazrak notent la naissance progressive de foncières spécialisées, initiées par des particuliers à profil rentier ou par des groupes et holding qui, à travers cette démarche, produisent des synergies créatrices de valeur ajoutée entre leurs activités.
