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Mohamed Elmanjra : Méditel en Bourse ? à‡a attendra

L’arrivée de Zain dans le capital de Wana ne change pas fondamentalement la donne sur le marché.
En dépit de créneaux sur lesquels l’opérateur historique garde un avantage, la concurrence joue pleinement dans le secteur.
Plutôt que d’offrir des produits segmentés fixe ou mobile, l’opérateur préfère miser sur la convergence.

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Dans le premier entretien accordé à la presse écrite, depuis son arrivée à la tête de Méditel en mars 2008, Mohamed Elmanjra parle avec beaucoup de franchise de l’état du secteur. Concurrence, évolution du marché, ambitions de Méditel… Il estime que le service lié uniquement à la voix est en train de plafonner et que l’avenir se trouve dans les services à valeur ajoutée. Méditel dispose des moyens de ses ambitions et n’envisage pas, pour le moment, de se lancer dans une expérience internationale. Entretien.

Quelle réaction suscite chez vous l’arrivée de Zain dans l’actionnariat de Wana ?
Le paysage télécoms marocain est configuré à trois opérateurs et le business avec l’arrivée de Zain, un opérateur majeur au Moyen-Orient et en Afrique, ne changera pas vraiment la donne. Wana opère depuis deux ans déjà en tant qu’opérateur et par conséquent a développé une connaissance du marché et dispose de compétences métiers à plusieurs niveaux. Ceci étant, s’il était venu un quatrième opérateur, cela aurait eu des conséquences un peu plus contraignantes…
 
Avec trois opérateurs, la concurrence joue-t-elle pleinement dans le paysage des télécoms au Maroc ?
Il est clair que la concurrence joue pleinement son rôle dans le secteur. Notre marché est constitué quasi totalement de consommateurs prépayés, l’acte d’achat se décide donc au jour le jour par le client. Ce mode de consommation fait que les opérateurs ont développé une réactivité tout à fait impressionnante.
Cela n’empêche pas que sur certains créneaux, l’opérateur historique garde toujours des avantages que les nouveaux opérateurs ne peuvent développer qu’avec le temps. Cela ne produit cependant pas de déséquilibre notable.  Le jeu concurrentiel, au-delà de la courbe d’expérience, distribue naturellement des avantages à chaque opérateur. Autrement dit, chaque opérateur a ses terrains de prédilection sur lesquels il peut offrir des services que d’autres n’ont pas forcément ou pas au même niveau.
 
Avec un taux de pénétration de 75% sur le mobile, la courbe de croissance du marché à-t-elle commencé à s’aplatir ?

Dans le segment du mobile et concernant le service «voix», il n’y a aucun doute que la progression va se ralentir. Ceci étant, je voudrais apporter une précision : il ne faut pas considérer que le taux de pénétration plafonne à 100%. Au Moyen-Orient par exemple, nous assistons à des taux de pénétration de l’ordre de 140%. En Europe, le taux de pénétration gravite autour de 120%. Bien évidemment le pouvoir d’achat au Maroc n’est pas comparable, mais il faut bien admettre que le mode de consommation des Marocains a changé, beaucoup d’utilisateurs disposent aujourd’hui de plus d’une puce téléphonique.
En ce qui concerne la 3G, les services à valeur ajoutée et les contenus, la croissance ne fait que commencer, les opérateurs ont compris que la voix n’est plus l’unique composante des télécoms.
De manière générale et pour chaque business, il existe des relais de croissance et il faut saisir les opportunités pour passer d’une courbe à l’autre, en observant attentivement le marché et le besoin du consommateur.
 
Quid du fixe ? Méditel a acheté une licence qu’elle n’exploite pas sur le résidentiel mais dispose par contre d’un parc de 4 000 entreprises clientes…
Sur cet aspect, je préfère parler d’orientation client plutôt que d’orientation produit et/ou technologie. Nous préférons étudier le besoin du client et y répondre spécifiquement, les besoins en communication d’un ménage n’étant pas ceux d’une entreprise ni ceux d’un étudiant. Pour nous, il ne faut pas se focaliser sur le fixe en tant que tel, qui demeure un des outils de notre portefeuille technologique que nous utilisons pour proposer des offres globales et sur-mesure à nos clients. Aujourd’hui, Méditel n’a pas une vision étriquée d’une offre fragmentée de produits mais plutôt se base sur la convergence pour proposer une large gamme de solutions.

Votre dernière offre portant sur 10 heures de communications gratuites à partir d’un certain montant de recharge a créé de sérieuses perturbations sur le réseau…
Pour la campagne 10 heures, nous avons été victimes de notre succès. Je reconnais que nous avons eu des congestions sur la tranche horaire 22h -23h30. Cela s’est traduit par le fait que les appels ne passaient pas ou nécessitaient plusieurs tentatives pour toucher leurs correspondants. Ceci étant, techniquement, il faut faire la distinction entre un réseau congestionné et un réseau qui tombe. Une congestion peut être comparée au fait que si nous recevons un flux important sur un endroit, l’on va être obligé d’organiser la circulation et de faire respecter un tour de rôle. Et je peux vous assurer que 95% des congestions ont été observés uniquement sur une partie de la ville de Casablanca ….
 
