Affaires
Misère et espoirs de bidonvillois
A douar El Karia, près de Sidi Bennour, le discours royal a été suivi attentivement. Cette fois-ci on y croit.
Les 2 000 ménages du bidonville rêvent de vivre une vie normale.
Depuis quatre mois, les choses ont commencé à changer.

Adouar Al Karia (littéralement le patelin), à l’orée sud du village de Sidi Bennour, à 80 kilomètres d’El Jadida (commune rurale de Bouhmame), tout le monde affirme avoir attentivement écouté le discours royal annonçant le lancement de l’Initiative nationale sur le développement humain. Mehdi, un des épiciers de ce bidonville qui compte quelque 14 000 âmes (près de 2 000 ménages), tient son commerce et habite dans les 50 m2 qui abritent sa bicoque depuis une dizaine d’années. Lui et sa femme vivaient à Casablanca et ont émigré dans le coin pour fuir les problèmes familiaux, après avoir vendu quelques biens. Les affaires ne sont pas florissantes et le ménage pourvoit, tant bien que mal, aux besoins de ses trois enfants. «Heureusement que l’école n’est pas trop loin, autrement il n’aurait pas été possible que je m’occupe de l’épicerie quand mon mari trouve du travail saisonnier», se plaint la femme de Mehdi.
Chama, elle, habite deux pâtés de maisons – ou plutôt de bicoques – plus loin. Son mari est retraité et elle pratique de l’élevage de bovins et d’ovins pour conforter les modestes rentrées du vieux couple sans enfants qui est le leur. «On attend pour voir ce qu’il en sera des promesses, mais je pense que cette fois-ci sera la bonne. D’ailleurs, il y a des choses qui ont changé comme les petits rackets de certains agents d’autorité qu’on ne voit plus», affirme-t-elle.
Quatre associations ont été créées en quelques mois
Dans le bidonville, le passage d’un «étranger» ne peut pas passer inaperçu et semble toujours perçu comme un œil plutôt malveillant et rarement compatissant à la misère que vivent les habitants et à l’état de dénuement et d’insalubrité que rien ne voile. Et quand on demande aux hommes pourquoi ils n’adhèrent pas aux associations de «leur quartier», ou aux femmes la raison pour laquelle elles désertent le foyer des femmes, les réponses se font attendre.
A douar Al Karia, pourtant, quelque chose semble bouger. Il y a d’abord la cellule sociale créée par le gouverneur et qui travaille en étroite collaboration avec le département du Développement social, de la Famille et de la Solidarité. Même si l’initiative ne date que de quatre mois, les habitants adoptent à son encontre une attitude des plus amicales. Quatre associations ont été créées sur place – les autorités voulant impliquer les habitants dans la réflexion et le choix des actions à mener- et ont déjà reçu 1 million de DH du ministère d’Abderrahim Harouchi qui s’était rendu sur les lieux récemment. Leurs programmes, qu’il s’agisse de financer les deux bornes fontaines programmées dans le court terme ou l’équipement de foyers de femmes, par exemple, ont été validés.
1 million de DH pour soutenir les actions validées
Les habitants de ce bidonville qui s’étend sur 60 ha et dont l’origine remonterait à plus d’un demi-siècle, selon le caïd de la circonscription, semblent encore sous le coup de l’incrédulité. Leurs revendications tiennent en un mot : ne plus être en reste d’un environnement qui, tout en tolérant à peine leur présence, les a tenus dans une exclusion qui n’a que trop duré. Ils veulent vivre dans des quartiers sains, propres, vivables avec un éclairage public, une voirie et un mobilier urbain qui égaye leur quotidien. Ils veulent aussi être reconnus comme des habitants à part entière, mais pour cela, il faut d’abord qu’ils aient des maisons. Et, comme le reste, il faut tout un programme. Un vieux programme, d’ailleurs.
Ce qui a, pourtant, changé aujourd’hui, c’est que les habitants des bidonvilles ne se cachent plus pour parler et que les autorités mettent en place des structures et des programmes pour les intégrer.
Si la région d’El Jadida n’est pas une des plus pauvres du pays, on peut la citer en exemple pour la rapidité de la mise en place d’un programme de réhabilitation du seul bidonville qui existe à Sidi Bennour. En effet, un programme de 70 millions de DH a déjà été validé pour la restructuration du bidonville qui comprend aussi bien l’assainissement , l’éclairage public que l’adduction en eau potable ou encore les équipements socio-éducatifs. S’il faut croiser les doigts pour voir cet ambitieux programme réalisé, il faudra aussi s’en inspirer pour d’autres régions du pays et tabler sur une approche d’auto-développement, la politique d’assistanat ponctuel n’étant plus de mise .
A douar El Karia, on manque de tout : eau potable, assainissement, électricité…
