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Miriem Bensaleh : «Je ne suis pas candidate à  la présidence de la CGEM»

Les candidats existent bel et bien, en revanche les programmes sont absents
pour le moment.
Le président actuel de la CGEM a fait de son mieux, mais il est temps
de passer à un autre système de fonctionnement.

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Administrateur-directeur général de la Société des eaux minérales d’Oulmès, Miriem Bensaleh Chaqroun n’est pas tendre avec la CGEM. Méthodes de gestion inadaptées, insuffisance de l’engagement à défendre l’entreprise, absence de concertation interne… les critiques fusent et le changement est souhaité. Pour autant, Miriem Bensaleh Chaqroun, qui a quitté le bureau il y a presque trois ans, n’entend pas s’inscrire sur la liste des candidats à la présidence du patronat comme on lui en prêtait l’intention. Son argument principal: un tel poste requiert un engagement à plein temps que ne lui permettent pas ses activités professionnnelles et associatives. La CGEM dispose-t-elle de candidats sérieux ? «Il faut surtout de bons programmes, affirme-t-elle tout en déplorant le fait que, pour l’instant on ne se préoccupe que de savoir qui va voter pour qui». Entretien.

La Vie éco : Patronne d’un groupe industriel, présidente du Festival de Casablanca, membre ou présidente d’associations, membre du Conseil national du patronat et bien sûr mère de famille. Comment faites-vous pour gérer tout cela à la fois ?
Miriem Bensaleh Chaqroun : Parfois je me le demande (rires). Plus sérieusement, j’essaie de m’organiser au mieux, de consacrer un temps à chaque chose et de ne pas sacrifier ma vie de famille. Il est vrai que j’en paie le prix sur le plan physique, mais tant que je peux joindre l’utile à l’agréable, je persévère dans cette voie.

Et en plus vous voulez devenir présidente de la CGEM !
Je n’ai jamais voulu devenir président d

e la CGEM. Depuis plusieurs mois j’assisté en spectatrice à ma prétendue candidature. J’avoue que j’ai été agréablement surprise de voir qu’il y a eu beaucoup d’articles consacrés à ce sujet, tout comme j’ai été honorée de recevoir nombre de témoignages de soutien de la part de mes pairs. A aucun moment je n’ai évoqué, directement ou indirectement, l’éventualité d’une candidature.

Pourtant, on dit que vous avez fait le tour des présidents d’associations pour obtenir des soutiens…
Il s’agit d’assertions totalement fausses. Depuis juin 2004 (dernier Conseil du patronat), je n’ai pas eu de contacts officiels ni officieux avec les membres de la CGEM. D’ailleurs, je ne suis plus membre du bureau de la CGEM depuis presque trois ans.

Doit-on en conclure que vous n’êtes pas candidate aujourd’hui ?
Je ne suis pas candidate aux élections pour la présidence de la CGEM. Ni aujourd’hui, ni dans quelques semaines. C’est un «non» définitif.

On vous prête la réputation d’être une dame de fer. Vous avez notamment dû gérer un conflit syndical extrêmement dur à la fin des années 90, au cours duquel vous vous êtes séparée de 200 employés. Certains de vos pairs estiment que vous avez votre place à la tête de la CGEM, entre autres parce que vous avez su tenir tête aux syndicats, que vous refusez la compromission…
Il en allait de la pérennité de la Société des eaux minérales d’Oulmès. Certes 200 emplois ont été perdus, mais l’entreprise a survécu et 500 emplois ont été créés depuis. Je ne suis pas candidate, mes activités professionnelles et associatives ne me le permettent pas.

Vous ouvrez donc le bal des élections ?
Oui, mais pourvu que ce ne soit pas comme ce fameux événement parisien qu’est le «Bal des débutants».

Vous êtes pratiquement le seul membre à avoir claqué la porte du bureau de la CGEM…
Disons que j’ai été la première, et la seule, à l’avoir fait, avant les élections de juin 2003, non pas par fronde mais par honnêteté et en toute transparence, alors que certains membres qui jouent aujourd’hui aux Zorros d’opérette, et qui se présenteront certainement à la candidature pour la présidence, ont toujours joué sur les deux tableaux.

Pourquoi ce départ ?
La CGEM, telle qu’elle était gérée par le bureau ne correspondait pas à ma façon de voir. Elle fonctionnait selon un mode de gestion qui se caractérise par un manque de concertation, une insuffisance de délégation et une absence d’experts de haut niveau. Cela dit, je pense que le président actuel a fait de son mieux mais, aujourd’hui, il faut passer à un autre système de fonctionnement.

