Affaires
L’instauration de la TVA accroît le désarroi des cinémas déjà menacés de disparition
Appliquée au taux normal de 20%, la TVA est exigible depuis le 16 mai. Cet impôt devrait générer pour l’Etat à peine 8 à 9 MDH de recettes par an. Profitable à l’investissement, mais pas à la distribution, il risque de sonner le glas d’un secteur.
Depuis le 16 mai dernier, le secteur cinématographique est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Au taux normal de 20%, cette taxe est désormais appliquée aux films, à leur distribution et aux recettes brutes provenant des spectacles. La nouvelle a été très mal accueillie par les professionnels, notamment les exploitants de salles de cinéma et les distributeurs. «Cette décision n’a pas du tout été réfléchie par les pouvoirs publics que nous avons pourtant sensibilisés à la crise que connaît le secteur cinématographique !», déplore Abdelhamid Marrakchi, président de la Chambre marocaine des salles de cinéma (CMSC). Selon un distributeur, il s’agit d’«un coup de grâce porté ce à secteur déjà agonisant».
La TVA remplace une taxe parafiscale dont le taux variait entre 10% et 23% en fonction des recettes. Cette taxe générait une recette annuelle allant de 6 à 7 MDH. La collecte relevait de l’administration des douanes qui l’avait cependant déléguée au Centre cinématographique marocain (CCM).
D’après les estimations de la CMSC, la TVA devrait générer au maximum pour l’Etat de 8 à 9 MDH de recettes par an. Le montant moyen versé par salle sera très faible étant donné le ridicule niveau des entrées. Aujourd’hui, les salles de cinéma ne font plus que 2 millions d’entrées par an contre 50 millions d’entrées durant les années 80.
La procédure de collecte de la taxe n’est pas encore au point
Etant entendu qu’elle est récupérable, la TVA ne devrait, à première vue, avoir aucun impact négatif sur le ticket d’entrée, car, en plus, la charge que constituait la taxe parafiscale a disparu. Les pouvoirs publics y voient ainsi un facteur de relance de l’activité.
Toutefois, la récupération est conditionnée par la réalisation d’un investissement (rénovation des salles, acquisition d’équipements, etc.) sur la base des factures attestant du paiement de la taxe. Autre souci : «Seuls les exploitants pourront donc récupérer la TVA, les distributeurs n’en auront pas droit parce qu’ils ne font que mettre en location des films», explique le président de la CMSC.
En général, le distributeur perçoit entre 20 et 50% de la recette réalisée par les exploitants. Il devrait, si le texte est respecté à la lettre, perdre autant que le montant de la TVA due, à moins d’augmenter ses prix en aval, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix du ticket chez l’exploitant. Autrement dit, ce sera le contraire du résultat recherché.
Avisés, il y a six ou sept mois par le CCM de l’intention d’instauration de la TVA, les professionnels ont pris attache avec le ministre de la communication, Mustapha Al Khalfi, pour lui exposer leur malaise. Le ministre avait promis l’organisation, en avril 2012, d’un symposium sur le cinéma afin de passer au peigne fin les problèmes du secteur et surtout de réfléchir aux éventuelles solutions à apporter. Le rendez-vous n’a pas été respecté. Ils attendent un signal des pouvoirs publics pour sauver leur activité du fait qu’il n’est pas envisageable, en raison de la crise, de répercuter la taxe sur le prix du ticket qui varie de 10 à 50 DH.
L’application de la TVA au secteur cinématographique pose donc un problème de fond et compromet, selon les professionnels, l’avenir de cette activité. Les exploitants de salles prévoient la fermeture de plusieurs salles d’ici la fin de l’année. Au-delà du fond, cette TVA, exigible depuis le mois de mai, pose un problème technique : les imprimés (déclarations) ne sont pas encore prêts et les services concernés auprès du fisc disent ne pas avoir encore reçu d’instructions pour le secteur cinématographique. Seul le CCM a adressé une circulaire aux professionnels les informant de l’entrée en vigueur et leur demandant de faire leur déclaration auprès des services de la TVA.