SUIVEZ-NOUS

Affaires

Maroc : Fort ralentissement des activités non agricoles

Porté par l’agriculture, le PIB a crû de 4% au deuxième semestre au lieu de 3.8% au premier. La reprise du commerce mondial semble profiter aux exportations marocaines. Le BTP poursuit sa descente aux enfers. La croissance ne devrait pas dépasser 4.4%, selon le HCP.

Publié le


Mis à jour le

Maroc non agricole 2013 08 05

Légère amélioration de la conjoncture au deuxième trimestre de l’année en cours : 4,3% de croissance, au lieu de 3,8% au premier trimestre, indique la dernière note du Haut commissariat au plan (HCP). Sur les deux trimestres (janvier-juin), la progression du PIB serait de 4,05%, selon nos calculs.

Bien sûr, c’est l’agriculture qui a le plus contribué à cette croissance (+2,8 points) ; ce n’est pas une raison, cependant, pour…bouder son plaisir. D’abord, parce que l’agriculture, quand elle se porte bien, et c’est le cas, impacte positivement nombre d’activités du tertiaire, comme le transport et le commerce. Ensuite parce qu’au troisième trimestre, pronostique le HCP, l’amélioration de la conjoncture se maintiendrait avec une croissance de 4,2%. Surtout, le prochain trimestre devrait voir se redresser quelque peu l’activité hors agriculture avec une hausse prévue de 2% au lieu de 1,8% au deuxième trimestre et 1,9% au premier. Malgré tout, sur l’ensemble de l’année 2013, la croissance ne devrait pas dépasser 4,4% selon le HCP, qui modifie ainsi légèrement à la baisse son estimation livrée le mois de juin dernier lors de la publication du Budget économique exploratoire 2014 et qui était alors de 4,6%.

Un taux de 4,4% donc, ce n’est pas si mal. Mais outre qu’elle est favorisée par l’agriculture, elle profite également de l’effet de base puisqu’en 2012, rappelons-le, la croissance avait été seulement de 2,7%, portée exclusivement par les activités non agricoles (+4,5%), tandis que l’agriculture enregistrait, elle, carrément une baisse de sa valeur ajoutée (-8,9%).

Est-ce que la conjoncture s’éclaircira davantage au cours du second semestre de l’année? Difficile à dire. Une chose paraît évidente : la reprise se confirme dans les économies avancées ; surtout, la zone euro, partenaire du Maroc, sort de la récession après six trimestres consécutifs de baisse (d’octobre 2011 à mars 2013). Est-ce que cela va générer un surcroît de demande à l’adresse de l’économie marocaine au cours des mois à venir, comme d’ailleurs cela semble s’esquisser dans les échanges extérieurs de la première moitié de l’année ? Oui, selon le HCP. A fin juin déjà, le déficit commercial s’est allégé de 5,3%. La raison en est que les importations avaient baissé de manière relativement importante (-3,2%), alors que les exportations s’étaient quasiment maintenues à leur niveau de la même période de 2012 (-0,9%), malgré une baisse des exportations de phosphates, suite notamment au repli des cours sur le marché mondial. Autrement dit, l’érosion qui a touché les importations n’a pas concerné les exportations, ou alors de façon marginale. Celles-ci avaient bénéficié en particulier d’une nette poussée des exportations automobiles (+17,6%), de l’industrie aéronautique (+24,7%) et de l’industrie alimentaire (+14,2%), profitant ainsi de la reprise (+2,3%) du commerce mondial.

