Affaires
Petite incursion dans l’agenda des ministres
Ils commencent, entre 7 h 30 et 9 heures, des journées qu’ils prolongent souvent chez eux au-delà de 20 heures.
Week-ends et congés sont reportés aux calendes grecques depuis 8 mois pour la majorité d’entre eux.
On s’en doutait un peu. Etre ministre n’est pas une sinécure. La journée des ministres n’est pas de tout repos. Le plus souvent, si on sait à quelle heure elle débute, bien malin parmi les conseillers, même les plus proches, qui peut dire quand elle se terminera. Nombreux sont les ministres qui se sentent à l’étroit dans une journée de 24 heures. Ils auraient bien voulu l’allonger de quelques heures et c’est sans doute avec ce secret espoir qu’ils emportent du travail chez eux.
Le Premier ministre, par exemple, est rendu dans ses quartiers à 9 heures tapantes. Mais Driss Jettou a commencé sa journée plus tôt puisqu’il a déjà fait tout seul sa revue de presse avant d’arriver au bureau.
A son arrivée, sa légère et inoffensive mauvaise humeur se dissipera très rapidement et c’est son plus proche collaborateur, Mohamed Ibrahimi, qu’il verra en premier pour affiner son agenda et jeter un œil sur les dossiers de la journée, les moments forts du programme, les urgences… Jusqu’à 13 heures ou 13h30, cet homme de dossiers qui donne l’impression d’être quelque peu introverti travaille souvent en solitaire. Son agenda est flexible autant que possible mais, par exemple, ses conseillers s’échineront sans résultat pour placer une seconde réunion du conseil d’administration de l’ANRT dans l’agenda de la semaine du 14 au 18 juillet. De guerre lasse, ils la placeront dans la semaine qui commence ce lundi 21 juillet.
En fait, elle était en compétition avec d’autres rendez-vous et notamment une réunion avec la Commission de la justice, une autre rencontre avec le Comité interministériel sur la recherche scientifique ou encore la cérémonie de réception du chèque d’Altadis. Autant dire qu’elle était condamnée d’avance !
La vie politique dévore une grande partie de leur temps libre
L’agenda d’un Premier ministre est sujet à rebondissements, même s’il est préparé deux semaines à l’avance, comme celui de Driss Jettou. Malgré cela ou à cause de cela, il n’est pas rare qu’il soit réaménagé avec des annulations pour laisser la place aux urgences.
Le Premier ministre déjeune tous les jours ouvrables à sa résidence, avant de reprendre sa journée marathonienne qui se termine vers 20 heures ou au-delà. Mais même là, il continue à recevoir et à travailler.
Si le repos du week-end n’est pas garanti, M. Jettou a pour règle de réserver le dimanche à sa famille à Casablanca. Mais les deux derniers week-ends, il a dû y renoncer puisque, coup sur coup, il était en voyage à l’étranger puis en visite dans le pays.
Les femmes ministres, elles, consacrent la journée à la dimension pratique de leurs activités. Elles remettent au soir le travail de réflexion. Ainsi en est-il de Nouzha Chekrouni, ministre des MRE, qui en cette période de l’année ne sait plus où donner de la tête et de Yasmina Baddou, secrétaire d’Etat chargée de la famille. A son arrivée au bureau, aux environs de 8 h 30, Mme Chekrouni a déjà parcouru la presse et coché les sujets sur lesquels elle a des observations ou veut demander un suivi.
Mme Baddou, qui habite Casablanca et qui se lève aux aurores, arrive pratiquement au même moment que sa consœur et commence par passer en revue les moments forts de sa journée avant d’entamer ses réunions avec le tissu associatif et les directeurs pour le traitement des dossiers.
Alors que Nouzha Chekrouni, qui reconnaît volontiers «démarrer plutôt lentement le matin», est souvent à l’étranger comme l’exige sa charge, Yasmina Baddou est toute à ses visites de terrain, sachant que mardi et mercredi, tout comme pour ses collègues Najib Zerouali (Modernisation des secteur publics), Karim Ghellab (Equipement et transports) ou encore Mohand Laenser (Agriculture), les séances des questions orales ou les exposés au Parlement sont incontournables et imposent autant de gymnastique aux conseillers qui doivent impérativement leur trouver une place dans l’agenda.
La majorité des ministres travaille en flux tendu
En général, week-ends et congés sont des mots plutôt exclus du programme des ministres car, en plus des charges qui sont les leurs et des réunions de parti des uns et des autres, les politiques ont rarement des moments de relâche.
Si, tout de même ! Nouzha Chekrouni, par exemple, se souvient avoir vu le film Dogville avec Nicole Kidman. Mais c’était il y a longtemps, en mai dernier, à Paris. Une petite escapade comme en raffole Mme la ministre mais, dans le meilleur des cas, elle doit se contenter des cinq jours de congé qu’elle passe en bord de mer avec son mari et son fils.
D’autres n’ont pas entendu parler de vacances depuis huit mois, au moins. Mohand Laenser, Karim Ghellab (il est souvent au bureau à 7 h 30), Najib Zerouali ou encore Rachid Talbi Alami (Commerce, industrie et télécoms), pour ne citer que ceux-là, jouissent à peine de quelques dimanches qu’un petit coup de fil peut remettre en cause. Et encore ! ils s’arrangent pour ne pas éteindre leur mobile. Sait-on jamais ?
Les journées pleines des ministres sont généralement des trésors d’ingéniosité où, malgré une densité qui peut faire sauter le déjeuner ou en faire un moment de travail, on peut y placer, au risque de les reporter, des activités d’appoint.
C’est le cas de Najib Zerouali, ce professeur de médecine, spécialiste de la chirurgie de la main, qui s’essaie à programmer des consultations de patients le vendredi matin. Très souvent, l’agenda leur oppose malheureusement une fin de non recevoir.
La majorité des ministres interrogés travaillent à flux tendu, traitent les dossiers au regard de leur urgence. Ils apprécient aussi la dimension stratégique selon des objectifs et un échéancier qu’ils arrêtent pour les conseillers et directeurs en charge.
Si le Premier ministre préfère les réunions en petit comité, certains ministres rencontrent les membres de leurs cabinets quotidiennement, que ce soit de manière formelle ou dans un couloir, entre deux rendez-vous, entre un vol et une audience ou plus rapidement par GSM.
Curieusement, les membres des cabinets qui, plus que les ministres, sont mis à rude épreuve par les journées éreintantes de ces derniers, s’en plaignent moins qu’eux.