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Maroc-CEDEAO : les conditions sont réunies pour augmenter les échanges et la croissance

L’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Maroc en Afrique subsaharienne. Les besoins en consommation privée et en investissements sont énormes. Les exportations à destination de la CEDEAO devraient augmenter à deux chiffres.

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Plus que quelques jours pour l’officialisation de l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). L’annonce est attendue lors du prochain sommet de l’organisation prévu le 16 décembre à Lomé. Selon des sources officielles, la démarche de l’adhésion du Maroc est sur la bonne voie et les pourparlers entre les 15 membres de cette communauté ont permis d’observer une convergence des points de vue par rapport à la demande d’adhésion exprimée par le Souverain le 24 février 2017. Un accord de principe a d’ailleurs été donné le 4 juin à Monrovia, au Libéria.

Concrètement, l’adhésion du Maroc à ce groupement régional concernera la libre circulation des biens, des services, des capitaux mais aussi des personnes. Quels enjeux économiques recèle-t-elle et quel est le potentiel en matière de développement des échanges commerciaux ?

Selon le rapport 2017 de l’Office des changes, l’Afrique de l’Ouest est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Maroc en Afrique subsaharienne. Les exportations à destination de l’Afrique de l’Ouest ont triplé depuis 2008, passant de 3,2 milliards de DH à 10,2 milliards en 2016. Entre 2011 et 2015 (dernières données disponibles), les investissements directs marocains en Afrique de l’Ouest ont quant à eux quintuplé, passant de 295 MDH à 1,6 milliard de DH, avec de fortes progressions en Côte d’Ivoire et au Mali, notamment. Des investissements portés surtout par Maroc Telecom, Attijariwafa Bank, BMCE Bank, Royal Air Maroc, et un secteur agro-industriel qui ne cesse de percer.

Le Maroc peut aussi être un bailleur de fonds

De prime abord, l’adhésion du Maroc à la Cedeao permettra aux opérateurs de mieux servir un marché de 350 millions de consommateurs. Ceci est de nature à amplifier davantage cette bonne orientation des échanges observée sur les dernières années. Pour la majorité des 15 pays de la Cedeao qui connaissent une urbanisation galopante et une croissance démographique en accélération, les besoins en termes de consommation privée et d’investissements en infrastructures sont énormes. Ceci représentera une aubaine pour les exportateurs mais également pour une bonne partie d’opérateurs présents depuis quelques années déjà sur place. «Pour avoir une idée du potentiel de cette communauté, rien que pour le Nigeria, c’est un marché de 180 millions de consommateurs avec des besoins grandissants sur tous les plans», explique Stéphane Colliac, économiste senior chez Euler Hermès.

Pour les spécialistes, l’espace commun présente deux avantages pour le développement des capacités économiques du Maroc. D’une part, les exportations à destination de la Cedeao devraient augmenter à deux chiffres, directement après l’officialisation de l’adhésion qui suppose un lourd travail d’harmonisation tarifaire, juridique et monétaire (le Maroc est prêt à adopter la monnaie de la CEDEAO). D’autre part, les industriels pourront produire dans l’espace commun grâce à des schémas de délocalisation réfléchie, et ce, quand les coûts de production augmentent localement.

Par ailleurs, si le Maroc n’a toujours pas l’expertise métiers requise pour être partie prenante des grands projets d’infrastructures à réaliser au sein de la communauté, «il a tous les atouts pour se positionner comme bailleur de fonds, étant donné les besoins de financement qui se font ressentir dans ces pays», explique l’économiste.

Cela dit, des sources ministérielles au département de l’industrie et du commerce confient que dans le cas d’une intégration du Maroc à la Cedeao, les deux parties seront contraintes de conclure des «accords asymétriques». Selon ces sources, la demande a émané de la communauté elle-même qui trouve que ces accords permettront d’équilibrer les rapports de force. L’on rappelle à ce titre l’expérience du Maroc avec les États-Unis et l’Union européenne lors de la signature d’accords de libre-échange qui n’étaient pas symétriques.

[tabs][tab title =”Questions à Stéphane Colliac, Economiste senior Afrique et France chez Euler Hermès“]

La Vie éco : Quelle lecture faites-vous de l’adhésion du Maroc à la Cedeao sur le plan économique?

Le choix du Maroc aura comme corollaire de rééquilibrer la concentration des échanges commerciaux sur les partenaires historiques dont l’Union européenne pèse environ les 2/3. Le fait d’intégrer la communauté Cedeao fera automatiquement augmenter le nombre de partenaires commerciaux, ce qui permettra au Royaume d’exporter vers de nouveaux débouchés quand la croissance de l’UE est en panne, à l’instar de ce qui s’est passé sur les trois dernières années. L’adhésion à la Cedeao positionnera également le Maroc en tant que partenaire financier et bailleur de fonds de choix dans ces pays qui sont pour la plupart dans des phases d’urbanisation galopante et d’édification d’infrastructures. Ce qui suppose des besoins de financements colossaux. Les groupes bancaires marocains auront leur mot à dire, sachant que leurs réseaux sont très bien développés en Afrique de l’Ouest.

Quels sont à votre avis les secteurs où les opérateurs marocains peuvent percer?

Au vu de l’urbanisation qui avance et de la croissance démographique, les secteurs des biens d’équipement électriques et de l’électroménager ainsi que l’automobile auront un grand potentiel en termes d’exportations. Par ailleurs, les opérateurs du textile, par exemple, pourront également percer grâce aux débouchés de l’Afrique de l’Ouest dans un premier temps, avant d’aller produire sur place dans l’espace commun. À l’instar de la Turquie ou encore la Chine, ils peuvent adopter des schémas de délocalisation de leur production dans les pays de la Cedeao quand les coûts augmentent localement pour rester compétitifs.

Avez-vous évalué l’impact de l’adhésion sur la croissance du Maroc?

A court terme, les retombées vont être micro-économiques et l’impact sur la croissance intérieure sera faible. Cela dit, nous remarquons que même s’il y a une ouverture économique, le pays ne bénéficie pas pleinement du rebond du commerce international du fait de la concentration des échanges sur les pays de l’UE. Il est difficile d’aller sur des paliers de croissance supérieurs quand on n’a pas une intégration économique avec ses voisins. Pour rattraper le retard en termes d’intégration avec les pays de l’Afrique du Nord et de l’UMA, le Maroc a bien fait de regarder vers le Sud. L’exemple des pays de l’Europe de l’Est et l’Asie Pacifique est concluant a cet égard. En étant bien intégré avec ses voisins de la Cedeao, le Maroc pourrait enregistrer des croissances de 3,5 à 4% par an.[/tab][/tabs]

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