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M. Benchaà¢boun, PDG de la BCP : « Si une banque est à  vendre, nous serions preneurs »

Le groupe maintient son rythme d’ouverture de 100 agences par an et gagne des parts de marché aussi bien dans les dépôts que les crédits. 452 000 nouveaux clients en 2011, dont 259 000 à  travers le réseau Low Income banking.

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Mohamed Benchaaboune PDG BCP 2012 03 29

Le PDG du groupe Banques populaires qui vient de tenir son 8e congrès annuel peut afficher un sourire. 10,2 milliards de DH de PNB en 2011, une situation financière solide, des risques couverts par un matelas de provisions et des parts de marché en hausse. Le groupe ne souffre manifestement pas d’un besoin de liquidité mais reste à l’affût d’opportunité de croissance, soit par alliance avec un partenaire, soit par croissance externe. Etat du secteur bancaire, situation économique, risques, stratégie… tour d’horizon.

La BCP s’apprête à ouvrir son capital dans le sens d’un partenariat pour un projet industriel. Quand vous parlez d’institutionnel étranger vous pensez à quoi, une banque, une assurance, un fonds d’investissement, un organisme international ? Un partenaire ou plusieurs ?
Cette ouverture n’a pas pour finalité de remplacer les 5 milliards de dirhams résultant de la cession de 20% de la participation de l’Etat dans le capital de la Banque Centrale Populaire au profit des Banques Populaires Régionales, bien qu’elle ait été annoncée concomitamment à cette opération. L’ouverture du capital de la Banque Centrale Populaire au profit d’un ou de plusieurs partenaires institutionnels étrangers vise, d’une part, à renforcer certains métiers sur lesquels le groupe affiche de grandes ambitions de développement, et, d’autre part, à consolider ses acquis sur ses métiers traditionnels. Partant de ces informations, vous en déduirez aisément qu’il ne peut s’agir que d’acteurs majeurs de l’industrie bancaire.

Le secteur compte 8 banques commerciales ? Trop ou peu ? Si l’opportunité de racheter une banque se présentait demain… ?
Le secteur bancaire marocain a connu plusieurs restructurations et vécu plusieurs mouvements de concentration ces dernières années, pour atteindre la taille qu’on lui connaît aujourd’hui. Il compte actuellement huit réseaux bancaires dont trois accaparent plus de 68% des dépôts de la clientèle et près de 64% des crédits à l’économie. J’estime, pour ma part, que cette situation est optimale, et permet à notre pays de disposer d’un système financier solide ayant des capacités d’intervention importantes, mais également des tailles critiques facilitant l’optimisation des coûts. Il est bien entendu que nous examinerons avec beaucoup d’intérêt toute opportunité d’acquisition d’un autre réseau bancaire, à la seule condition qu’elle ne soit pas destructrice de valeur et qu’elle ouvre de nouvelles perspectives de croissance à notre groupe.

Les banques marocaines ont levé 121 milliards de DH en certificats de dépôts, augmentations de capital et emprunts obligataires en trois ans seulement. Pensez-vous que ce trend va continuer ?
Je pense que compte tenu des besoins de financement de l’économie marocaine et du niveau de transformation observé dans le secteur bancaire, les banques marocaines vont continuer à recourir à la dette privée. Notons, toutefois, que certaines banques n’ont plus beaucoup de marges de manœuvre, puisque les gestionnaires d’actifs et les assureurs, principaux souscripteurs des instruments de dettes, doivent respecter des limites de concentration par émetteur.