Il y a eu cette interview, restée fameuse, que M. Chami a accordée l’été dernier à l’hebdomadaire «La Vérité», et dans laquelle il a parlé de problèmes de gouvernance… Quel est votre avis là-dessus ?
Celui de beaucoup de mes confrères. Sortant de la bouche de M. Chami, qui est un ancien haut commis de l’Etat, de tels propos sont extrêmement maladroits dans le ton, et même dans le contexte. Par ailleurs, le fait d’engager toute une association dans ses déclarations, sans concertation, me semble malvenu.

Vous parlez de forme, mais sur le fond ?
Je suis d’accord avec lui sur certains points, mais ce n’était pas au président de la CGEM de le faire.

Je reviens à votre appréciation: «le président actuel a fait de son mieux mais aujourd’hui il faut passer à un autre système de fonctionnement». Si M. Chami a fait du bon travail, pourquoi n’êtes-vous pas revenue au bureau de la CGEM ?
Il a fait du bon travail, mais n’a pas changé sa méthode de travail. Il a rafraîchi le bureau, mais ça reste un toilettage mais non un travail de fond.

Vous êtes toujours membre de la CGEM, vous payez vos cotisations ?
Non seulement ça mais je soutiens la CGEM.

En pratiquant la politique de la chaise vide !
Il fallait bien que quelqu’un parmi les nombreux contestataires fasse le premier pas. Cela a fait prendre conscience du fait que la CGEM devait changer. Malheureusement, ce qui a été fait n’est pas suffisant pour pouvoir continuer comme cela.

Qu’est-ce que la CGEM devait faire et qu’elle n’a pas fait ?
La CGEM a besoin d’une femme ou d’un homme qui puisse défendre sans ambiguïté le libéralisme – je ne dis pas ultra-libéralisme – et se préoccuper des soucis de l’entrepreneur. Une femme ou un homme de compromis permanent tournant souvent à la compromission ne ferait que reproduire le schéma existant. La CGEM, à travers son président, doit savoir dire non, quitte à aller jusqu’à la rupture quand il faut. La rupture est aussi un moyen d’avancer.

Un exemple ?
Le Code du travail. Il a nécessité beaucoup de temps de travail. Puis la dernière mouture a été présentée dans l’urgence avec une concertation presque impossible vu le temps imparti pour réagir. Autre exemple, celui de l’assurance accidents du travail, dont le texte n’est pas adapté à la réalité. Il serait fastidieux de passer tout en revue, mais on a l’impression que l’entrepreneur doit adopter un profil bas, ne doit pas gagner d’argent, ne doit pas crier à la défense d’un capital qu’il a investi. Où est la flexibilité de l’emploi ? L’entrepreneur n’est pas assez défendu.

Quel serait le profil du prochain candidat de la CGEM ?
Avoir un programme, afficher ses idées clairement, avoir une éthique incontestable, être un chef d’entreprise modèle, et surtout s’investir à plein temps. Et le temps… c’est ce qui me manque personnellement. Je pense qu’il y a beaucoup de candidats qui se trompent sur les implications de ce poste.

On en déduit que la CGEM n’a jamais osé…
Elle n’a pas défendu suffisamment l’entrepreneur. On peut faire plaisir jusqu’à un certain point, on peut aller à la recherche du consensus jusqu’à une certaine limite. Cette limite-là n’est pas assez claire.

Revenons aux élections de juin 2003. Vous parliez de programmes, y en avait-il à l’époque ?
Non, il y avait ceux qui soutenaient l’ancienne équipe et ceux qui étaient pour le changement, mais pas sur la base d’un réel programme. C’était pour ou contre M. Chami en fait.

Le suspense semble caractériser les élections de juin 2006. Aucun candidat officiellement déclaré…
Rassurez-vous, il y en a plusieurs parmi les présidents de fédérations. Ils sont «camouflés», ou plutôt en embuscade si je puis dire.

Pourquoi attendent-ils ?
Posez leur la question. A mon sens, une des spécificités du futur président de la CGEM devrait être la conviction. Si on est convaincu que l’on peut faire l’affaire, si on a le temps, si on a des idées, alors on se déclare et on y va. Quand on arrive à fédérer autour de soi suffisamment de soutien, il n’y a pas à attendre. Il ne devrait pas y avoir d’autres sollicitations, d’autres appuis que ceux de vos pairs.

