Affaires
Maroc : Le chômage baisse… grà¢ce à l’informel !
137 000 emplois nets, en moyenne, sont créés chaque année entre 2000 et 2013.
Parallèlement, quelque 180 000 personnes arrivent annuellement sur
le marché du travail. La croissance est nécessaire mais insuffisante pour générer des emplois en quantité et en qualité.

Entre 2000 et 2013, l’économie marocaine a créé en moyenne 137 000 emplois par an. Pendant ce temps, 180 000 personnes sont arrivées chaque année sur le marché du travail. Il y a donc un déficit de 43 000 emplois rien que pour stabiliser le taux de chômage.
Et si, malgré tout, le chômage a baissé entre ces deux dates de 4,2 points, en passant respectivement de 13,4% à 9,2%, c’est parce que, il faut bien le dire, deux phénomènes en particulier y ont contribué: la baisse du taux d’activité des femmes, d’une part, et le développement des activités informelles, d’autre part. En 2000, le taux de participation des femmes était de 28,1%; il retombe à 25% en 2013, selon les données du Haut commissariat au plan (HCP) relatives au marché du travail. Juste pour se faire une idée sur les taux d’activité des femmes à travers le monde, il faut savoir qu’il est de quelque 65% en Europe et de 70% en moyenne dans l’Afrique sub-saharienne. En fait, les taux d’activité des femmes les plus bas sont enregistrés dans les pays arabo-musulmans, avec une exception pour le Qatar (51%) et le Koweït (43%), deux pays abritant des populations étrangères en nombre, en particulier dans le premier cas.
Mais plus que le taux d’activité des femmes, la «prospérité» pour ainsi dire des activités informelles est le phénomène qui semble avoir pesé le plus sur la régression du taux de chômage au Maroc.
Selon le diagnostic du ministère de l’emploi et des affaires sociales élaboré dans le cadre de la formulation de la Stratégie nationale de l’emploi (SNE), la baisse du taux de chômage observée depuis une dizaine d’années cache une réalité : de plus en plus de travailleurs se réfugient dans le secteur informel, avec des revenus plus faibles, des emplois plus vulnérables et moins protégés. Du fait que le secteur public offre de moins en moins d’emplois et que le secteur privé ne peut absorber toute l’offre de travail, l’informel est ainsi devenu un secteur refuge. Du coup, il y aurait une relation de cause à effet entre la baisse du chômage et le développement de l’informel : l’emploi dans le secteur informel a augmenté avec la baisse du taux de chômage. D’où le poids de l’informel dans l’économie nationale. Ainsi, le secteur informel pèse 14% du PIB, soit, sur la base du PIB de 2013, 122,2 milliards de DH. Il fournit 37% des emplois non agricoles : 81% dans le commerce, 34% dans l’industrie, 18% dans les services et 17% dans le BTP (sans doute bien davantage dans la filière bâtiment). Seulement 16% de l’ensemble des travailleurs du secteur informel sont des salariés.
Une hausse du PIB de 1 point crée 30 000 emplois
En réalité, la précarité ne caractérise pas seulement l’emploi dans l’informel. L’emploi dans le rural est tout aussi précaire et vulnérable. Et en effet, si le chômage en milieu rural n’est que de 4% en 2013, le sous-emploi y est plus élevé (10%) qu’en milieu urbain (8,4%). Surtout, 40% des emplois en milieu rural sont des emplois non rémunérés, contre 4% en milieu urbain. Ces activités non rémunérées dans le rural sont occupées par 78% des femmes actives et 68% des jeunes de moins de 25 ans. Le salariat n’y est que de 24% contre 65% en milieu urbain.
Il en résulte, globalement, que moins de 20% des actifs occupés, au niveau national, ont une couverture médicale en 2012. Par statut professionnel, le taux d’affiliation des salariés (pas de tous les travailleurs) à un système de couverture médicale est de 40% ! 60% de la population active occupée n’a pas de contrat de travail, et 17% des actifs occupés désirent changer d’emploi…
Tout cela pour dire qu’au Maroc, il y a une faible corrélation entre croissance économique et création d’emplois ; surtout des emplois de qualité. Ce qui veut dire que la croissance est certainement une condition nécessaire, mais sans doute insuffisante pour créer des emplois en quantité et en qualité à la mesure des attentes. Les statisticiens disent qu’au Maroc, lorsque le PIB augmente de 1 point, il génère la création d’environ 30 000 emplois. C’est clairement insuffisant au regard de l’offre de travail, dont on a déjà dit qu’elle augmentait en moyenne annuelle de l’ordre de 180 000 personnes.
C’est pourquoi il devient plus qu’évident que s’attaquer à la problématique du chômage et de l’emploi précaire, c’est nécessairement prendre des mesures volontaristes ayant trait à la valorisation du capital humain, au développement des programmes actifs de l’emploi et de l’intermédiation du marché du travail, à la territorialisation de la politique de l’emploi, entre autres.
