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MasterCard s’intéresse à  la distribution des aides sociales publiques

Le dialogue vient d’être entamé avec le gouvernement. L’activité de la multinationale du paiement électronique a été impactée entre 2010 et 2011 par la crise et le Printemps arabe. Elle veut segmenter le marché pour toucher tous les types de clients.

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Faissal Khdiri MasterCard 2014 04 30

Ouvert depuis 2006, le bureau casablancais de MasterCard, dirigé par Faissal Khdiri (sur la photo), gère les opérations de 24 pays, de l’Afrique du Nord à l’Afrique de l’Ouest en passant par l’Afrique Centrale mais aussi Cap-Vert et Djibouti. En 2013, près de 40 milliards de transactions ont été traitées par le système MasterCard à partir des 2,2 milliards de cartes, ce qui représente 3,7 trillions de dollars d’achats. La marque est présente dans 210 pays et acceptée chez 35,2 millions de commerçants.

Quelle est l’évolution de votre activité au Maroc ?
Nous avons été légèrement impactés entre 2010 et 2011 par la crise et le Printemps arabe, principalement sur les activités d’acquisition liées aux touristes étrangers qui viennent au Maroc. Au 1er trimestre 2014, notre activité, représentée par le volume des achats par cartes, a enregistré une progression à deux chiffres. Notre base n’est pas très large pour le moment au Maroc ; mais nous sommes en train de gagner des programmes qui nous permettrons de l’améliorer. Au niveau des programmes de masses, lorsqu’une institution financière commence à émettre des cartes de débit, il est plus difficile pour elle de changer la marque car l’objet principal de cette carte est de donner à son titulaire accès à son compte bancaire. C’est pourquoi il y a un travail de segmentation à faire afin d’offrir le bon produit au bon segment ; c’est là où MasterCard peut faire la différence de par son indéniable position de leader en matière d’innovation. D’autre part, notre département Advisor peut assister nos clients à faire ce travail de segmentation dans les règles de l’art. Pour nos clients, c’est également l’opportunité de rééquilibrer leur portefeuille.

Que représente pour vous le potentiel du marché marocain ?
Les statistiques globales montrent que près de 10 millions de cartes bancaires circulent au Maroc, tous types de cartes confondus, mais je pense que beaucoup sont inactives. Il y a environ 30000 points d’acceptation, sachant là aussi que seulement 50% environ sont actifs. Avec un niveau d’acceptation aussi limité, il n’est pas aisé de dématérialiser les espèces qui circulent. Tout le monde ne va pas faire ses courses dans les grandes surfaces. Le potentiel est donc énorme, surtout que 93% des transactions enregistrées sur les cartes actives sont des opérations de retrait. Or, l’objectif in fine pour toutes les parties prenantes dans cet écosystème des moyens de paiement électroniques est l’accroissement de l’usage auprès des commerçants. Pour qu’il y ait une démocratisation de cet usage au Maroc, et en général dans la zone que je chapeaute, il faudrait que le petit commerçant puisse accepter ce moyen de paiement. Les banques aussi ont un intérêt à voir une dématérialisation de ces moyens de paiement ; elles profiteraient de plus de liquidités pour donner des crédits. De la même manière, le gouvernement recevrait un peu plus de recettes fiscales qui lui permettraient d’investir davantage pour un développement économique sain et durable. MasterCard se focalise aussi sur la distribution des aides sociales du gouvernement grâce au paiement électronique, qui représente une opportunité énorme.

Comment cela pourrait-il s’appliquer ?
Au Maroc, on parle beaucoup de la Caisse de compensation, mais aussi du programme Tayssir d’aide à la scolarité et du programme du Ramed. Le traitement, la gestion et l’administration de ces services publics pourraient être réalisés de manière plus efficace et moins coûteuse s’ils étaient automatisés à travers, par exemple, des programmes de cartes qui seraient distribuées aux bénéficiaires à l’instar de ce que nous avons développé depuis 2010 en Afrique du Sud avec l’Agence de la sécurité sociale sud-africaine. Celle-ci distribue toutes sortes d’aides sociales et nous avons lancé avec eux une carte multi-applicative qui permet aux porteurs de payer comme de bénéficier de plusieurs services. Ce programme a permis à l’Agence de sécurité sociale sud-africaine de faire des économies s’élevant à 375 millions de dollars sur 5 ans. Nous discutons avec les autorités marocaines pour les sensibiliser aux avantages de ces systèmes. Nous croyons que tout le monde a le droit et devrait avoir la possibilité de participer à la croissance économique de son pays de manière formelle. Pour cela, il faut que toute la population rentre dans l’économie organisée et le moyen est de le bancariser. Bancariser coûte cher. C’est là que les technologies de paiement peuvent apporter ce service financier à moindre coût. Au Maroc, on estime la population bancarisée à 60% environ.

