Affaires
Mauvaise campagne pour le poulpe
Les quotas de pêche n’ont été atteints qu’à hauteur de 59 %
La rareté de la ressource et les coûts des sorties en mer expliquent les résultats mitigés.

Lasaison de la pêche au poulpe, ouverte en juin pour quatre mois d’activité, a été, dans sa globalité, décevante. Selon les dernières statistiques disponibles, le quota global fixé à 9 000 tonnes tous segments confondus n’a été réalisé qu’à hauteur de 59%. Ce pourcentage cache cependant d’importantes disparités entre les trois segments de cette activité.
Ainsi, les armateurs hauturiers, dont le poulpe constitue l’une des principales ressources, ont été de loin les premiers à ne pas atteindre leur quota. Leurs captures ont à peine atteint 2 557 tonnes, soit 45% seulement des prises qui leur sont allouées. Les navires rattachés au port d’Agadir ont fait l’essentiel de ce volume avec 1 845 tonnes, (72 % du total). Quant aux captures déclarées par la flotte du port de Tan Tan, relevant principalement de l’OMP (Omnium marocain de pêche), elles ne représentent que 28 % du total réalisé, soit 712 tonnes.
56% de moins pour la pêche hauturière
Comparés à ceux de la même période de 2005, les chiffres de cette année montrent une chute drastique des prises de ce segment qui atteint 56 %. Que s’est-il réellement passé ?
Les versions des professionnels même de ce segment divergent. Chacun y va de son propre argumentaire. Certains évoquent de manière insistante l’état du stock. Le poulpe n’existerait pas en quantité suffisante. Les prises journalières moyennes ont été de 282 kg par bateau, «même pas de quoi couvrir les charges d’exploitation d’un navire», s’exclame un armateur.
D’ailleurs, plusieurs sociétés de pêche n’ont armé qu’une partie de leur flotte, préférant limiter la sortie en mer à quelques navires seulement, mettant ainsi à profit le principe de la transférabilité du quota entre les bateaux de la même société. C’est le cas, par exemple, de Marona, filiale de l’Ona, dont une trentaine de navires sur les 39 qu’elle compte a pris part à la course au poulpe. Le stock poulpier est-il encore une fois menacé ? Ce n’est pas ce qu’évoque un rapport récent du ministère des pêches. Il y est noté que «l’analyse des résultats de l’activité des différents segments de la pêcherie poulpière n’indiquant pas de situation critique du stock, aucune mesure d’arrêt de la pêche ne paraît justifiée dans l’immédiat». Pour approfondir les données, l’INRH (Institut national des ressources halieutiques) compte entamer, dans les prochains jours, une campagne d’évaluation de l’état des ressources en poulpe afin de fixer la date d’ouverture de la prochaine saison de lapêche qui, habituellement, intervient au mois de décembre, après un arrêt biologique devant couvrir les mois d’octobre et de novembre prochains.
Absence d’observateurs scientifiques à bord des bateaux
Mais l’état du stock est-il le seul élément qui explique cette situation ? Un officier de la pêche hauturière livre son témoignage, apportant ainsi de nouveaux éléments compromettants, cette fois-ci, pour les sociétés de pêche. Selon cette version, les quotas individuels par société de pêche ont produit l’effet inverse en matière de préservation de la ressource. Les sociétés de pêche s’adonnent, selon lui, à la sélection de la taille du poulpe capturé. «Ce qui est débarqué n’est pas effectivement ce qui est pêché. Les prix des céphalopodes varient en fonction de leur taille. Les prises de petites tailles sont automatiquement rejetées en mer», affirme-t-il. Cette situation, selon Abderrrahmane Elyazidi, secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière, est valable aussi bien pour la pêche hauturière que pour la côtière et l’artisanale. «Elle est la conséquence du quota individuel et est aussi due à l’absence d’observateurs scientifiques à bord des bateaux».
De leur côté, les pêcheurs côtiers ne sont pas mieux lotis. Leur quota n’a été réalisé qu’à hauteur de 34,2% avec 342 tonnes vendues à 18,5 millions de DH. Cependant, les armateurs ont pu, en ciblant d’autres espèces, compenser en partie leurs pertes.
Le dernier segment, l’artisanal, a été le seul à réaliser pratiquement la totalité de son quota, dépassant même de 1 % le total qui lui est alloué (2 340 tonnes). Le chiffre d’affaires des 3 142 barques opérationnelles dans les sites du sud a atteint 100,41 MDH. Le poulpe continue à rapporter, même en petites quantités. Le kilogramme s’est arraché dans les halles des villages de pêcheurs gérées par l’ONP (Office national des pêches) à un prix moyen de 43 DH avec un pic de 55 DH. Un cours satisfaisant quand on sait qu’à l’export il rapporte 7 000 dollars la tonne, soit environ 63 DH/kg.
Dans tous les cas, les autorités du secteur devront tirer des leçons des résultats des trois dernières années du plan d’aménagement poulpier. Ce dernier, entré en vigueur en juillet 2004, arrivera à terme en avril 2007. Des réglages s’imposent pour l’élaboration du prochain plan afin d’éviter les imperfections de l’actuelle matrice.