Si bien que le problème de liquidité dont souffre le secteur ne risque pas d’être résolu de sitôt !
Il est devenu structurel depuis 2007 et Bank Al-Maghrib a continué à soutenir les banques en répondant pratiquement à l’ensemble de leurs demandes en matière de liquidité. L’initiative qu’elle a prise dernièrement à travers la mise en place des pensions à trois mois permet d’atténuer ce problème et surtout de réduire l’inadéquation des concours de la Banque centrale qui sont de très court terme aux emplois des banques qui sont à plus ou moins long terme. Ceci étant, la solution la plus idoine consiste à renforcer le programme de bancarisation et à adapter, de façon continue, les produits et services à même de relancer l’épargne, en particulier longue qui, comme vous le savez, n’a pas connu de développements significatifs en dépit des incitations fiscales mises en place dernièrement. A plus court terme, toutefois, je pense que le risque de liquidité ne devrait pas s’aggraver davantage en 2012.

Et en attendant ?
L’une des solutions qui pourrait valablement être envisagée pour détendre la tension sur la liquidité est le recours des entreprises marocaines de grande taille à l’endettement externe, j’entends par là la levée de la dette en devises à l’étranger. Cela aura, par ailleurs, un effet bénéfique sur l’économie nationale parce qu’il se traduira par la réorientation du financement bancaire vers le développement des PME.

Et si on supprimait la réserve monétaire obligatoire…
La réserve monétaire est un instrument de politique monétaire mise en place par la Banque centrale pour réguler justement la liquidité bancaire. Sa réduction impacte immédiatement cette liquidité puisqu’elle permet de libérer une partie des avoirs des banques marocaines auprès de la Banque centrale. C’est dans ce sens, d’ailleurs, qu’elle a été réduite à 6% actuellement. Nous estimons qu’il serait opportun de la réduire encore sachant que Bank Al-Maghrib peut, à tout moment, y revenir en cas de surliquidité. Mais encore une fois, il y a lieu de se pencher sur les moyens les plus appropriés pour apporter une réponse structurelle à un problème structurel.

Vous avez recruté 452 000 nouveaux clients en 2011. Ce ne sont pas nécessairement de nouveaux bancarisés. Combien de clients échappent encore aujourd’hui au secteur bancaire ?
Une grande majorité des clients recrutés par les Banques Populaires sont de nouveaux bancarisés. Le groupe gagne chaque année plus d’un point de part de marché dans le compartiment «Collecte de dépôts», et ce gain, qui a atteint plus de 13,7 milliards de dirhams en 2011, se fait essentiellement par l’extension du marché, notamment auprès de clients particuliers qui ont contribué à plus de 64% à cette collecte additionnelle. Tenant compte du niveau de bancarisation actuel, évalué à environ 51%, et en intégrant les bénéficiaires des prestations des institutions de microcrédit, on peut estimer à près de 9 millions, les Marocains exclus des services financiers.  

L’on comprend donc que la dynamique d’ouverture d’agences avec plus de 200 nouveaux points par an pour tout le secteur se poursuivra…
Nous avons conforté notre position de premier groupe bancaire, représenté par la Banque Centrale Populaire et 10 Banques Populaires Régionales, avec un réseau de proximité qui compte actuellement plus de 1 050 agences, soit le réseau bancaire le plus dense et le plus étendu du pays. Ce réseau est également appuyé par 400 points de distribution additionnels et quelque 1 230 guichets automatiques.
Mais ce n’est pas assez et ce constat ne s’applique pas à nous seuls, bien entendu. L’inclusion financière demeure encore inégale au Maroc. Les populations vivant en milieu rural et périurbain sont les plus touchées par l’exclusion financière. Ce phénomène s’explique, entre autres, par la répartition déséquilibrée du réseau bancaire sur le territoire du Royaume : environ 30% de la richesse nationale n’est pas couverte actuellement, essentiellement en zone rurale, et la couverture spatiale du réseau demeure marquée par la présence de nombreux «points blancs», c’est-à-dire les localités où le secteur bancaire n’est pas implanté.
En conclusion, le réseau bancaire n’est pas encore arrivé à saturation et la dynamique d’ouverture de guichets bancaires devrait se poursuivre. En tout cas et dans le cadre de notre plan moyen terme 2012-2014, nous avons maintenu notre politique d’extension du réseau à une cadence régulière moyenne de 100 agences par an pour les trois prochaines années.

