Affaires
Mourad Belmà¢achi devant le juge le 14 juillet
L’inculpé a pris une posture de victime qui provoque une mise au point de la DGSN.
Fait rarissime, la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) vient d’adresser à plusieurs journaux un droit de réponse dans lequel elle rejette en bloc les propos de Mourad Belmâachi qui accuse la police de l’avoir torturé. Selon ce texte, «les propos tenus par le suspect sont (…) infondés [et] constituent un tissu de mensonges(…)» (voir encadré ci-dessous). Il faut dire qu’en quelques semaines, l’affaire Mourad Belmâachi a pris une ampleur qui dépasse le cadre du fait divers et de la délinquance financière. Mourad Belmâachi a su trouver les mots et les relais pour attirer l’attention sur son cas et passer du stade d’accusé d’actes graves qui relèvent du pénal, à celui de victime. Mourad Belmâachi est actuellement poursuivi, en état d’arrestation, pour association de malfaiteurs, vol, faux et usage de faux. Dans plusieurs articles, il est devenu «un homme d’affaires torturé par la police», victime d’un «acharnement incompréhensible», à tel point que l’on n’hésitera pas à s’interroger : «Qui veut la peau de Belmâachi ?». Evidemment, les journalistes, y compris à La Vie éco, ont été copieusement alimentés par l’entourage de Belmâachi, voire par l’accusé lui-même. D’un article à l’autre, les faits ne concordent pas vraiment. Il serait tombé dans un piège tendu par un cabinet d’avocats (sans que l’on sache pourquoi). L’affaire serait politique (si, si), car «l’inculpé dérange». «Son parcours était une bataille constante, il a créé une CGEM bis, son activisme dérange». Il était «le bras droit de Hicham Basri». «Un certificat médico-légal atteste qu’il a subi des tortures en prison», etc. On reconnaà®tra à M. Belmâachi un réel talent de communicateur puisqu’il a créé un contre-feu suffisamment puissant pour faire passer au second plan les graves accusations portées contre lui par la Justice. Ce mercredi 14 juillet, l’inculpé sera présenté au juge d’instruction qui commencera son enquête ainsi que le prévoit le code de procédure pénale. Ce juge devra se forger une intime conviction sur la base des faits et pas seulement des déclarations des uns et des autres. Voici les questions que l’on peut se poser : – Mourad Belmâachi a-t-il été torturé ? Ce n’est pas impossible, mais il faudra qu’il y ait une preuve. Une dénonciation n’est pas une preuve. Selon la DGSN, la police n’avait aucun intérêt à le faire. Quant au médecin légiste, le certificat qu’il a délivré ne prouve pas qu’il a été torturé. Il consigne les déclarations de l’accusé et constate un décollement plantaire au niveau des pieds, provoqué par un traumatisme dont il ne précise pas la nature. En tout état de cause, il appartiendra à la justice de déterminer les responsabilités dans cette affaire de torture. – Quelles sont les accusations portées contre lui? M. Belmâachi est accusé d’avoir volé des documents au tribunal et dans un cabinet d’avocats et de les avoir falsifiés pour se soustraire à ses obligations financières à l’égard de la Banque Populaire. Les documents en question sont des actes de caution solidaire signés par lui dans le cadre d’un crédit octroyé à une société qu’il dirige. La falsification porte aussi bien sur le contenu de l’acte que sur la légalisation à la commune. – Est-il coupable ? C’est à la Justice de le déterminer, mais les charges retenues contre lui, selon les documents auxquels La Vie éco a pu avoir accès, paraissent bien lourdes. – Qu’est-ce qu’il encourt? de cinq à dix ans de réclusion criminelle. – Quelles sont les preuves matérielles ? Les témoignages et déclarations de ses complices présumés, l’existence d’un original de l’acte de caution qui avait été gardé par la banque et qui contredit totalement les faux qu’il a présentés. Par ailleurs, les faux portaient une mention manuscrite à propos de laquelle le juge demandera certainement une analyse graphologique. De même, du matériel (machine à écrire et ordinateur) a été saisi dans son bureau. Il appartiendra au laboratoire de la police scientifique de déterminer si ce matériel a été utilisé pour rédiger les faux. Torturé ? La DGSN réagit Nous avons reçu de la Direction générale de la Sûreté Nationale la mise au point suivante : «Le nommé Mourad Belmâachi (avec la complicité d’autres individus) suspecté de soustraction de documents, faux, falsification et corruption a été déféré devant la Cour d’appel de Casablanca suivant procédure n° 1848 du 10.6.2004. L’enquête diligentée sous le contrôle du parquet compétent a permis de saisir des pièces à conviction et corroborer les plaintes des victimes. Les faits parlaient d’eux-mêmes et les enquêteurs n’avaient aucunement besoin d’user (inutilement du reste) d’autres méthodes ; l’aveu n’étant pas nécessaire pour matérialiser les infractions à la loi commises par Mourad Belmaachi. En conséquence, les propos tenus par le suspect sont non seulement infondés, mais ils ne constituent qu’un tissu de mensonges visant à masquer les agissements manifestement délictuels du mis en cause, qui n’a d’ailleurs, à aucun moment, signalé avoir subi des sévices corporels ni au procureur général ni au juge d’instruction devant lesquels il a comparu.»
