Affaires
Opportunités d’investissement, incitations et risques… Six marchés africains passés au crible
Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée Conakry, l’Algérie et le Togo offrent actuellement d’importantes opportunités dans les secteurs du BTP, l’immobilier, les mines, le tourisme, les industries de transformation…

Appui financier, forte décote sur l’assurance export, réglementation de change favorable… Il n’y a pas à dire, les pouvoirs publics ne lésinent pas sur les incitations pour pousser les opérateurs privés nationaux à investir l’Afrique. Mais les marchés du continent doivent être appréhendés à travers leurs opportunités, leurs risques et leurs incitations spécifiques. Le cabinet Grant Thornton Maroc fait le point sur la question en réunissant des experts pour passer au crible 6 pays parmi les plus porteurs actuellement en Afrique.
Sénégal : un déficit en logements à combler au plus vite
La construction de logements sociaux est particulièrement porteuse au Sénégal. Le pays souffre en effet d’un grave déficit en la matière et surtout la production de logements salubres est érigée en priorité par les autorités du fait qu’une population importante est mal implantée et est menacée lors des inondations. La mise en place d’unités de transformation est également prometteuse, sachant que la pêche représente près du quart des exportations du Sénégal. Dans le secteur des services, le marché de l’assurance reste peu investi comparé au marché bancaire. Le secteur minier est également attractif du fait des avantages du code minier sénégalais. Au registre des incitations, le pays a mis en place un organisme qui appuie l’investisseur, l’Apix (Promotion des investissements et grands travaux). En plus d’écourter le délai de création des entreprises à 48 heures, l’entité fournit une assistance pour l’obtention d’autorisations diverses. Le pays met en avant également un vivier de ressources humaines de qualité, une justice solide et une flexibilité dans la résolution de conflits à travers une Chambre d’arbitrage. Le Sénégal est d’autant plus intéressant pour les investisseurs marocains, que des accords fiscaux bilatéraux lèvent toute contrainte de rapatriement de devises. Plus encore, ces accords font bénéficier les nationaux de niveaux d’imposition parfois plus avantageux que ce qui est accordé à la France, comme c’est le cas en matière de taxation des bénéfices non commerciaux par exemple.
Côte d’Ivoire: un pays en chantier à tous les niveaux
Mise à mal par une crise politique qui a duré dix ans, la Côte d’Ivoire reprend du poil de la bête. Le pays a enregistré un taux de croissance en 2012 de près de 10% et il projette de maintenir cette cadence en 2013 et 2014 en donnant un coup de fouet à plusieurs secteurs de son économie. Un créneau qui s’ouvre spécifiquement pour les entreprises marocaines est le logement. Son déficit annuel en Côte d’Ivoire augmente de 60 000 unités du fait que la production est restée au point mort sur la dernière décennie. Le logement social est le segment à investir en priorité surtout que le pays prévoit, pour les promoteurs construisant ces produits, des avantages dont notamment l’exonération des droits de douane sur les matériaux de construction importés. Le logement moyen et haut standing ne manquent pas d’attrait non plus selon les experts. Le secteur hôtelier compte également plusieurs marchés à prendre étant à préciser par exemple que le seul centre de conférence du pays est en réfection jusqu’en 2014 sans compter des capacités hôtelières très loin de suffire. Suivent les travaux publics, avec notamment un projet d’ampleur pour ceinturer le pays de chemins de fer ainsi que des travaux de remise à niveau de la voie reliant Abidjan au Burkina Fasso. Dans la foulée, le pays a également un chantier pour généraliser la fibre optique qui est actuellement à mi-parcours. Vient ensuite l’énergie, avec notamment un contrat entériné il y a quelques semaines avec la Banque Mondiale portant sur 178 milliards de FCFA (3 milliards de DH) pour parvenir à l’indépendance énergétique d’ici deux ans et assister les pays de la sous-région en la matière. Au niveau du secteur minier, ce pays veut entamer au plus vite l’exploitation de ses mines d’or, de manganèse ou de fer. S’agissant enfin d’agriculture, l’Etat souhaite surtout encourager l’industrie de transformation. Pour inciter l’investissement, le pays a mis en place un Centre de promotion de l’entreprise rattaché à la primature dont le guichet unique peut boucler la création d’une entreprise en 48 heures. Autre mesure d’encouragement notable, la mise en place d’un tribunal de commerce distinct du reste de l’appareil juridique. Les voyants sont également au vert pour ce qui est de l’accès au financement avec une surliquidité relative des banques.