Et ce low income banking, qu’est-ce qu’il a donné finalement ?
Nous enregistrons des résultats très satisfaisants. La stratégie low income banking (LIB) s’est articulée à travers la mise en place d’une offre adaptée en termes de produits et de tarification des services couplée au développement de nouveaux canaux de distribution à très faibles coûts qui tirent largement profit des avancées technologiques, notamment en termes d’infrastructures. L’ensemble de ces actions se sont traduites par la captation de 259 000 clients supplémentaire en 2011, portant le portefeuille global low income à plus de 674 000 clients.

Certains de vos concurrents ont développé un réseau spécifique concernant cette banque du «pauvre»…
Nous avons également, et depuis le début, mis en place un réseau de distribution spécifique qui d’ailleurs emprunte plus d’un canal. Ainsi, nous avons des réseaux tiers agréés par la banque en tant qu’intermédiaires en opérations bancaires. C’est le cas actuellement des 320 branches de la Fondation Banque Populaire pour le Microcrédit. Des négociations sont en cours avec d’autres réseaux partenaires pour étendre cette distribution. Le Groupe mène par ailleurs, une expérience inédite de bancarisation par l’intermédiaire d’une flotte de 7 camions mobiles qui sillonnent les souks pour apporter une offre de services financiers aux populations résidant dans des zones géographiquement excentrées. 36 souks hebdomadaires au niveau de régions pilotes comme Sidi Kacem, Sidi Bennour, Khénifra, Béni Mellal, Taza et Chefchaouen sont aujourd’hui couverts par des véhicules aménagés en espace bancaire aux format et fonctionnement allégés, offrant un service bancaire adapté à la population rurale tant en termes d’horaires que de qualité d’accueil, avec des interlocuteurs maîtrisant la culture de la région. Ce nouveau concept semble répondre réellement aux attentes de la population vivant dans le monde rural ou dans les zones géographiquement éloignées, et exclue jusque-là du système bancaire. D’ailleurs, nous pensons généraliser ce concept à l’ensemble des régions du Royaume avec des déclinaisons adaptées au contexte.

A quand une compagnie d’assurance pour la Banque populaire ?
Pour développer ses activités de bancassurance qu’il a été, je le rappelle, le premier à lancer, le groupe a envisagé plusieurs voies et moyens pour y arriver, et en a retenu deux : la création de sa propre compagnie d’assurance et l’acquisition et le contrôle d’une compagnie existante. Après un examen approfondi des opportunités qui s’offraient à nous, nous avons écarté l’option d’acquisition d’une compagnie existante parce qu’elle ne répondait pas à notre vision et à nos exigences, notamment  en matière de gouvernance. Depuis deux ans, nous nous sommes orientés vers le déploiement d’un partenariat industriel avec la compagnie d’assurance MCMA. Basé sur un partage équitable de la valeur, ce partenariat producteur–distribution, conclu entre deux réseaux mutualistes que beaucoup de choses rapprochent, commence aujourd’hui à porter ses fruits.    

Les créances en souffrance sur les entreprises et les particuliers ont particulièrement augmenté au cours de l’année 2011, comment lire cette évolution ?
L’évolution des créances en souffrance de la place en 2011 n’a pas été, à mon avis, aussi alarmante qu’on s’y attendait. Certes, elles  ont enregistré une progression, tant en nominal qu’en pourcentage, mais cette évolution a été maintenue dans des proportions acceptables.

Y a-t-il des secteurs particulièrement vulnérables aujourd’hui à propos desquels les banques sont prudentes ?
La démarche des banques à l’égard du risque est d’abord une démarche par contrepartie dont il convient d’apprécier les fondamentaux et les capacités de dégager le cash-flow suffisant pour honorer ses engagements. Dans cette démarche, nous intégrons également l’appréciation du secteur d’activité. Ceci étant, certains secteurs liés à la demande externe ont été plus impactés par la crise économique et financière internationale, tels la promotion immobilière haut standing, le tourisme ou encore le transport maritime et font preuve, aujourd’hui, d’une certaine fragilité et pour lesquels nous avons adopté, comme je l’ai dit, une démarche d’accompagnement afin de leur permettre de dépasser ce cap.