A vous écouter, vous avez développé beaucoup d’innovations intéressantes dans le reste de l’Afrique. Le Maroc serait-il moins réceptif à ces mêmes innovations ?
Tout développement, in fine, est le fruit de la volonté d’hommes et de femmes. Peut-être que nous n’étions pas au bon moment au bon endroit. Mais nous envisageons de proposer au Maroc, et en particulier au gouvernement marocain, nos différents services à partir du moment où ça peut améliorer la vie des citoyens à moindre coût. Ce n’est pas une question d’échec ou d’attitude non réceptive à ce type de technologie. Nous venons juste de commencer notre dialogue avec le gouvernement. Des événements comme Cartes Afrique aideront justement à voir concrètement ce qui se fait dans ce domaine.  

En quoi le manque de confiance des Marocains est-il un obstacle pour vous ?
Si les Marocains ont confiance dans le cash, c’est parce qu’il y a le sceau de la Banque centrale qui garantit la contre-valeur des espèces. Il faut un accompagnement de la société et des parties prenantes, et des banques d’abord, car ils sont la première interface avec le client, puis des systèmes de paiement internationaux, pour expliquer aux consommateurs que perdre sa carte, c’est perdre un bout de plastique et non pas un compte en banque. Effectivement, si le porteur tarde à déclarer la perte d’une carte, cela augmente les risques d’opérations frauduleuses. Il y a plusieurs règles à respecter mais c’est une question d’éducation.

Quelles sont vos clientèles cibles au Maroc ?
Dans notre stratégie, nous visons d’abord la masse. Nous commençons à démocratiser l’image de MasterCard qui a parfois la réputation d’être trop haut de gamme. A titre d’exemple, le programme des cartes prépayées Wajda, lancé par Attijariwafa bank, est un bon exemple de notre effort de démocratisation. Nous faisons des campagnes pour accroître le désir d’acquérir et d’utiliser les cartes MasterCard. Nous visons aussi le segment «Premium» qui utilise massivement les cartes, avec notamment la Titanium de la Banque Centrale Populaire et que nous sommes justement en train de promouvoir.
L’entreprise aussi nous intéresse. Il n’y a pas beaucoup d’institutions financières qui émettent des cartes Corporate répondant aux problématiques des entreprises. Ces dernières n’ont pas besoin de services comparables à ceux des consommateurs. Ils préféreront des services qui les aident à mieux gérer et contrôler leurs budgets, comme la carte MasterCard Corporate et Corporate Exécutive lancées par le Crédit du Maroc. Une entreprise veut par exemple que le relevé de compte reflète les détails des billets d’avion ou des hôtels que son employé a réglés avec sa carte et non pas juste la date, le nom du commerçant et le montant. Le gouvernement bien sûr fait également partie de notre stratégie. A noter que chez MasterCard, c’est le segment «Premium» qui représente le plus important volume d’achats par carte. Les statistiques montrent d’ailleurs qu’en moyenne la carte MasterCard est beaucoup plus utilisée pour les achats que les autres types de cartes.
n Les banques marocaines ne proposent pas toutes les cartes MasterCard ni toute votre gamme de produits. Comment pouvez-vous changer cela ?
Notre objectif et notre démarche, c’est de travailler avec les banques et faire en sorte de pouvoir segmenter leur clientèle de manière optimale, et offrir à chacun de ces segments le produit qui lui convient. Il y a d’énormes opportunités et on essaie de travailler avec les diverses parties prenantes de l’écosystème pour développer les solutions qui répondent aux besoins de ce marché-là. Comme je le disais plus tôt, nous avons également notre Division Advisor pour accompagner le client.

Quelles sont les innovations technologiques que MasterCard apporte dans le paiement électronique ?
La fraude se passe essentiellement sur Internet. Pour la combattre, nous avons lancé des solutions au-delà de la technologie 3D Secure. Nous avons par exemple repris la technologie du One-Time Password (OTP), un token, généralement sous forme de petit porte-clés où un écran fait apparaître un code à 6 chiffres, et l’avons mis sur une carte. A chaque transaction, j’appuie sur un bouton présent sur la carte et le code OTP apparaît et je peux finaliser ma transaction. Cette technologie a explosé en Turquie ou en Asie du Sud-Est. En 2012, nous sommes allés plus loin en mettant au point la Display Card qui dispose d’un clavier tactile à 10 chiffres : le porteur pianote un code PIN pour connaître le code OTP. Avec cette carte, la fraude sur Internet est presque impossible.

Votre valeur ajoutée par rapport à vos concurrents ?
Nous avons le centre de traitement le plus sophistiqué au monde : celui-ci traite une demande d’autorisation en moins de 13/100e de seconde de n’importe quel point du monde à n’importe quel autre. En complément d’un réseau dit «étoilé», nous disposons d’environ 1 300 mini-hub dans le monde, interconnectés les uns aux autres et qui font qu’une demande d’autorisation va prendre le parcours le plus rapide ; même notre système de back-up a son propre
back-up.
Nous avons également un service à l’échelle mondiale, baptisé MasterCard Global Service, service d’assistance aux porteurs accessible par téléphone gratuitement dans 80 pays. Nous pouvons par exemple remplacer une carte dans les 24h, même à l’étranger. Enfin, nous offrons le service Priceless Cities qui permet au porteur de bénéficier d’offres privilégiées dans de nombreuses villes dans le monde. Nous sommes actuellement en train d’étoffer notre offre au niveau de Priceless Africa et Priceless Arabia, qui inclut le Maroc.