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Mohamed Mjid, une vie entière dédiée à l’action
Mohamed Mjid, figure de proue du tennis et de l’action associative, est décédé jeudi 20 mars à l’à¢ge de 97 ans. Il était un homme fidèle en amitié et en idéal, d’une grande chaleur humaine, d’une extrême sensibilité, ouvert au dialogue et à l’écoute.

Revenir en détail sur le parcours d’un homme comme Mohamed Mjid serait de la redondance après tout ce qui a été publié par nos confrères depuis son décès. Sauf que feu Mjid était un homme d’une trempe particulière. Il y aura toujours des choses à dire à propos de ce personnage hors pair car il y a des hommes dont on ne reconnaît la grandeur qu’après leur mort, quoi qu’on ait dit de leur vivant.
Militant depuis un âge précoce, activiste cultivé, sensible, débatteur hors pair, maniant l’humour avec aisance et efficacité, il avait cette facilité de convaincre dont atteste sa longue expérience dans la vie sans parler de son parcours à la tête de la Fédération royale marocaine de tennis (FRMT) et dans l’action associative. Il fut un homme droit, honnête, désintéressé, proche des gens, de ceux d’en bas dont il défendit avec ardeur et talent les intérêts et les doléances, dans toutes les démarches qu’il prenait.
Celles et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer savent qu’il était un homme fidèle en amitié et en idéal, d’une grande chaleur humaine, d’une extrême sensibilité, ouvert au dialogue et à l’écoute. Même ceux qu’il dérangeait par son franc-parler, des officiels surtout, le respectaient, il était un homme de parole, un homme chez qui la sensibilité est indissociable de la raison. Humaniste rebelle, il fut de tous les combats contre les injustices, dès sa jeunesse. De l’engagement pour la libération comme de la lutte contre l’occupation. Depuis les années 1930, encore à l’âge pubère, il faisait passer l’amour de son pays avant tout. Il faisait partie des étudiants qui ont protesté contre l’instauration du dahir berbère, ce qui lui a valu d’être condamné à mort par les autorités françaises. Par la suite, l’occupation en fera un squatteur de geôles, un peu partout dans le Royaume. Il a été détenu dans de nombreuses prisons. À Safi, à Marrakech, à Settat, à Meknès et dans bien d’autres villes du Royaume.
Mohamed Mjid a été également représentant du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) au Maroc depuis 1968, fonction qui lui a valu un Certificat Nobel de la Paix, décerné en 1981. Et c’est ainsi qu’il allait jouer un grand rôle au niveau de l’ONU, du HCR et du Comité international de la Croix rouge, pour que ces institutions s’intéressent au sort des prisonniers militaires et séquestrés civils dans les tristement célèbres camps de Tindouf.
A la question d’un confrère qui lui avait demandé une fois s’il était arabe, amazigh, ou les deux, sa réponse en dit long sur le dévouement qu’il portait à son pays : «Je suis marocain tout simplement. J’insiste sur cela à chaque fois qu’on me le demande, pour dire qu’avant d’être musulman et arabe, je suis viscéralement marocain. Je tiens à le souligner encore une fois en grandes lettres. Avant toutes les identités et les courants culturels, je suis d’abord marocain».
C’est dans cet esprit qu’il a fièrement servi trois rois pour finalement mourir comme il l’a toujours souhaité, la conscience tranquille et la mission accomplie. Et là, il convient de rappeler qu’en 2009, en guise de remerciements pour le travail accompli au cours des cinquante dernières années, S.M. Mohammed VI l’a décoré du Grand Cordon du Ouissam Al Arch.
Dans le milieu associatif, Mohamed Mjid, avec intuition et grand cœur, a perçu très tôt la nécessité de donner les moyens aux jeunes pour un avenir meilleur. En tant que fondateur et ancien président de la FRMT, à la tête de laquelle il passera près de 45 ans, il a beaucoup donné au tennis national. Autre preuve irréfutable que Mjid faisait partie d’une espèce humaine rarissime, qui ne baisse jamais les bras, c’est que dans les années 2000 il crée sa fondation M.J.I.D (Fondation marocaine pour la jeunesse, l’initiative et le développement) avec un groupe d’amis, des membres de la société civile, des enseignants et des professions libérales. L’objectif était de lutter contre l’inégalité sociale et venir en aide aux plus vulnérables en mettant à leur disposition une école, un centre de formation ainsi qu’un centre d’hémodialyse. Pour faire court, que ce soit à la fédération de tennis, aux différentes associations et maisons de jeunes qu’il visitait, dans les colonnes des journaux, les archives de la radio-télévision…, partout où il est passé, il laissa de la belle ouvrage. Même son passage par le Parlement en tant que député sous les couleurs du RNI en 1984 n’ébranlera pas les caractéristiques spécifiques de sa personnalité. Ses interventions étaient toujours tonitruantes et houleuses car il n’y allait jamais par quatre chemins. Il a toujours préservé son engagement exemplaire en faveur des grandes causes de son pays. L’exemple le plus récent de son célèbre franc-parler était sa réaction suite au discours percutant du Souverain à propos de Casablanca il y a quelques mois. Saisissant le message royal, Mjid déclara à la presse: «Il y a malheureusement carence et dysfonctionnement et je dirais même, sans hésiter, trahison. Car on ne peut pas acheter des voix et engager des centaines de millions pour rendre service au pays et aux citoyens. Ce n’est qu’un investissement frauduleux. D’ailleurs, on connaît pratiquement l’origine de cet argent et on connaît aussi sa destination. On sait pourquoi ces gens-là se disputent pour être élus: non pas pour servir, mais pour se servir. Mais tout le mal provient des partis politiques qui désignent des mafieux. Un parti mafieux ne peut désigner que des mafieux et le résultat est malheureusement là». Cela donne amplement une idée sur la personnalité de cet homme dont les sorties médiatiques ont toujours fait trembler les politiques de tous bords. Jusqu’au bout, il croyait en ce Maroc exceptionnel, et continua de rêver d’une société où chacun peut compter sur chacun pour devenir l’artisan de sa propre vie. Mohamed Mjid laisse le souvenir d’un homme engagé avec enthousiasme et grande curiosité dans chaque action entreprise.