Mais vous provisionnez quand même 800 MDH pour risques généraux au niveau de vos comptes sociaux…
En 2010, nous avons effectivement constitué une provision de 800 millions de dirhams destinée à couvrir des risques non avérés aujourd’hui. Ce montant n’a pas été entamé en 2011. Il est donc encore là, pour les années à venir. Dans le cas où l’évaluation par nos spécialistes de la vulnérabilité de certains secteurs de l’économie nationale s’avérait juste, le groupe disposerait alors d’un matelas de sécurité pour y faire face. Nos spécialistes ne s’attendent pas à ce qu’un secteur spécifique connaisse en 2012 plus de difficultés qu’un autre. Il reste que les prévisions en la matière sont extrêmement difficiles à faire, parce qu’elles dépendent de plusieurs aléas.

Est-il vrai, comme le disent nombre de promoteurs immobiliers que vous avez resserré les conditions du crédit ?
La problématique de la promotion immobilière revêt plusieurs dimensions.
Tout d’abord, l’euphorie des années 2006 et 2007 a fait que les promoteurs ont envisagé simultanément un grand nombre de projets qui n’ont pu être tous menés à terme tant pour des raisons commerciales qu’administratives. De ce fait, nous privilégions la finalisation des projets en portefeuille avant d’en accompagner d’autres. Cette démarche est valable essentiellement pour le haut standing dont le rythme de commercialisation des projets est encore assez lent. En second lieu, cette euphorie a engendré également une multiplicité d’acteurs dont l’expérience et le professionnalisme ne sont pas avérés. Cette situation nous a amenés à mettre en place un système de rating des projets immobiliers et à appliquer certaines règles basiques tenant, notamment, à l’importance de l’autofinancement et aux possibilités d’écoulement des logements construits. Ceci étant, nous continuons à accompagner, de façon volontariste, les programmes de logements sociaux par exemple.

Si vous aviez à pointer des fragilités de l’économie marocaine, qu’est-ce qui vous préoccupe ?
Ce qui me préoccupe le plus, c’est encore le niveau de la dépendance de l’économie marocaine par rapport à certains éléments exogènes dont, en particulier, la pluviométrie même si la part du PIB agricole ne cesse de baisser sans oublier les secteurs à forte volatilité, à l’image du tourisme. Ces fragilités, longuement mises en cause par les agences de notation et qui impactent défavorablement la perception de la solidité des fondamentaux de l’économie marocaine, devraient, à mon avis, faire l’objet de plans d’actions prioritaires dans le sens d’une diversification et d’immunisation des sources de croissance de l’économie marocaine.

Vos concurrents les plus importants comme Attijariwafa bank et BMCE Bank ont mis l’accent sur une diversification africaine. Vous êtes timidement présent sur ce segment, plus pour des raisons politiques historiques semble-t-il que pour des raisons économiques…
Le Groupe Banque Populaire a été précurseur en développant quelques plateformes bancaires dans des pays africains dès la fin des années 80. Il a fallu un travail de longue haleine pour asseoir ces filiales et en faire des banques universelles, équilibrées et rentables qui participent pleinement à l’essor économique de la région. Une autre implantation a été également réalisée récemment dans un cadre de coopération avec un de nos confrères.  Notre vocation première étant de servir nos clients et sociétaires, nous accompagnerons ceux-ci dès que le volant d’affaires nous permettra d’anticiper une part de marché significative dans certains pays. Des dossiers sont actuellement à l’examen et nous espérons passer à la concrétisation dès lors que toutes les conditions pour un développement pérenne seront réunies.