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Ouarzazate broie du noir : ses hôtels sont en crise

Mal desservie, ne bénéficiant pas d’actions de promotion, la ville connaît un afflux de touristes très réduit. Le taux d’occupation moyen des hôtels ne dépasse pas les 20%.

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Maroc Ouarzazate Tourisme 2011 01 10

Alors que le Maroc a clôturé l’année 2010 sur une performance globale très positive en matière de croissance des arrivées touristiques aussi bien que des nuitées, une de ses destinations, elle, sombre dans l’inquiétude. «Il faut sauver Ouarzazate» ! La phrase est devenue un leitmotiv chez les professionnels du tourisme et particulièrement chez les hôteliers. La destination est en effet depuis une dizaine d’années dans un état d’isolement avancé dont les conséquences sont difficiles à supporter pour une ville dont on disait encore, il ya peu de temps, qu’elle allait devenir un petit «Hollywood».
«La région de Ouarzazate est incontestablement la destination la plus authentique du Maroc et elle peut devenir rapidement la plaque tournante du tourisme dans tout le sud marocain», se désole Abdellatif Kabbaj, patron du groupe Kenzi Hôtels. «Mais, ajoute-t-il, la destination vit une situation catastrophique, car il n’y a presque pas de vols directs vers la ville, et les rares vols qui existent sont programmés à des heures tardives de la nuit». Le touriste qui veut visiter Ouarzazate doit forcément prendre un vol vers Marrakech ou Agadir avant de la rejoindre par route, ce que peu s’aventurent à faire. 

6 000 lits hôteliers dans la ville, 5 000 de plus dans la région

Résultat : la ville est restée enclavée et beaucoup d’hôtels ont fermé leurs portes ou s’apprêtent à le faire, fait remarquer Abdellatif Kabbaj. La plupart sont endettés et ont des problèmes avec leurs banques et l’on ne compte plus les sit-in devant les établissements, ce qui ne contribue pas à améliorer l’image de marque de la destination. Selon des sources à la Fédération nationale du tourisme, la quasi-totalité des hôtels de la ville serait même au bord de la cessation de paiement.
Un hôtelier de la ville, qui a tenu à rester anonyme de peur de l’impact sur son image, raconte qu’il s’est réveillé mardi 3 janvier pour découvrir un sit-in devant son hôtel en raison d’un retard de versement du 13e mois aux salariés. Cela fait trois ans, affirme-t-il, que son établissement tourne avec un taux d’occupation qui ne dépasse pas les 20%, ce qui est le cas de tous les hôtels de la ville.
Pourtant, il y a une dizaine d’années, le taux d’occupation moyen des établissements d’hébergement tournait autour de 50%. Il est vrai aussi que les hôteliers n’ont plus les moyens de mettre à niveau leurs unités pour attirer plus de clients. Ils sont, pour tout dire, entrés dans un cercle vicieux. Ouarzazate et sa région comptent quelque 11 000 lits et la ville à elle seule autour de 6 000 lits.

Une fondation pour sauver la destination

Abdelhadi Alami, patron de Dounia Hôtels, pense aussi que la ville est enclavée et que pour s’en sortir, il faut plus de vols directs, et une infrastructure routière au niveau, mais aussi l’encouragement du tourisme interne en mettant Ouarzazate à la portée des nationaux. Ce fut du reste le cas durant les années 1990 où de nombreux Marocains allaient passer les week-ends à Ouarzazate, destination considérée alors comme branchée.
L’autre cheval de bataille qui peut sortir la destination de la crise, c’est la promotion. De l’avis de professionnels, l’ONMT doit faire un effort pour promouvoir la destination et la faire programmer par les TO étrangers, ne serait-ce que pour des week-ends de dépaysement, car la région regorge d’atouts. La chose est d’autant plus possible aujourd’hui que Ouarzazate ne dépend plus pour sa promotion d’Agadir. Le nouveau découpage des zones touristiques confère à Ouarzazate le statut de destination à part entière avec Zagora, Tinghir, Erfoud et Errachidia. Il faut juste que la logistique suive. 
Pour autant tout n’est pas perdu et certains professionnels continuent d’y croire. Mohamed Benamor, propriétaire du Berbère palace, estime qu’il y a beaucoup de signes qui annoncent le retour en force de la destination. Il compte d’ailleurs réaliser un nouveau projet hôtelier dans la région. 
Comme ses pairs, il prône aussi plus de dessertes aériennes, une meilleure promotion, notamment une campagne institutionnelle. Des promesses fermes, assure-t-on, ont été faites par la RAM d’assurer, dès le mois de mars prochain, 4 dessertes hebdomadaires vers la ville. 
Enfin, la société civile travaille activement pour relancer la destination. C’est le cas notamment de la fondation «Le Grand Ouarzazate». Des commissions réfléchissent autour de plusieurs thèmes fédérateurs : réhabilitation des nombreux ksours de la région et création d’un festival du cinéma à thèmes d’autant plus que, estime M. Benamor, Ouarzazate dispose d’une industrie cinématographique connue dans le monde entier. Selon lui, de grandes productions seront tournées dans les studios de la ville courant 2011.