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Affaires

Logement social : un comité interministériel pour lever les blocages

Il sera constitué de représentants directs des ministres de l’habitat, de l’intérieur et des finances. Il sera dans l’obligation d’apporter une solution aux problèmes d’ordre administratif rencontrés par les promoteurs immobiliers.

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Logement social Maroc 2011 02 18

Depuis la mise en place du nouveau dispositif fiscal pour l’encouragement du logement social, c’est le rush. Les demandes de conventions pleuvent sur l’administration. Mais entre la déclaration d’intention et la réalisation, le parcours d’un promoteur immobilier, y compris pour les grands, n’est pas de tout repos. Depuis les demandes d’autorisations jusqu’à la délivrance des permis d’habiter, l’éclatement des titres fonciers et la livraison des appartements, les facteurs de blocage ne manquent pas. Les promoteurs s’en plaignent et l’Etat avait déjà mis en place, il y a quelques mois, au niveau des wilayas, des commissions locales de suivi des projets de logement sociaux. Malgré cela, les problèmes persistent, notamment en raison des oppositions entre administrations qui n’aiment pas qu’on piétine sur leurs prérogatives. En d’autres termes, il faut remonter plus haut dans la hiérarchie des administrations concernées pour voir les problèmes résolus.
C’est pour cette raison que l’Etat vient de mettre à la disposition des professionnels de l’habitat un instrument pour les aider dans l’exécution de leurs programmes. Il vient en effet de mettre en place un comité interministériel réunissant les trois départements concernés que sont l’Habitat, les Finances et l’Intérieur. Sa mission est de recevoir et traiter les réclamations des opérateurs concernant toutes les anomalies administratives qui bloquent leurs projets de logements sociaux. C’est ce qu’a annoncé officiellement le ministre de l’habitat, Toufiq Hejira, lors du traditionnel dîner-débat  annuel sur l’immobilier organisé jeudi 10 février, à Casablanca par La Vie éco.
Pourquoi les trois départements en question ? Si pour l’Habitat, on le comprend aisément, puisqu’il s’agit du ministère de tutelle qui coiffe les directions régionales et les agences urbaines, la présence des finances, elle, se justifie par le fait que le logement social est accompagné d’un dispositif fiscal incitatif, comprenant à la fois une défiscalisation, en amont, et une restitution de la TVA, en aval. Enfin, la présence de l’Intérieur est, elle aussi, nécessaire. En effet, ce département coiffe les collectivités locales qui octroient notamment les autorisations de construire et les permis d’habiter.  

A chaque étape du projet, les risques de blocage existent

Le comité sera donc là pour régler, dans toutes les régions administratives, tous les problèmes que les promoteurs rencontreront pendant le processus de réalisation de leurs projets. Il ne s’agira pas seulement de recevoir les doléances. Le comité, comme l’explique M. Hejira, a l’obligation d’apporter des solutions dans les plus brefs délais pour débloquer les projets. Le même comité examinera également les autres aspects liés aux infrastructures publiques telles que l’éclairage, le transport, la sécurité, les liaisons routières, la santé…  Pour cela, il s’ingéniera à contrôler et à coordonner les actions des différents producteurs de ces équipements publics à toutes les étapes. Aussi tous les ministères et organismes publics concernés seront impliqués dans ce travail pour éliminer tous les obstacles qui bloquent les programmes. Et il était temps ! «Les promoteurs sont prêts à accompagner ces programmes ambitieux, mais ils peinent à avoir des autorisations», déplore Youssef Iben Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Pour étayer ses propos, le président avance qu’entre «le dépôt de la demande d’autorisation de construire et la livraison d’un logement, il y a une multitude d’intervenants et il faut plusieurs signatures». Et il faut croire que même les banquiers pâtissent de cette lourdeur administrative. «Nous avons senti un ralentissement de l’activité immobilière à travers le rallongement de la rotation des crédits qui est passé de trois à quatre ans ; et cela est dû, entre autres, au retard de traitement des dossiers au niveau administratif», confirme Ahmed Rahou, PDG du CIH.
Bien entendu, a tenu à rappeler le ministre de l’habitat, le comité n’a pas vocation à se substituer aux administrations compétentes. En revanche, «pour permettre aux promoteurs de produire selon la cadence voulue, il fallait lever les freins et nous ne pouvons pas, poursuit M. Hejira, attendre la refonte des textes et des lois pour avancer».
Comment ce comité fonctionnera-t-il ? Il comprendra un représentant des trois administrations concernées, répond M. Hejira. Aujourd’hui, il n’est pas encore opérationnel et à l’Habitat on rassure, c’est une question d’une semaine ou deux.