Vous connaissez certainement des candidats officieux. Y en a-t-il parmi eux quelques-uns qui vous semblent valables ?
Si on devait parler de personnes, il existe parmi ces candidats ceux qui gèrent très bien leur entreprise, qui ont une éthique, qui sont transparents. Mais parlons de programmes, plutôt. Si quelqu’un présente une feuille de route valable, pourquoi ne pas le soutenir ? Malheureusement, et jusqu’à aujourd’hui, personne ne parle de programme, on se préoccupe plutôt de savoir qui va voter pour qui.

Il y a un paradoxe. On veut que le président de la CGEM soit un chef d’entreprise modèle, et en même temps on lui demande de s’investir à plein temps dans la CGEM !
Tout à fait. Le choix est très difficile.

Et s’il n’y avait qu’un seul candidat ?
Ce serait dommage, non seulement pour la CGEM mais pour tout le monde entrepreneurial.

Plusieurs chefs d’entreprises, dont des femmes, trouvent injustifiée l’existence d’une association de femmes patrons (Afem), partant du principe que les problèmes de l’entreprise sont les mêmes. Quel est votre avis ?
J’étais du même avis qu’eux au départ. D’ailleurs, j’ai été la dernière à adhérer au conseil d’administration de l’Afem. Je pense que le terme chef d’entreprise est asexué. La différence est qu’il faut du soutien aux femmes parce qu’elles ont des difficultés en amont pour créer leur entreprise, que ce soit pour des raisons familiales ou culturelles. Par ailleurs, plusieurs femmes n’ont jamais osé entrer à la CGEM car elles y voyaient un environnement purement masculin. L’Afem a été, pour elles, une passerelle. Culturellement donc, et dans le contexte d’aujourd’hui, une association de femmes chefs d’entreprises a sa place.

Parlons de vous en tant que chef d’entreprise, vous avez investi le secteur des boissons gazeuses (Pepsi, Seven-Up, Mirinda) face au géant Coca-Cola. A posteriori pensez-vous avoir gagné la bataille ?
On n’entre en bataille contre un géant qu’en se dotant des armes qu’il faut. La partie est en train de se jouer et nous sommes bien positionnés. Nous augmentons continuellement notre production pour répondre à une demande favorable et nous avons mis en place un circuit de distribution conforme aux standards internationaux en la matière.

Avec quelles parts de marché aujourd’hui ?
Après deux ans et demi d’exploitation nous avons atteint 9%, ce qui est plus qu’honorable dans le secteur.

Comment convaincre une multinationale américaine de s’implanter au Maroc ?
Nous sommes leaders dans notre métier, nous sommes cotés en Bourse, nous sommes transparents et persévérants. Il nous a fallu trois ans de négociations à l’issue desquels nous avons établi un partenariat assez équilibré. Nous avons démontré que nous étions sérieux, engagés, prêts à nous investir dans la durée, ils ont joué le jeu.

Ça représente un investissement de combien ?
A aujourd’hui, nous avons investi 400 MDH.

Vous êtes présidente du Festival de Casablanca. Comment vit-on cette responsabilité ?
C’est un univers qui m’était inconnu, sauf en qualité de sponsor. Le Festival de Casablanca a été pensé et repensé pendant plusieurs années sans voir le jour. L’engagement des partenaires publics et privés en a fait un succès qui s’inscrit dans la durée. Il est formidable de constater que des équipes et des méthodes de gestion bien réfléchies ont pu donner à l’art et à la culture ce scintillement. J’aime à dire que c’est une vraie chaîne humaine qui a été formée.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquée ? Qu’est-ce qui vous a le plus stressée ?
Le succès du festival, le fait d’avoir réussi à répondre à leurs attentes, cette fusion entre jeunes et moins jeunes, hommes et femmes de toutes conditions sociales. Un vrai bonheur émotionnel. Un moment de gros stress ? Oui, le soir où nous avons eu 200 000 personnes sur la place de Sidi Bernoussi, dans un quartier populaire, et ça s’est passé sans anicroche. Les Marocains sont des gens adultes, on ne le dit pas assez.

Miriem BensaleH Chaqroun A-dg de la société des Eaux minérales d’Oulmès
Président de la CGEM ? Il faut avoir un programme, une éthique incontestable, et surtout s’investir à plein temps. Je pense qu’il y a beaucoup de candidats qui se trompent sur les implications de ce poste.