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L’investissement privé en perte de vitesse

L’investissement global baisse à la fois en valeur absolue et en proportion du PIB, malgré la forte augmentation des dépenses publiques d’équipement Il n’existe pas de statistiques officielles sur la part du privé dans les dépenses de capital, mais des estimations la situent dans une fourchette allant de 30% à 45% du volume global des investissements.

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L’investissement, deuxième composante de la demande intérieure, a représenté au cours des dix dernières années environ un tiers du PIB. C’est un niveau très élevé et c’est tant mieux ; même si, soit dit en passant, cela a contribué au creusement des déficits interne et externe, apparus depuis 2009 mais qui se résorbent progressivement à partir de 2013. Depuis deux ans, cependant, les comptes nationaux font ressortir une tendance à la baisse de l’investissement, à la fois en termes relatifs et en volume. Faut-il établir un lien entre ceci et cela, c’est-à-dire entre le repli de l’investissement et l’amélioration des soldes budgétaires et du compte courant ? Ce n’est pas l’objet du propos.

Toujours est-il que le taux d’investissement brut en 2015 devrait s’établir à 29,6% du PIB et à 28,9% en 2016, au lieu de 32,2% en 2014 et 34,7% en 2013. Et sa croissance en 2015 devrait se limiter à 0,2%, selon les estimations du HCP, après avoir été négative en 2013 et 2014 (-1,5% et -0,4%, respectivement).

Pour mémoire, la croissance de l’investissement entre 2007 et 2012 a été en moyenne de 4,3% par an, avec cependant des baisses en 2009 (-2,6%) et 2010 (-1,4%).

Pourtant, le volume global des investissements publics (Budget général, comptes spéciaux du Trésor, SEGMA, entreprises et établissements publics, collectivités locales) est assez conséquent: 180,3 milliards de DH en 2013, 186,6 milliards en 2014, 189 milliards en 2015 et autant en 2016, selon les données fournies par le gouvernement dans la note de présentation du projet de loi de finances 2016. Mais quid de l’investissement privé? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’existe pas de statistiques exhaustives sur l’investissement privé. Le Haut commissariat au plan (HCP), producteur officiel de la statistique au Maroc, est aujourd’hui incapable de dire, de manière précise, quelle est la part du public et du privé dans l’investissement total ! La collaboration des organismes détenteurs d’informations pouvant aider à décomposer cette variable faisant encore défaut.

L’investissement privé, nécessaire à une croissance accélérée et créatrice d’emplois

Il en résulte que lorsqu’on parle du repli de l’investissement, on ne sait pas trop s’il s’agit de l’investissement public ou privé. Du coup, chacun travaille sur le sujet comme il peut. Des estimations sont avancées ici et là, y compris par certains organismes internationaux comme la Banque mondiale, indiquant une baisse de l’investissement privé. Celui-ci représenterait 45,6% de l’investissement total en 2013, au lieu de 62,7% en 2002. Le même phénomène est observé en Tunisie où l’investissement privé, selon le ministère des finances de ce pays, serait de l’ordre de 43% en 2013 contre environ 62% en 2010.

En adoptant une autre approche, approximative il faut bien l’avouer, on obtient un chiffre bien inférieur. Sachant qu’en 2013, l’investissement, au sens de la formation brute de capital fixe (et non de l’investissement brut, qui, lui, comprend également la variation des stocks) représentait 30,3% du PIB, soit 273,4 milliards de DH et que l’investissement public consolidé se chiffrait cette année-là à 180,3 milliards de DH (abstraction faite du taux de réalisation), la part du privé ressortait par conséquent à 93,1 milliards de DH ou 10,3% du PIB, ou encore 34% de l’investissement global. En 2014, la part de l’investissement privé, suivant cette méthode toujours, tombait à 85,5 milliards de DH en valeur et à 31,4% en proportion de l’investissement global.

L’investissement public, qui pèserait deux tiers du total des investissements, reste donc le moteur principal de l’économie. En Europe, par exemple, c’est tout à fait l’inverse qui est vrai : même si l’investissement privé, dans la zone euro tout au moins, a perdu 15 points entre 2007 et 2014, il représente encore 19% du PIB de la zone. L’investissement public, lui, ne dépasserait pas 2% du PIB de la zone euro, contre 4% aux Etats-Unis. Mais la baisse de l’investissement public en Europe comme aux Etats-Unis, mais surtout en Europe où il est divisé par 2 depuis 1980, n’est pas vraiment un fait nouveau, même si les restrictions budgétaires opérées suite à la crise des dettes souveraines y est aussi pour quelque chose.

Bien entendu, il n’est pas question de comparer les taux d’investissement –qu’ils soient publics ou privés– des pays en développement avec ceux de l’Europe ou des Etats-Unis. Il y a un effet de base qui enlève tout intérêt à un tel exercice. Et néanmoins, il est intéressant d’observer que de manière générale les investissements publics, sauf dans une économie centralisée, préparent toujours le terrain, si l’on peut dire, aux investissements privés. Qui, en effet, en dehors de l’Etat et de ses démembrements, prendrait sur lui d’investir dans les infrastructures (routes, autoroutes, ports et aéroports, chemins de fer, réseaux électriques, etc.), si indispensables à l’aménagement du territoire? Au Maroc, l’Etat au sens large (les entreprises et établissements publics en particulier) a énormément investi dans les infrastructures et la question est de savoir pourquoi une telle dynamique n’a pas généré suffisamment d’investissements privés. Est-ce lié à la réglementation, à la législation, à la fiscalité qui ne seraient pas assez favorables? Est-ce une affaire de financement ? Ou de la taille du marché ? Serait-ce encore la faute à une culture rétive à la prise de risque ? Pour de nombreux observateurs et analystes, une chose paraît évidente : une croissance accélérée et créatrice d’emplois a besoin d’investissements privés de plus en plus importants.