Gabon : il n’y a pas que le pétrole et le bois
Les revenus du Gabon reposent actuellement principalement sur la rente pétrolière et la volonté du gouvernement est de diversifier l’économie. De fait, les investisseurs marocains ont de bonnes cartes à jouer dans plusieurs secteurs d’activité : les services (banque et assurances), l’industrie (transformation sur place des matières premières) et surtout le logement, social notamment, qui aura les faveurs du gouvernement jusqu’aux prochaines élections présidentielles. S’ajoute à cela le tourisme que les autorités encouragent par de fortes exonérations de droit de douane sur les équipements d’hôtels importés. Les mines de fer notamment dont le pays abrite un des plus grands gisements au monde ou encore le négoce et le bois figurent également parmi les secteurs porteurs. En termes de climat des affaires, le Gabon jouit d’une stabilité politique principalement liée au fait qu’avec une population de seulement 1,5 million d’individus, le PIB par habitant pointe à 12000 dollars (contre 3 000 dollars au Maroc) c’est à dire le deuxième plus important d’Afrique. D’autres points d’intérêt sont les deux zones franches, l’absence de contraintes sur la participation au capital des entreprises pour les investisseurs étrangers ou encore une facilité de rapatriement des dividendes. Un autre avantage du pays est qu’il offre des possibilités de financement à travers un fonds souverain et une Bourse régionale regroupant toute la zone Cemac.
Guinée Conakry : gros besoins en infrastructures de transport
Le secteur minier en Guinée connaît une effervescence particulière et tire avec lui plusieurs secteurs. Un exemple en est le projet Simandou porté par le groupe Rio Tinto pour l’exploitation d’une mine de fer à l’extrême sud-est du pays qui nécessite, entre autres, la construction d’un chemin de fer de 900 km et un port en eau profonde pour un investissement d’au moins 17 milliards de dollars. Sur cette enveloppe 4 milliards ont été budgétés jusqu’à présent, même si le rythme des affaires est plus lent récemment pour des raisons politiques. En tout cas, dans son élan, le secteur minier devrait entraîner les BTP, le transport, la logistique, le secteur financier…
Les accords bilatéraux conclus entre les deux pays offrent des avantages fiscaux et douaniers intéressants. Par exemple, la farine importée depuis le Maroc est frappée d’un droit de 2% contre 40% pour d’autres provenances. Il en est ainsi pour d’autres produits de consommation. Du reste, la Guinée avance comme atout de garantir une sécurisation des investissements grâce à son code en la matière, ainsi qu’une fiscalité avantageuse appliquée au rapatriement de dividendes.
Algérie : des opportunités dans les BTP, les médicaments et le tourisme…
Même si le plan décennal (2005-2014) de développement de l’économie algérienne doté de 436 milliards de dollars (3 645 milliards de DH) touche à sa fin, les opportunités d’affaires restent nombreuses. Selon les experts, les opérateurs marocains gagneraient à investir en priorité le secteur du BTP qui devrait d’abord être dynamisé par des projets de tramway et de métro dans plusieurs villes du pays. Vient ensuite un programme quinquennal portant sur 2 millions de logements dont les marchés publics sont toujours en cours… Les autres domaines où les acteurs nationaux ont le plus de chance de percer sont les secteurs pharmaceutique, le tourisme et les mines. Le pays met à la disposition des investisseurs un guichet unique pour la création d’entreprises à travers l’Agence nationale de développement des investissements (ANDI). Le coût des facteurs de production, notamment l’énergie et le capital humain, figure également parmi ces avantages. Mais sans doute la force la plus notable de l’Algérie est sa solvabilité grâce à son matelas de devises qui avoisine 200 milliards de dollars (1 674 milliards de DH). Une contrainte est toutefois à relever : la participation d’un investisseur étranger au capital d’une société de production locale est plafonnée à 49%, le reste devant aller obligatoirement à un ou des associés algériens. Dans le cas des entreprises d’importation, ce plafond est porté jusqu’à 70%.
Togo : de nombreux chantiers structurants en quête d’investisseurs
Un chantier structurant particulièrement porteur au Togo pour les opérateurs du BTP consiste en la construction d’un corridor entre le port de Lomé et le Burkina par la mise en place d’un chemin de fer et d’une route. S’agissant du secteur privé les domaines les plus porteurs sont l’immobilier, l’énergie, la transformation de produits agricoles ainsi que la formation des ressources humaines. Les incitations mises en place par les autorités du pays consistent en une zone franche industrielle (sans délimitation géographique sur tout le Togo) accessible aux entreprises souhaitant exporter dans la région et donnant droit à des exonérations de droits de douane et à la minoration de toutes les taxes. Pour les autres secteurs, le code de l’investissement du pays ou la signature de conventions avec l’Etat permettent de bénéficier de plusieurs avantages. A noter toutefois que le système judiciaire gagne à être renforcé dans le pays.
