Affaires
Loi sur la SA : ce que propose le patronat
La CGEM suggère l’allègement des formalités de création pour les entreprises ne faisant pas appel public à l’épargne. n Elle propose un système de sanctions graduelles à la place des sanctions pénales directes. n Le problème du partage des responsabilités entre président et DG n’est pas encore réglé.
Le projet d’amendement de la loi 17-95 sur les sociétés anonymes suit son cours. Au début du mois de septembre dernier, la commission interministérielle chargée du dossier avait finalisé la mouture de ses amendements et en avait remis une copie au patronat pour avis et suggestions. Depuis cette date, un groupe de travail, constitué à la CGEM pour plancher sur le dossier, y a passé pas moins de quinze séances d’au moins quatre heures chacune. Et pour cause, le texte comporte 454 articles, même si tous ne seront certes pas révisés. Si Hassan Alami, rapporteur dudit groupe, estime que «le texte qui a été remis par les autorités est d’une excellente facture et a pris en compte une grande partie des requêtes du patronat», il n’en reste pas moins qu’il peut être largement perfectible. En effet, selon la CGEM, la mouture qui a été remise s’inspire largement de la loi française sur les sociétés anonymes dans sa version 2001, d’o๠des réajustements. Car, indique-t-on, il serait souhaitable de rompre avec le «copiage», aussi bon soit-il, et de sortir une bonne fois pour toute une loi qui colle réellement à la réalité de l’entreprise marocaine. Premier objectif des patrons : démocratiser la société anonyme. Comme le rappelle M. Alami, «il faut faire en sorte que cette forme juridique, qu’est la société anonyme, ne soit plus perçue comme étant destinée uniquement à la grande entreprise». C’est, en effet, l’impression qui se dégage à la lecture du texte actuel, d’autant plus que la société à responsabilité limitée (SARL), autre forme juridique hautement plus prisée par les PME et les entreprises familiales, commence elle aussi à montrer des signes d’essoufflement.
Des hésitations sur le montant
du capital minimum Et pour commencer, il faut simplifier les procédures et formalités de création, notamment en levant certaines contraintes. La réflexion étant toujours en cours, «il était difficile à nos interlocuteurs de faire état, dans le détail, des modifications prévues ; ils se sont contentés de donner seulement quelques éléments», fait remarquer M. Alami. Ainsi au niveau de la création d’abord, certaines étapes de la publicité légale devraient être modifiées. Les dispositions de l’article 30, par exemple, imposant la publication d’un avis notarié dans un journal d’annonces légales dès que les formalités de création ont été accomplies, seront abandonnées pour double emploi. Mais attention, seules bénéficieront de cet allégement les entreprises ne faisant pas d’appel public à l’épargne, c’est-à -dire les entreprises non cotées en Bourse. A ce niveau, même si la proposition de la commission interministérielle avait largement adopté le principe, les patrons mettent l’accent dans leur projet de réponse sur la nécessité de différencier très nettement entre les entreprises cotées et celles qui ne le sont pas. Pour les premières, la notion d’information et de garantie des droits de tiers est plus présente, contrairement à l’entreprise non cotée o๠les actionnaires se connaissent très souvent avant d’entrer en association.
Le patronat souhaite plus de mansuétude pour les fautes non intentionnelles
D’autres réaménagements sont également proposés, entre autres la suppression de l’attestation de conformité et de l’action de garantie. Cependant, les membres de la commission n’ont pas souhaité dévoiler si le niveau de capital minimum sera révisé. Il est aujourd’hui de 3 MDH pour les entreprises faisant appel public à l’épargne et de 300 000 DH pour les autres. Selon Abid Kabadi, président nouvellement élu de la commission droit de l’entreprise au sein de la Confédération, «les membres en ont largement discuté mais il ne faut pas réduire les freins à ce seul aspect de capital minimum». Il rappelle, au passage, que depuis quelques semaines, la législation française permet désormais la création d’entreprises au capital symbolique d’un euro. De l’avis de ce juriste, pour rendre la SA attractive, il faut faciliter la création, tout en entourant d’un maximum de garanties les droits des tiers. Après le chapitre de la création, les patrons se sont attaqués à tous les aspects liés à la vie et à la gestion de l’entreprise. Et comme l’on pouvait s’y attendre, les deux questions les plus débattues ont été celles de la responsabilité et des sanctions pénales. Pour la première, il s’agit aujourd’hui pour les patrons de faire une nette distinction entre les responsabilités du président et celles du directeur général. Le projet de la commission laisse le choix aux entreprises de prendre ou non cette option, à condition de le mentionner expressément sur leurs statuts. Mais malgré leurs longues discussions, les patrons n’ont toujours pas décidé de l’instance qui devrait prendre cette décision. Ils hésiteraient entre l’assemblée générale et le conseil d’administration. Concernant l’aspect pénal, la CGEM propose d’entrée de jeu de supprimer l’article 376 qui donne la priorité au code pénal dans le cas o๠celui-ci prévoirait des peines plus lourdes que celles qui sont prévues par le texte. D’un autre côté, comme nous l’explique Abid Kabadi, «la CGEM proposera un système de peines graduelles commençant par des injonctions, passant par des amendes et pouvant, le cas échéant, arriver au pénal» et, surtout en faisant la part des choses entre les fautes intentionnelles et celles qui ne le sont pas. La réflexion n’est pas encore terminée. Le groupe reste ouvert à tous les juristes d’entreprises et autres contributeurs de tous bords désirant et pouvant enrichir la proposition qui devra être validée lors de la prochaine réunion du bureau, prévue pour les jours qui viennent, avant d’être soumise au gouvernement dans la perspective de faire voter les amendements au courant de l’actuel session parlementaire