Les logements sociaux sont accessibles à tous

En attendant, et comme nous l’annoncions dans notre édition du 28 janvier dernier (cf www.lavieeco.com), c’est la ruée sur le logement social avec la réalisation prévue de 600 000 unités à l’horizon 2020.  
Le ministre a confirmé cela lors du dîner-débat en dévoilant que «140 promoteurs ont signé des conventions avec l’Etat pour la réalisation des programmes de logement social». Et d’ajouter qu’il y a «déjà 500 000 logements qui font l’objet de demandes de conventions, tandis que les conventions signées et autorisées portent sur un total de 100 000 unités», indique M. Hejira. Et cette année, on table sur la livraison de 50 000 à 60 000 unités. «C’est une véritable relance à laquelle assiste ce segment. Et ceci grâce à l’adhésion du secteur privé et des banques», concède-t-il.
Et ce n’est pas le représentant des professionnels qui dira le contraire. «Le marché connaît une ouverture remarquable. Alors qu’il était concentré, au début des années 2000, entre les mains de trois ou quatre opérateurs, aujourd’hui, il est accessible même aux professionnels de taille moyenne grâce à la révision à la baisse du seuil des logements à réaliser par convention à 500 unités en 5 ans contre 1 500 auparavant», témoigne M. Iben Mansour. L’impact positif de cette mutation a influé sur la qualité des opérateurs puisque «le secteur compte aujourd’hui une quinzaine de grands opérateurs, alors que ceux-ci ne dépassaient pas le nombre de trois dans la dernière décennie», signale le président de la FNPI.
Le ministre tient cependant à lever l’ambiguïté qui plane sur deux projets distincts. Contrairement au logement à faible valeur immobilière totale, appelés communément logement à 140 000 DH, qui est destiné aux ménages pauvres et dont l’accès est strictement réservé aux ménages dont les revenus ne dépassent pas 1,5 fois le SMIG, le logement social (250 000 DH), lui, est ouvert à tout le monde, précise M. Hejira. D’ailleurs, les promoteurs de ce type de projets mobilisent un foncier privé selon les conditions du marché. C’est pourquoi «la commercialisation est libre et aucun plafond de revenu n’est imposé aux ménages qui veulent y accéder», souligne le ministre qui précise toutefois qu’il doit s’agir d’un logement principal.

30 000 baraques sont démolies chaque année

Un autre programme est, lui aussi, à ne plus confondre avec les deux premiers. Il s’agit du projet Villes sans bidonvilles (VSB). Le ministre précise que le rythme moyen actuel de démolition touche 30 000 baraques par an et le taux de réalisation à fin 2010 est de 84% des ménages ciblés initialement et 70% des ménages après actualisation. Certes, le programme accuse un retard. Mais vu sous un autre angle, la situation diffère. «Il ne faut pas oublier qu’on s’attaque à des bidonvilles qui datent d’un siècle», tempère M. Hejira. En outre, les actions visant à éradiquer ce fléau qui touche 1,5 million d’habitants étaient auparavant menées sans aucune obligation de fixation d’objectifs bien précis. «Aussi, il y a eu dans le passé des projets qui ont duré 25 ans», se rappelle le ministre, lui-même fonctionnaire au ministère depuis plusieurs années. L’équipe actuelle a eu au moins le mérite de trancher avec cette façon de travailler. «Nous avons arrêté volontairement une date butoir et nous avons commencé par 2010», souligne M. Hejira. Et, depuis, les résultats sont en progression. Aujourd’hui, des bidonvilles historiques, notamment à Casablanca, sont en voie de disparition. Il en est ainsi des fameux bidonvilles des Carrières Centrales et de Bachkou que les différents gouvernements qui se sont succédé durant des décennies n’ont pas pu éradiquer.   
Quant aux prévisions de 2011 qualifiée d’année de relance, Toufiq Hejira annonce le lancement de plusieurs chantiers, entres autres la concrétisation d’un vieux rêve : l’habitat rural qui, selon lui, est depuis toujours le parent pauvre des programmes publics mais aussi des initiatives du privé. Pour y remédier, le ministère s’emploiera à mettre en place une offre de logements adaptés au milieu rural. «Il faut une certaine audace pour imaginer de nouveaux concepts adaptés à ce milieu. C’est l’affaire des architectes qui pourront concevoir des R+1 ou quasiment des rez-de-chaussée», estime M. Hejira. Il recommande également de revoir les modes de partenariat public/privé pour enfin mettre sur place un programme efficace.