Ces perturbations ont été observées un peu partout au Maroc, cela a été signalé et vérifié par nos soins…
Oui, bien sûr, mais moi je parle de degré de congestion. Elle a pu se produire, mais à des degrés moindres. Je reconnais que 95% de la congestion a été localisée sur une partie de la ville de Casablanca et 90% de cette congestion a été observée durant la plage horaire entre 22 h et 23 h30. Plus précisément, nous avons en général une moyenne de
300 000 appels sur cette tranche horaire et la capacité théorique de notre réseau est de 3 millions d’appels. Au moment de lancer notre offre, nous avions tablé sur une multiplication des sollicitations du réseau par dix. Or, ce qui s’est produit, c’est que la demande s’est multipliée par 40, puisque la cadence des appels a atteint 11 millions, et ce sans que le réseau ne tombe, ce qui renseigne sur sa solidité. Il est clair cependant que lorsque nous avons lancé l’offre, notre analyse n’indiquait pas un risque de dégradation significative de notre réseau. Nous ne nous attendions tout simplement pas à un tel engouement de la part du public pour ce produit. Il faut également signaler que des mesures ont été prises durant cette période pour pallier la congestion du réseau.
 
L’ANRT vous a demandé d’écourter votre offre d’un mois. S’est-elle arrêtée ?
La promotion s’est arrêtée le 3 mars, comme prévu.

Wana qui est arrivé bien après que Méditel a obtenu l’asymétrie des prix d’interconnexion, alors qu’elle vous a été refusée lors de la première année d’activité. Avez-vous renoncé à la demander pour certains segments ?
L’asymétrie des prix d’interconnexion n’est pas un concept figé. Il y a eu des marchés où elle a été instaurée puis abandonnée ou vice versa. Il s’agit, donc, de décision dynamique qui accompagne en temps réel ce qui advient dans un environnement. Méditel a par le passé demandé l’introduction de l’asymétrie des prix à deux reprises sans suite favorable de la part du régulateur. Pour l’heure, aucune décision n’a été prise quant au renouvellement de cette demande, mais cela n’est pas du tout exclu.
 
Que va-t-il se passer dans les deux prochaines années ? Quels genres de produits vont être lancés et assistera-t-on à une baisse des prix ?
Le téléphone évoluera totalement pour intégrer des utilisations et des services à valeur ajoutée comme les moyens de paiement, de réservation, de commande, d’achat de contenus… A mon avis, cela va prendre des proportions très importantes sur les deux prochaines années. Les Marocains sont très friands de nouvelles technologies. Pensez aux guichets automatiques bancaires, dans les années 80, alors que la notion de signature électronique ne faisait même pas partie de notre lexique. Concernant la baisse des prix, je pense qu’elle est inévitable; ceci étant, il faut noter que depuis la libéralisation du secteur ces prix ont baissé de manière significative.

A propos des prix, justement, le public développe une méfiance  quant aux promotions, aux recharges  et à la facturation, en général….
C’est là une excellente question et je veux rassurer le public sur ce point. Notre secteur est extrêmement réglementé. Par ailleurs, le régulateur procède de manière périodique à des contrôles et des audits. Nous n’avons pas droit à l’erreur. Je rajouterai que nos systèmes d’information sont à la pointe de la technologie, le suivi des consommations et des promotions est rigoureux.
 
Comment sont vos rapports avec le régulateur, aujourd’hui ?
Les rapports sont ouverts et la communication est bonne.
 
Les statistiques des télécoms reflètent – elles la réalité ? Les opérateurs ne gonflent-ils pas un peu leurs chiffres en ne supprimant pas, par exemple, les lignes inactives ?
Sur cet aspect, les règles sont claires. Chaque activation doit correspondre à un client. L’ANRT définit une ligne inactive comme une ligne qui n’a ni émis ni reçu un appel durant 90 jours. Et les opérateurs s’y conforment et les systèmes d’information sont configurés pour désactiver toute ligne qui ne répond plus aux critères du régulateur.
 
L’opérateur historique vient de lancer le triple play à partir de 300 DH avec l’ADSL, la téléphonie gratuite à des conditions et un bouquet de télés de base. Allez-vous et pouvez-vous répliquer, en fonction de vos choix technologiques ?
Nos choix technologiques ne sont pas en cause. Pour pouvoir faire ce type d’offres, le dégroupage est nécessaire. Or, nous n’avions pas une offre tarifaire économiquement viable nous permettant d’utiliser de manière optimale l’infrastructure de Maroc Telecom. La situation s’est améliorée et nous travaillons sur des offres nouvelles.
 
Qu’y aura-t-il de plus que l’offre actuelle de Maroc Telecom ?
Vous le découvrirez bientôt.
 
Meditelecom ira-t-elle en Afrique et… en Bourse ?
L’expérience d’autres opérateurs démontre que la pénétration du marché africain n’est pas chose aisée.  Ceci étant, notre stratégie n’est pas d’aller en Afrique, nous avons d’autres priorités pour le moment. Le marché marocain dispose d’un potentiel de croissance important au niveau du secteur et nous comptons en profiter pleinement.
En ce qui concerne la Bourse, une IPO naît d’abord d’un besoin de financement de projets. Méditel a, certes, des plans très ambitieux,  mais nous avons la capacité d’en autofinancer une très grande partie. L’entreprise dispose des moyens de ses ambitions. Par ailleurs, l’instabilité actuelle des marchés boursiers à travers le monde ne constitue pas un élément favorable à une introduction. Nous pouvons nous permettre d’attendre et avons donc choisi de le faire.