Et si cette tendance se poursuivait, c’est-à-dire, d’un côté, une amélioration des exportations, et, de l’autre côté, une baisse des importations grâce notamment au repli des prix du pétrole et des autres matières premières agricoles, le déficit commercial s’allègerait alors plus substantiellement. Le HCP, rappelons-le, avait déjà indiqué cette orientation des échanges extérieurs en juin dernier, ce qui l’avait conduit à estimer le déficit du compte courant de la balance des paiements à un niveau sensiblement inférieur (-6,8%) par rapport à celui enregistré en 2012 (-10%). Dans ce résultat, il n’y a pas que les échanges de marchandises, il y a aussi ceux des services ainsi que les transferts courants. Cela veut dire que le HCP anticipe une amélioration à ce niveau. Et les statistiques disponibles jusqu’ici semblent corroborer cette orientation. Ainsi, sur les six premiers mois de l’année, celles de l’Office des changes montrent que les recettes touristiques ont augmenté de 2,1% à 25,3 milliards de DH, tandis que les envois des Marocains résidents à l’étranger (MRE) stagnent à 26,8 milliards de DH. Les recettes des investissements directs étrangers, pour leur part, ont augmenté de 27,2% à 21,84 milliards de DH.

Donc, clairement, sur le front extérieur, il y a une amélioration qui se dessine même si elle ressemble encore à un léger frémissement.

Crédits aux promoteurs immobiliers : -0,7%

Sur le plan interne, en revanche, la situation est plutôt mitigée. L’activité hors agriculture, et c’est le plus important en termes d’emplois et de recettes fiscales, n’est pas bonne : avec 1,8% de croissance au deuxième trimestre (1,85% sur le 1er semestre), il faut revenir quatre ans en arrière pour trouver…pire (voir graphe). C’est que certaines activités du secondaire, notamment les mines et le bâtiment, enregistrent de telles contre-performances qu’elles brident forcément le comportement global du secteur hors agricole. C’est le cas en particulier des activités de construction (voir en page 32) dont la valeur ajoutée aurait baissé de 3,6% au deuxième trimestre, après une baisse de 5,9% au premier. Conséquemment, les ventes de ciments, après une baisse de 12% au premier trimestre, poursuivent leur chute au deuxième (-4,1%). Cette crise du BTP, qui frappe davantage le bâtiment que les travaux publics, apparaît également dans les statistiques de Bank Al-Maghrib relative à la distribution des crédits. A fin juin, en effet, les crédits aux promoteurs immobiliers ont augmenté d’un petit 1,3% par rapport à fin décembre 2012 et baissé de 0,7% par rapport à juin 2012. Nous sommes bien loin des progressions à deux chiffres d’il y a quelques années. Pour les acquéreurs, les crédits bancaires ont augmenté de 4,6% par rapport à fin décembre 2012 et de 9,1% en glissement annuel (juin 2012). Là aussi, le ralentissement est net par rapport aux niveaux de progression des années antérieures. «Il faudrait une sorte de plan Marshall pour relancer le secteur», estimait il y a quelques semaines le président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics (FNBTP), Bouchaib Benhamida.

La crise du BTP ne pouvait pas ne pas déteindre sur l’industrie, en particulier sur les activités qui lui sont liées, comme celles des matériaux de construction. C’est ainsi que malgré les hausses dans l’agroalimentaire (+7,8%) et la chimie et parachimie (+3,4%), la valeur ajoutée industrielle globale n’a progressé que de 1,9% ; ce qui est déjà pas mal par rapport au premier trimestre (+0,5%), mais insuffisant pour sortir le secteur industriel du ralentissement dans lequel il est plongé depuis la fin de l’année 2011.

Les activités du tertiaire, elles, poursuivent leur évolution positive observée au premier trimestre. La valeur ajoutée des activités touristiques, par exemple, a augmenté de 4,7% au deuxième trimestre (en variation annuelle), après une augmentation de 3,7% au premier trimestre. Idem pour le commerce et le transport qui ont bénéficié des retombées de la bonne campagne agricole.

Pour autant, les activités hors agricoles, globalement, sont en net ralentissement, et cela devrait être la marque de cette année 2013. La dernière estimation du HCP situe la valeur ajoutée des activités non agricoles à 2,1% pour l’ensemble de l’année 2013, au lieu de 3,1% annoncé il y a quelques semaines…