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Ouverture et suivi des chantiers par les architectes : finie la complaisance !

Une circulaire en préparation obligera les architectes à  ouvrir effectivement les chantiers et à  les suivre Un texte conjoint des ministères de la justice, de l’habitat et de l’urbanisme, et de l’intérieur.
Objectif : responsabiliser l’ensemble des intervenants dans l’acte de bà¢tir.

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rub 3146

Plus aucun chantier ne sera ouvert au Maroc sans l’aval de l’architecte auteur du plan du projet. C’est là une des principales dispositions d’une circulaire que les ministères de la justice, de l’habitat et de l’urbanisme, et de l’intérieur devraient bientôt adopter. Cette nouvelle réglementation fait apparemment l’objet de vives discussions entre les trois départements qui, pour le moment, ne tiennent pas à en parler. «Nous préférons ne pas communiquer sur ce sujet avant de parvenir à un consensus global sur les principaux points», répond un haut cadre du ministère de l’habitat. Il faut dire que l’élaboration de cette circulaire se fait au lendemain de l’effondrement d’un immeuble en construction survenu fin janvier à Kénitra, qui avait fait 16 morts et plusieurs blessés parmi les ouvriers.
Tout comme après les évènements d’Al-Hoceima, en février 2004, les autorités tentent de reprendre les choses en main et, surtout, de «serrer la vis» aux opérateurs négligents. Rappelons que le chantier de Kénitra avait été visité trois fois par une commission de contrôle, qui n’avait cependant décelé aucune anomalie. En adoptant un texte commun, les trois ministères espèrent responsabiliser l’ensemble des intervenants dans la chaîne de la construction, à commencer par l’architecte et le promoteur.

C’est le texte de loi 16/89 qui régit actuellement l’exercice de la profession d’architecte au Maroc. En plus de la conception des plans, la mission de l’architecte inclut le suivi de chantier. Or, si l’autorisation de construire est accordée au promoteur, ce dernier doit ensuite aviser l’architecte de l’ouverture du chantier, ce qui n’est pas le cas actuellement et donne un argument à ce dernier. «Tout le monde sait que certains d’entre nous vont jusqu’à signer une centaine de plans par semaine», déplore cet architecte de Casablanca. «Pour justifier l’absence de suivi sur le terrain, ces architectes répondent le plus souvent qu’ils ignoraient que le promoteur avait démarré les travaux!», poursuit-il.

Avec l’adoption de cette circulaire, le nombre de signatures de complaisance devrait donc diminuer drastiquement. Cela dit, les promoteurs devront y mettre du leur. Comme l’explique d’ailleurs Omar Farkhani, président du conseil national de l’ordre des architectes, les promoteurs immobiliers qui font appel à des architectes spécialisés dans la signature de complaisance sont malheureusement très nombreux (voir entretien ci-contre). Pour M. Farkhani, il ne s’agit pas pour les architectes de se soustraire à leurs obligations en tant que profession, loin s’en faut. Le conseil de l’ordre, promet-il, peut envisager de radier des membres qui ne se soumettraient pas aux règles déontologiques. Seul hic : le code de déontologie des architectes n’arrive pas à voir le jour puisqu’il est, depuis plus d’une année, au Secrétariat général du gouvernement (SGG). La circulaire en préparation pourrait calmer les esprits en attendant la sortie du code.

A Casablanca, la mesure serait respectée
«Ce texte est pour nous primordial, car il garantit une plus grande autonomie disciplinaire. L’ordre obtiendrait une totale indépendance en matière de suspension ou de radiation d’un de ses membres», commente un autre architecte de Casablanca. «Rien n’empêche l’ordre d’imposer une certaine déontologie à ses membres ! Nous n’avons pas besoin d’attendre que le gouvernement nous donne la permission pour faire le ménage devant notre porte…» , indique Hassan El Mandjra, président du syndicat libre des architectes du Maroc.
Apparemment, les promoteurs immobiliers n’ont pas encore eu vent de ce projet de circulaire. «Tout ce que je peux dire, c’est que le rôle de l’architecte est déjà très important dans la mesure où sa signature est obligatoire pour toute autorisation de construire», commente Saïd Sekkat, directeur général de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). «De plus, le cahier de chantier, également obligatoire et remis avec l’autorisation de construire, doit être signé par l’architecte et mentionner la date d’ouverture du chantier. Une copie du document d’ouverture de chantier doit être envoyée à la commune», poursuit-il. Selon M. Sekkat, et de l’avis des promoteurs de la fédération, cette mesure serait déjà respectée dans une ville comme Casablanca.