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Mohamed Benchaà¢boune : bientôt, la distinction fixe/mobile n’aura plus de sens

Quelques jours après la désignation de Medi Telecom comme adjudicataire d’une des deux licences du fixe, Mohamed Benchaâboune, DG de l’ANRT, revient sur le processus de libéralisation du fixe et sur les bouleversements que devrait connaître le marché de la téléphonie au Maroc, au cours des trois prochaines années. Pour lui, l’internet sera le véritable moteur du fixe à l’avenir.
La Vie éco : Un des opérateurs pour les nouvelles licences a été désigné. Quand connaîtrons-nous l’autre ?
Mohamed Benchaâboune: Il faudra attendre quelques semaines. Nous avons demandé à Maroc Connect et Orascom de nous fournir des renseignements supplémentaires, puis nous réétudierons les dossiers pour procéder à leur évaluation selon les critères prévus dans le règlement de la consultation. Il faut s’entourer du maximum de précautions afin d’éviter des problèmes à l’avenir. Il s’agit là de la construction d’un partenariat fort pour les trente prochaines années.
L’ANRT a insisté tout au long du processus de libéralisation du fixe, sur la neutralité technologique. Finalement, sont-ce réellement des licences du fixe que l’on est en train d’octroyer?
Ce sont des licences du fixe au sens classique du terme. L’abonné aura un abonnement fixe. Son téléphone ou son poste de travail pour internet ne pourront pas être utilisés à travers le Royaume comme c’est le cas du téléphone mobile. Ceci dit, le raccordement du client ne se fera pas forcément, comme on est habitué à le voir jusqu’à présent, via une paire téléphonique. L’utilisation de la technologie radio est possible. La confusion réside souvent dans l’identité entre réseau fixe et réseau filaire.
Mais vous parlez aussi de mobilité restreinte…
Oui, elle est prévue pour la deuxième licence fixe dans le cadre du même appel d’offres mais dans un lot séparé et avec des critères d’attribution différents. Cette mobilité limitée permet à l’abonné l’usage de son terminal dans un rayon ne dépassant pas 35 km. Au-delà de ce périmètre, la communication n’est pas permise.
L’opérateur qui serait choisi pour cette option pourrait passer à la mobilité totale après avoir rempli les engagements prévus durant les dix-huit premiers mois. Ainsi, l’opérateur ayant investi suffisamment dans le fixe pourrait devenir opérateur global après la période précitée.
Le règlement de la consultation interdisait à Méditel de postuler pour la mobilité restreinte car disposant déjà de la mobilité totale à travers son réseau GSM. En revanche, les deux autres prétendants l’ont demandé. Il y a lieu de signaler que le passage à la mobilité totale ne se fera pas via le GSM, mais par le biais de l’octroi d’une licence UMTS.
Si bien que, dans un proche avenir, fixe ou mobile, la distinction n’aura plus aucun sens ?
Oui, d’ailleurs, dans le monde, des opérateurs sont en train de se regrouper pour que les services offerts en mobilité puissent trouver leur pendant dans la fixité. S’agissant des licences, certains pays comme l’Inde ont déjà opté pour des licences unifiées d’accès ne faisant pas la distinction entre le fixe et le mobile.
Des opérateurs globaux comme Méditel et Maroc Telecom.
Presque, il leur manque la licence UMTS pour les services mobiles dits de troisième génération. Pour le déploiement de ces services, il faut assigner les bandes de fréquence nécessaires. L’ANRT travaille avec les départements concernés pour dégager le spectre nécessaire pour ce faire. A quel horizon doit-on s’attendre à un bouleversement de la téléphonie fixe ?
Les choses vont commencer à s’installer progressivement. A partir de 2006, il y aura un début de commercialisation des services. Dès le démarrage, des innovations seront introduites tant sur le plan technologique qu’en matière d’offres pour les clients. Cela dynamisera le marché et induira des effets positifs pour le consommateur final, qu’il soit particulier ou entreprise.
Et dans trois ans ?
Tout sera basé sur la technologie IP (Internet protocol). Les modèles d’offres de services seront bouleversés. La notion de facturation à la minute ou à la seconde disparaîtra au profit des forfaits. C’est l’internet qui va tirer le marché, la voix restera, mais ne constituera pas l’enjeu du développement ni la source de la croissance.
Concernant l’internet, en dépit des actions incitatives, le marché ne décolle toujours pas…
Il faut œuvrer dans le sens d’une baisse des prix de l’accès et des ordinateurs, qui pourraient être subventionnés comme c’est le cas des terminaux mobiles. Il faut des formules tout aussi agressives que ce qui a été vécu jusqu’alors dans les segments sous compétition. Il faut aussi diversifier l’offre : internet sans abonnement téléphonique, internet bas débit forfaitisé à des prix abordables… L’insuffisance de contenu adapté aux besoins des Marocains est également un facteur qui justifie la faiblesse du nombre d’abonnés.
Vous avez certainement fait des simulations sur l’évolution du marché.
Oui, elles indiquent, à l’horizon 2010, un potentiel de quatre millions de lignes fixes et un million d’abonnés internet. Le marché du mobile continuerait de croître pour atteindre 18 millions d’abonnés. Tout cela nous ramène à un chiffre d’affaires pour le secteur de 35 milliards de DH, contre 19 actuellement. Bien entendu, tout dépendra de l’évolution de la concurrence et du comportement des opérateurs.
n Revenons à la libéralisation. Quelle est la suite du programme ?
La deuxième phase consistera à attribuer des licences UMTS. Nous sommes en train de nous préparer pour les lancer avant fin 2005. Trois licences maximum sont prévues. Leur prix sera de 40 millions de dollars. Une de ces licences est prévue pour le futur adjudicataire de la licence fixe avec mobilité restreinte. Il restera donc deux licences qui feront l’objet de la procédure réglementaire d’octroi. En résumé, à partir de début 2006, nous aurons deux opérateurs UMTS, puis début 2007, un troisième.
Et combien pour les licences du fixe ?
Méditel a offert 75 millions de DH. Pour les deux autres, il faut attendre la fin de l’opération d’évaluation.
On est loin du milliard de dollars de la seconde licence GSM !
On est loin du milliard de dollars, effectivement, tout comme il est impossible d’avoir 10 millions d’abonnés nouveaux pour le fixe. Le prix de la licence est lié au potentiel de rentabilité d’un projet et à l’attrait de l’investissement dans le segment ouvert à la concurrence.
Revenons au programme. En 2007, donc, nous aurons bouclé la boucle de la libéralisation…
Nous espérons surtout atteindre les objectifs prévus par la note d’orientation générale du secteur pour la période allant jusqu’en 2008 qui prévoit que, dans tous les segments, trois opérateurs soient en concurrence effective. En 2007, nous analyserons la structure du marché dans son ensemble. Si le marché est suffisamment concurrentiel et l’offre assez étoffée, on pourra s’arrêter à ce stade. S’il y a encore une marge de progrès, on peut envisager de lancer une troisième licence GSM
mohamed benchaaboune DG de l’ANRT
La notion de facturation à la minute ou à la seconde disparaîtra au profit des forfaits. C’est l’internet qui va tirer le marché.
