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Affaires

Loi de finances, ce sur quoi Oualalou pourrait céder

Les conseillers ont introduit six amendements au projet de Loi de finances.
L’imposition des sociétés de leasing à  39,6% devrait être
reportée à  2008.
Les avantages fiscaux pour les introductions en Bourse prorogés de trois
ans.
Exonération de TVA sur les biens d’équipement : 36 mois
au lieu de 18.
Les Finances intraitables sur le droit de constatation.

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rub 2257

Le patronat ne perd pas espoir de voir quelques-unes de ses propositions pour la Loi de finances (LF) 2007 enfin retenues. Mardi 5 décembre 2006, les conseillers devaient introduire une série d’amendements au texte (finalement, le dépôt des amendements ne sera fait que le mercredi 6), parmi lesquels on trouvera particulièrement des propositions faites par la CGEM et sur lesquelles on espère que Oualalou sera moins «article 51». Contrairement à la première manche, lors du passage de la loi à la première Chambre, où aucune des 22 propositions de la CGEM n’avait été retenue, des sources au Parlement révèlent que le ministre des finances pourrait peut-être faire quelques concessions cette fois-ci.

La première mesure introduite par les conseillers concerne le taux d’IS appliqué aux société de leasing que le ministère des Finances se propose d’aligner sur celui applicable aux banques, à savoir 39,6% au lieu de 35% actuellement. Si, pour les patrons, cette mesure doit être purement et simplement supprimée et inscrite dans le cadre d’une réflexion globale sur l’IS , qu’ils comptent entamer, il y a de fortes chances pour que le ministre des finances propose de couper la poire en deux. En effet, selon des sources au Parlement, sans la supprimer, «le ministère des finances pourrait, tout en la maintenant, reporter d’un an l’entrée en vigueur de l’imposition à 39,6% pour les sociétés de leasing». Une concession rendue d’autant plus possible que la Direction générale des impôts, premier concerné et qui s’y opposait au début, semble aujourd’hui prête à assouplir sa position.

Autre point objet de débat : la TVA sur les biens d’équipement. Ainsi, l’article 92 du Code général des impôts (CGI), contenu dans le projet de LF, limite l’exonération de la TVA aux entreprises nouvelles et pendant un an d’exercice seulement. Ce qui, pour les patrons, est une mesure qui risque de pénaliser l’investissement. Partant, ils ont tenté, quand le projet était encore à la première Chambre, de convaincre les députés de s’opposer au changement. Las, si ces derniers ont joué le jeu, Oualalou a opposé un net refus. Cela dit, les députés ont pu arracher une petite concession au ministre des finances qui a accepté de porter la période à 18 mois au lieu de 12. Sans plus. Profitant du passage chez les Conseillers, les patrons espèrent encore un petit geste. En fait, ils proposent que l’exonération concerne les biens achetés pendant 60 mois. C’est du moins ce que stipule l’amendement introduit dans ce sens par la deuxième Chambre. Les conseillers réussiront-ils à convaincre Fathallah Oualalou ? L’un d’entre eux, contacté par La Vie éco, révèle que «le ministre pourra peut-être faire un geste en allant jusqu’à 24 voire 36 mois». Selon plusieurs recoupements faits par La Vie éco, on se dirige vers 36 mois d’exonération et les Finances auraient donné leur promesse.

Encourager les entreprises à rapatrier les dividendes de l’étranger
Le ministère des finances semble également disposé à accepter plus facilement un amendement, le troisième sur la liste des conseillers, concernant l’exonération accordée aux entreprises qui s’introduisent en Bourse. En effet, la réduction accordée depuis 2004 aux sociétés qui s’introduisent à la Bourse de Casablanca (-50% sur l’IS en cas d’augmentation de capital et -25% en cas de cession d’une partie en Bourse) viendra à expiration le 31 décembre 2006. Au même moment, le projet de LF, du moins dans sa mouture votée par la première Chambre, ne se prononce pas sur la question. Partant, les conseillers, acceptant la proposition des patrons, ont introduit un amendement pour demander expressément à l’administration fiscale de proroger ces avantages de trois autres années. On se rappelle qu’en 2003 la situation étant exactement la même, la DGI avait accepté de proroger de trois ans l’avantage fiscal accordé en 2001, déjà, mais la dynamique que connaît le marché boursier actuellement semble avoir atténué les positions tranchées de Oualalou qui serait disposé à faire un geste, sachant que le manque à gagner n’est pas très important et que, de surcroît, la transparence à laquelle s’exposent les sociétés cotées devrait générer plus de recettes fiscales.

