Affaires
Maroc : Le déficit du compte courant double et dépasse 8% du PIB
A lui seul, le déficit du commerce extérieur dépasse les recettes totales des exportations. Les matières premières ont fait exploser les importations : facture énergétique en hausse de 32.7%, + 48.3% pour le blé et +46% pour le sucre.
Un mélange de satisfaction et d’inquiétude : c’est ainsi que l’on peut qualifier la situation globale des échanges extérieurs du Maroc en 2011. Satisfaction, parce que malgré la déprime des marchés destinataires des exportations marocaines, celles-ci ont tout de même progressé de 13,1%, à 169,2 milliards de DH. Inquiétude en même temps, car le déficit global du commerce extérieur a tout simplement dépassé les recettes des exportations, en s’établissant à 185,5 milliards de DH, soit une augmentation de 25,2% par rapport à 2010. En cause, l’accroissement des importations à un rythme plus élevé (+19,1%, à 355 milliards de DH) que les exportations. Ce faisant, le taux de couverture des importations par les exportations, déjà faible, a encore perdu 2,2 points, en revenant de 50,2% en 2010 à 48% en 2011.
Les implications d’un tel niveau de déficit sont très lourdes : même si les chiffres concernant le compte courant et la balance des paiements, pour le quatrième trimestre, ne seront connus qu’à la fin du mois de mars, on peut tenir pour certain que ce compte sera lourdement déficitaire, entraînant ainsi un déficit de la balance des paiements et donc, encore une fois, une ponction substantielle sur les réserves de changes.
La balance des paiements dégagerait un déficit pour la quatrième année consécutive
Déjà à fin septembre, le compte des transactions courantes avait accusé un déficit de 42,3 milliards de DH. Avec l’état des statistiques sur les échanges extérieurs, maintenant disponibles pour l’ensemble de l’année, il est clair que l’on s’achemine vers une cinquième année consécutive de déficit du compte courant et une quatrième pour la balance des paiements. Et ceci malgré la bonne tenue des recettes MRE qui ont progressé de 7,4%, à 58,5 milliards de DH, et la «résistance», pour ainsi dire, du secteur touristique dans un contexte difficile, en générant une recette de 58,8 milliards de DH, en hausse de 4,3%.
Compte tenu du comportement de ces deux rubriques -celle des revenus étant structurellement déficitaire- le déficit du compte des transactions courantes pour l’année 2011, selon les estimations de La Vie éco, devrait approcher les 70 milliards de DH, soit plus de 8% du PIB de 2011 (estimé) au lieu des… 4,3% prévus en début d’année. Moyennant quoi, et quelles que soient les réalisations du compte de capital et d’opérations courantes, la balance des paiements, encore une fois, sera déficitaire.
A coup sûr, l’année 2012 verra ainsi apparaître une pression supplémentaire sur les liquidités bancaires, précisément en raison du rétrécissement du niveau des réserves de changes. Faudra-t-il alors, pour continuer à financer l’économie-car, c’est de cela qu’il s’agit-recourir à l’endettement extérieur ? Nul ne l’imagine pour l’instant, non pas tant par manque de besoins, mais surtout en raison de l’instabilité des marchés financiers internationaux. Il reste que pour le gouvernement qui vient de s’installer, cette question sera une épine de plus (avec celles des finances publiques) dans son pied, et l’on se demande bien comment il compte y faire face. D’autant que les principaux partenaires commerciaux du Maroc, c’est-à-dire essentiellement l’Europe, sont en train de réviser un à un leurs prévisions de croissance à la baisse.
Déjà en 2011, les exportations marocaines ont beaucoup souffert de la crise qui frappe l’Europe. Et si elles ont progressé de 13,1%, c’est en réalité grâce aux performances des phosphates et dérivés, dont on sait que leur destination principale n’est justement pas l’Europe. Et, en effet, les exportations des phosphates ont augmenté de 39,1%, à 12,5 milliards de DH, et les dérivés des phosphates de 29,3%, à 34,8 milliards de DH. Autrement dit, les produits des phosphates, à eux seuls, ont représenté près de 30% des exportations totales ; d’où l’impact positif de leur amélioration sur les recettes globales.
Pour le reste des produits à l’export, c’est plutôt la stagnation et, dans certains cas, la baisse (voir encadré).
Pendant ce temps, les importations explosent, dopées notamment par la facture énergétique qui a augmenté de 32,7%, à 90,86 milliards de DH. Les produits alimentaires ont également lourdement pesé dans la balance : +48,3% pour le blé, à 11 milliards de DH, + 45% pour le sucre, à 4,8 milliards et +27% pour le maïs, à 4,76 milliards de DH.
Face à un tel tableau, il reste à espérer que les caprices de la météo ne viennent ajouter de la complication à une situation déjà passablement compliquée.