Affaires
Médicaments génériques : bientôt des tests obligatoires pour prouver leur efficacité
Les tests ne concernent que les médicaments sous forme solide, dite forme sèche. Les professeurs chercheurs veulent des précisions sur les organes chargés d’effectuer les essais cliniques, les délais de réalisation des tests et les procédures à effectuer.
Réclamé pendant longtemps par les médecins à Yasmina Baddou, prédécesseur de l’actuel ministre de la santé, le projet de décret relatif à la bioéquivalence des médicaments génériques est sorti du Secrétariat général du gouvernement pour être mis dans le circuit d’adoption. S’inscrivant dans le cadre de l’application des dispositions de la loi 17-04 portant code de la pharmacie et du médicament, ce projet de décret permettra au Maroc d’opérer la mise à niveau de sa réglementation des génériques. Ces médicaments, rappelons-le, sont au centre de la politique nationale du médicament que le ministère de la santé entend mettre en place en vue de maîtriser ses dépenses dont 37% portent sur les médicaments.
C’est donc une avancée juridique majeure puisque le projet impose l’obligation de la bioéquivalence à tout laboratoire, qu’il soit producteur ou importateur, souhaitant mettre sur le marché un produit générique. La bioéquivalence d’un générique par rapport au princeps (molécule-mère) est exigée pour l’octroi d’une Autorisation de mise sur le marché (AMM). En termes simples, cela veut dire qu’il faut apporter la preuve que le médicament générique en question présente la même efficacité thérapeutique que celle du princeps. Il faut toutefois souligner que l’obligation du test ne concerne que les médicaments solides, dits formes sèches.
Environ 200 000 DH pour faire un test
Pour les professeurs chercheurs, le décret a le mérite de donner une définition de la bioéquivalence et fixe les critères scientifiques justifiant la dispense des études tests pour certains produits. Cependant, ils estiment que «plusieurs détails importants doivent être précisés dans les textes d’application», notamment les organes chargés d’effectuer les essais cliniques, les délais de réalisation des tests et les procédures à effectuer. Ils soulignent par ailleurs les failles du projet de décret qui «ne fait pas référence à la méthodologie des tests de bioéquivalence et celle des calculs statistique et expérimental». Ces mêmes chercheurs font remarquer que le texte «ne précise ni la qualité des experts devant faire les tests ni le nombre de volontaires sains et ne prévoit les tests que pour le premier lot de fabrication». A leur avis, les tests doivent se faire dans les hôpitaux et les laboratoires de pharmacologie. Ils soulignent aussi que les essais se font sur un groupe de 25 volontaires sains et doivent durer en moyenne deux mois au terme desquels sont dégagés les résultats de biologie médicale.
Les chercheurs précisent enfin que l’obligation de la bioéquivalence si elle est «une grande avancée, elle n’est pas suffisante à elle seule». Pour qu’elle réponde aux attentes, le contrôle de qualité des matières premières et l’inspection régulière des sites de production doivent être des impératifs.
Pour leur part, les pharmaciens, qui ont toujours réclamé la bioéquivalence, réclament aussi que des mesures d’accompagnement à la mise en œuvre du projet de décret sur la bioéquivalence soient adoptées. Leur requête porte principalement sur l’octroi du droit de substitution aux pharmaciens et le réaménagement de leur marge, deux mesures qui pourraient booster les ventes de génériques. Ces derniers, selon les statistiques sectorielles, représentent globalement 30% du marché du médicament. Mais, précisent les pharmaciens, «si l’on tient compte des ventes de médicaments sans ordonnance, donc sur conseil du pharmacien, la part des génériques peut atteindre 50% du marché». Le Maroc est, selon les pharmaciens, à la traîne par rapport aux autres pays. En France, les officines peuvent substituer jusqu’à 78% de l’ordonnance et aux Etats-Unis ce taux est de l’ordre de 80%.
Outre le droit de substitution, les pharmaciens estiment que les pouvoirs publics doivent prévoir une marge plus élevée pour les génériques à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays. De plus, ils soulignent que la bioéquivalence entraînera une hausse du prix du générique dans la mesure où le laboratoire fabricant devra supporter les frais des essais qu’il doit amortir. Selon les estimations des professeurs chercheurs, le coût d’un essai est de l’ordre de 200 000 DH. Si son prix, aujourd’hui 30 à 40% moins cher que le princeps, augmente le générique, sera-t-il toujours intéressant pour les citoyens ? Et permettra-t-il au ministère de la santé de maîtriser la dépense médicament ?