Il reste que si, sur ces trois premiers points, l’administration fiscale et le ministère des finances devraient se montrer plus souples, les Conseillers ne s’attendent pas à une partie plaisir pour le reste de leurs amendements. Le premier concerne le problème des entreprises marocaines possédant des filiales à l’étranger. En effet, les éventuels dividendes rapatriés de l’étranger se trouvent être doublement voire triplement taxés avec un prélèvement à la source dans le pays d’origine, l’IS au niveau de la maison-mère au Maroc et, enfin, un autre prélèvement libératoire de 10% au moment de la distribution des dividendes au Maroc. Ce qui, selon les fiscalistes et patrons, n’est pas de nature à encourager les groupes ayant des filiales à l’étranger à rapatrier les dividendes. Raison pour laquelle un des amendements introduits par les Conseillers stipule qu’il faut prévoir un abattement de… 100% sur les dividendes en provenance de l’étranger. Certes, l’enjeu n’est pas important, car les entreprises marocaines ayant des filiales à l’étranger ne sont pas nombreuses. Pourtant, les conseillers qui ont introduit ledit amendement s’attendent à un refus de la Direction des impôts, du moins pour le budget 2007.

Pas plus d’un contrôle inopiné par an !
Enfin, le point qui suscitera à coup sûr le plus de débats sera le fameux droit de constatation ou contrôle inopiné introduit par l’article 210 du Code général des impôts. Les patrons s’attendent d’ailleurs d’ores et déjà à une rude bataille avec l’argentier du Royaume. Ce dernier, déjà lors du passage de la loi en première Chambre, avait refusé de faire la moindre concession. Mais cette fois-ci, les patrons, par la voix des Conseillers, changent leur fusil d’épaule. Ainsi, l’amendement introduit à ce sujet, tout en adhérant au principe du contrôle inopiné (transparence oblige), propose d’en affiner les modalités de manière à mieux l’encadrer.

Pour cela, il est proposé d’abord de délimiter le champ d’application du contrôle et de manière exclusive à l’aspect facturation. En d’autres termes, les inspecteurs du fisc, dans le cadre d’une enquête de ce genre, ne peuvent et ne devraient, selon les patrons, s’intéresser qu’aux opérations donnant lieu à facturation. Sans plus. D’un autre côté, la CGEM, comme le révèle un Conseiller, est d’avis de limiter la fréquence à un seul contrôle inopiné par an. Les patrons demandent aussi le droit pour une entreprise objet d’un contrôle inopiné de se faire assister d’une personne ressource de son choix, qu’elle soit expert-comptable, avocat, consultant ou autre. Enfin, la CGEM a proposé également de revoir le délai dont dispose le contribuable pour faire part de ses observations par rapport au contenu du procès-verbal dressé par le contrôleur. Si le fisc proposait initialement un délai de huit jours, les patrons, eux, pensent qu’il faudrait le porter à 30 jours, ne serait-ce que par souci d’équité, dans la mesure où l’agent du fisc, lui, dispose de 30 jours pour dresser son PV.

Mais toutes ces propositions au sujet du droit de constatation, aussi fondées qu’elles puissent paraître, ne sont pas assurées d’avoir des suites positives.
Toujours est-il que les patrons n’en démordent pas. Tout au long du mois de novembre, plusieurs réunions ont été tenues avec le ministère des finances et particulièrement la Direction des impôts, durant lesquelles les échanges ont été apparemment positifs. Ce qui laisse entrevoir des concessions de part et d’autre. Car tout comme l’administration fiscale a montré des signes d’assouplissement, la CGEM, pour sa part, a accepté de revoir à la baisse ses ambitions pour 2007. La preuve, sur les 22 points proposés en première Chambre, et dont d’ailleurs aucun n’avait été accepté, les patrons n’en ont retenu que six, en espérant que cette fois-ci les Conseillers réussiront là où les Représentants ont échoué. Et surtout que le ministre des finances ne sortira pas son jocker préféré… l’article 51.