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Logistique urbaine : les premiers résultats du diagnostic de Valyans
La métropole abrite dans les mêmes zones des activités diverses génératrices d’importants flux de personnes et de marchandises. Un déplacement entre Sidi Moumen et le port peut nécessiter 83 minutes! Le taux de stationnement illicite pour effectuer des livraisons dépasse 70%.
Non, les véhicules de transport de marchandises ne seront pas interdits dans le milieu urbain. Ils ne peuvent tout simplement pas l’être car cela reviendrait à stopper toutes les activités commerciales et industrielles au sein des villes. C’est l’un des messages clés qu’a tenté de faire passer Younes Tazi, directeur générale de l’Agence marocaine pour le développement de la logistique (AMDL), lors du salon Logismed. Intervenant devant un parterre d’opérateurs, le DG de l’AMDL a en effet tenté avant tout de dissiper certaines fausses idées qui prévalent, parmi lesquelles la volonté des pouvoirs publics d’interdire la circulation des véhicules de transport de marchandises dans le périmètre urbain. L’objectif est plutôt de réorganiser ces flux de transport de manière à ce qu’ils soient optimisés et qu’ils n’aient plus autant de nuisance sur les citoyens.
Il faut bien le souligner : les habitants des villes auront beau être ceux qui râlent le plus à propos de la congestion qui découle des flux de transport de marchandises, ils ne sont cependant pas les seuls lésés dans l’histoire. Les premiers résultats de l’étude sur la logistique urbaine qu’a initiée l’AMDL et qui est réalisée par le cabinet Valyans démontrent en effet que les opérateurs économiques souffrent également du désordre qui caractérise le déplacement des véhicules de transport de marchandises. Cette étude entre, pour rappel, dans le cadre du contrat d’application relatif à la distribution interne qu’avait signé l’Etat avec les opérateurs privés en mai 2014. Celui-ci prévoit parmi ses axes le lancement par l’Etat, représenté par l’AMDL, d’une étude visant à faire le point sur l’état des lieux de la logistique urbaine au Maroc. Le cas de Casablanca, de par son importance économique, a été choisi pour illustrer la situation de la logistique urbaine dans les grandes villes du Royaume.
Le coût des livraisons peut représenter 17% du prix des marchandises transportées
Ce qu’il faut retenir des premiers résultats c’est que plusieurs facteurs empêchent aujourd’hui une optimisation de la logistique urbaine dans la métropole. Ces facteurs sont liés à la fois aux spécificités du territoire de la ville, mais aussi aux habitudes de consommation et de livraison. Casablanca abrite, en effet, dans les mêmes zones, des vocations diverses, génératrices d’importants flux de personnes et de marchandises. En tout, les experts du cabinet Valyans ont répertorié cinq principaux pôles générateurs de flux, à savoir le cœur tertiaire de Casablanca incluant le port, l’axe tertiaire Anfa-Sidi Maârouf, la zone industrielle de Moulay Rachid, la zone industrielle d’Oulfa ainsi que la zone industrielle d’Ain Sebaa-Bernoussi. Ces zones incluent les principaux marchés de gros et de détail comme Derb Omar, Derb Ghallef, le marché de la ferraille, les abattoirs et le marché de gros des fruits et légumes ainsi que celui du poisson.
Elles génèrent de ce fait un important trafic. C’est ce qui explique d’ailleurs que les principaux points noirs de la circulation sont répertoriés dans des axes desservant ces zones. La route nationale n°11 à Sidi Maârouf arrive en tête avec un flux moyen dépassant les 7 000 véhicules entre 8h et 9h du matin. Plus globalement, au niveau de toute la ville, «le réseau viaire de 644 km est pratiquement saturé aux heures de pointe (8-9h, midi et 17-19h)», rapportent les experts de Valyans. Ceci a logiquement pour conséquence de rendre les temps des trajets de plus en plus longs. Un déplacement entre Sidi Moumen et le port de Casablanca peut, par exemple, nécessiter 83 minutes, ce qui constitue une aberration lorsque l’on sait que plusieurs liaisons inter-villes nécessitent nettement moins de temps. Cette situation s’explique en partie par le fait que dans certains quartiers commerciaux, le trafic de véhicules utilitaires peut souffrir d’importants ralentissements. La vitesse moyenne de déplacement rapportée dans l’étude du cabinet Valyans ne dépasse pas en effet les 21 km/h.
Et pour ne rien arranger, les graves carences de la ville en matière de places de stationnement compliquent la tâche aux opérateurs. Mauvaise répartition du nombre de places, faible taux de rotation des véhicules (une moyenne de 4,1 véhicules par place par jour au lieu de 8 à 10 dans les grandes métropoles européennes), une durée de stationnement longue qui dépasse 2h15, absence d’espaces de stationnement dédiés aux livraisons de marchandises…, tous ces facteurs font aujourd’hui en sorte que les transporteurs de marchandises perdent encore plus de temps lors de la livraison des produits. Ceci pousse plusieurs d’entre eux à oser le stationnement illicite pour assurer leur mission, en prenant le risque d’être verbalisés et donc de supporter des surcoûts sur leur prestation. L’étude de Valyans montre en effet que le taux de stationnement illicite pour effectuer des livraisons dépasse 70%. Dans des quartiers comme Derb Ghallef ou Sidi Othmane, ce taux ressort même à 100%.
L’ensemble de ces facteurs, ainsi que d’autres liés aux conditions de circulation, font aujourd’hui exploser la facture de transport et de livraison. Selon les estimations de l’étude, le coût de la livraison peut atteindre 17% du prix de la marchandise transportée, une part qui, dans certaines filières, peut même menacer la survie des entreprises.