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Mesures antidumping au profit de la Snep : la Fédération de la plasturgie dans le désarroi
Arrivée à terme, l’enquête sur le PVC importé des Etats-Unis aboutit à l’application de droits antidumping. La Fédération de la plasturgie estime que toute l’industrie va en pà¢tir. Elle suggère des mesures plus neutres comme la réduction du coût de l’énergie.

Fin août, le ministère du commerce, de l’industrie et des nouvelles technologies publiait les conclusions de son enquête antidumping sur le PVC en provenance des Etats-Unis, menée depuis juillet 2012 et réclamée depuis des années par l’unique producteur marocain de PVC, la Société nationale d’électrolyse et de pétrochimie (SNEP). Le résultat est sans appel. L’enquête conclut d’abord à l’existence effective d’un dumping et d’un «dommage important» sur «les prix du PVC national similaire et la situation économique de la branche de production nationale au cours de la période 2008-2011 et du premier semestre 2012». Plus loin, l’avis public 09/13 reprenant les conclusions de l’enquête précise que ces importations américaines de PVC en dumping «ont eu un effet notable sur les prix du PVC produit localement par la SNEP». Résultat, des droits antidumping variant de 22,9% à 56,2% s’appliquent désormais, et pour 5 ans, sur le prix à la tonne du PVC américain.
Pour la Fédération marocaine de plasturgie (FMP), la coupe est pleine. «De telles mesures condamnent l’industrie de transformation marocaine de PVC. Il ne s’agit pas de protéger une matière première et négliger de protéger les produits finis fabriqués localement. Si l’on veut protéger, il faut protéger toute la chaîne», attaque Mamoun Marrakchi, président de la fédération.
La SNEP ne peut assurer les besoins nationaux
Sur les 115 000 tonnes de PVC consommées annuellement par les industriels, la production de la Snep ne dépasse guère les 50 000 tonnes. «Près de la moitié de sa production est acheminée vers sa propre filiale, Dimatit, spécialisée dans l’hydraulique et notamment dans la production de tubes PVC pression. Pour les transformateurs nationaux, il reste donc près de 90 000 tonnes à importer», explique le vice-président de la FMP en charge du dossier. Les transformateurs de PVC marocains, qui se comptent par dizaines et génèrent 35000 emplois directs et indirects, subiront de plein fouet les mesures antidumping appliquées sur un PVC, par ailleurs l’un des plus compétitifs au monde et qui pèse pour 80% des importations nationale de cette matière. «Producteurs de canalisations d’irrigation, qui représentent le plus gros des transformateurs de PVC, mais aussi industriels automobiles, fabricants de câbles électriques ou encore industriels pharmaceutiques risquent de voir leur production baisser en l’absence de sourcing, voire de remplacer le PVC par le polyéthylène, plus coûteux», poursuit le vice-président. «Dès le départ, la demande de la Snep était irrecevable», poursuit-il.
Depuis longtemps, la Snep profitait d’un accord-cadre d’approvisionnement avec la Libye pour importer à coût compétitif l’éthylène dont elle a besoin pour fabriquer du PVC. Après les changements politiques survenus en Libye, elle s’est reportée sur des importations d’Europe, plus chères et donc pesant sur sa trésorerie. «Structurellement, la Snep n’est pas lésée par les importations américaines. Elle continue à vendre le même volume et importe la même quantité d’éthylène», confie-t-on. Dans sa note d’information lors de son introduction en bourse en 2007, cette société mentionnait pourtant une extension de ses capacités de production pour atteindre 140000 tonnes en 2012.
Une étude mettait déjà en doute l’avenir de la Snep
Dans son argumentation face à la Snep, la fédération revient notamment sur l’«Etude stratégique de développement du secteur des industries chimiques et parachimiques» réalisée par le cabinet américain AT Kearney et remise en décembre 2009. Cette dernière est claire : «En raison de la concurrence croissante des importations de PVC à coût marginal, conjuguée à la faiblesse structurelle de la compétitivité de la production de PVC locale, la part de marché de la production marocaine, qui atteint actuellement 70%, pourrait très fortement diminuer d’ici 2020 […] Dans de telles conditions, et sans aucune action correctrice, l’avenir de la filière marocaine de production de PVC est assez assombri». Si l’étude évoque la possibilité de mettre en place des mesures de protection, elle précise néanmoins que «cette stratégie resterait toutefois purement défensive et limiterait de fait le potentiel d’augmentation de la capacité de production de PVC». Autrement dit, appliquer une taxe supplémentaire sur le PVC américain ne résoudra probablement pas les difficultés que connaît la Snep. «La fédération est consciente qu’il faut protéger la Snep», mais considère qu’il y a «d’autres moyens comme la réduction du coût de l’énergie», conclut le vice-président de la FMP.
Contactée par nos soins, la direction de la SNEP n’a pas réagi à l’heure où nous mettions sous presse. Dans ce contexte, la mise en œuvre du contrat programme du secteur signé il y a quelques mois pourrait bien être remise en cause.
