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Ouvertures d’agences : les banques mettent la pédale douce

Environ 100 agences ouvertes en 2016 contre 210 en 2015 n Pour plusieurs établissements, le produit net bancaire par agence s’est dégradé. Une partie des investissements est orientée sur la banque à distance et multi-canal.

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Les banques se montrent plus tempérées dans l’extension de leur réseau. Selon les données agrégées recueillies par La Vie éco, environ une centaine d’agences ont été ouvertes en 2016. C’est le niveau le plus bas depuis plus de dix ans ! En 2015, on en était à 210 contre 190 en 2014. Force est de constater qu’à partir de ces deux années, les banques ont clairement levé le pied avec un rythme d’ouvertures en nette décélération par rapport à la décennie 2003-2013 durant laquelle elles ouvraient plus de 300 nouveaux points par an.

La tendance est générale. Pour ne citer que le trio de tête, Attijariwafa n’a ouvert que 11 agences contre 60 en 2015 et une moyenne de 68 dans les années de haut régime. La Banque Populaire en a inauguré 26 contre 70 en 2015 et une moyenne de 80 et BMCE s’est contentée de 27 nouveaux points de service au lieu de 38 en 2015 et plus de 50 au fort de la bataille. Des établissements ont maintenu la taille de leur réseau quand d’autres les ont réduit en fermant des agences sans en ouvrir de nouvelles.

Qu’est-ce qui explique cette retenue ? «Après l’effort d’investissement consenti dans les années 2002-2012, la majorité des banques sont aujourd’hui présentes dans les principales zones où le besoin est exprimé, il est normal que la vitesse décélère», explique un DGA d’une grande banque qui confie que plusieurs ouvertures récentes dans son réseau ont été plus dictées par le besoin de contrer la concurrence que par une décision économique bien réfléchie. Mais ce n’est pas toujours le cas. «Nous adoptons une stratégie d’expansion basée sur des études approfondies du marché marocain. Ainsi, l’implantation de nos agences au Maroc répond à plusieurs exigences de concentration et de besoins de la population avoisinante», rétorque la direction générale d’une autre banque. Pour rappel, le nombre d’agences a augmenté de 147% sur la dernière décennie.

La priorité est de rentabiliser l’existant

La deuxième raison est liée à la conjoncture. D’après un directeur général chargé du réseau, le contexte actuel n’est pas propice pour mobiliser des moyens additionnels. En effet, le tassement du crédit et le ralentissement des dépôts observés depuis 2012 réduisent substantiellement le potentiel à réaliser sur les marges d’intérêts et de commissions. En face, le coût du risque a marqué une hausse remarquable, entamant ainsi les rendements des banques. Le taux de créances en souffrance est passé de 5,2% en 2010 à 7,7% aujourd’hui.

Dans le même ordre d’idées, si les établissements se montrent aujourd’hui moins impliqués dans ce chantier que par le passé, c’est en grande partie pour des considérations de pertinence économique prouvées par les indicateurs de retour sur investissement et de rentabilité. L’effort d’extension des réseaux a fait déraper leurs charges générales d’exploitation, qui ont doublé en dix ans bien que cette hausse émane aussi d’autres chantiers structurants chez les opérateurs. En face, le PNB/agence au niveau sectoriel est resté figé autour de 7 MDH sur les cinq dernières années: 38,6 milliards de DH pour 5 447 agences en 2012; 40,3 milliards pour 5711 agences en 2013 ; 44 milliards pour 5 915 en 2014; et 43,6 milliards pour 6 139 en 2015. Pire, le produit net bancaire par agence (marges d’intermédiation et de commissions) s’est dégradé chez plusieurs établissements ! Il y en a même qui ont vu leur rentabilité par agence fondre de moitié.

Une source bien placée dans une banque d’investissement estime que le secteur a fait de mauvais choix. «Prises dans leur course à la consolidation de leur présence géographique, les banques ont omis de s’assurer que les ouvertures opérées valent vraiment la peine et enrichissent leur portefeuille avec de la clientèle rentable», explique-t-elle. Aujourd’hui, il semble qu’elles ont pris du recul pour mieux digérer l’extension du réseau et le rendre plus efficace d’un point de vue commercial.

Chacune y va de sa manière. Effort de conseil sur le marché de l’entreprise avec des centres dédiés aux TPE chez Attijariwafa, extension des horaires de plusieurs agences pour s’adapter à la clientèle chez BMCE, optimisation du réseau existant à travers une stratégie régionale du côté de Crédit du Maroc…

Un guichet pour 5 400 habitants à fin juin 2016

Il faut dire que les banques sont aussi de moins en moins portées sur le concept d’agences physiques auquel elles substituent le digital. La banque à distance et le multi-canal sont voués à un avenir radieux. D’ailleurs, les banques les moins actives sur le registre des ouvertures (c’est le cas des établissements à capitaux français) sont celles qui se disent pionnières sur les solutions de la banque digitale. Elles y consacrent des enveloppes colossales et ont un positionnement réfléchi. «Ce choix n’est pas fortuit. Les solutions de la banque à distance peuvent pallier à un réseau limité et permettent aux banques les moins représentées géographiquement de faire jeu égal avec le reste des acteurs du marché», explique le DG chargé du réseau.

Cela dit, que ce soit en physique ou à travers la banque à distance, une chose est sûre: le potentiel existe. Bank Al-Maghrib dénombre un guichet pour 5 400 habitants à fin juin 2016 avec une moyenne de un pour 5 600 sur les quatre dernières années. Le taux de bancarisation avoisine les 71%. Seulement pour rentabiliser ce potentiel et répondre exactement aux besoins des bancarisés, «les établissements sont appelés à trouver un nouveau modèle de la banque en nette rupture avec celui largement répandu aujourd’hui cantonné aux prestations basiques et où le conseil, l’accompagnement et les services à grande valeur ajoutée prennent le dessus», conclut un associé gérant d’un grand cabinet de la place.