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L’expérience du logement à 140 000 DH commence à mal tourner pour les petits promoteurs immobiliers

Les délais pour l’obtention des autorisations de construire qui dépassent souvent un an retardent la rentabilisation de leurs investissements. Les promoteurs disent concéder beaucoup de retard sur la partie des terrains pouvant être développée librement pour assurer la rentabilité de leurs projets.

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Ce devait être le plan sauvetage de la dernière chance pour le logement à 140 000 DH. Voilà près de deux ans que le ministère de l’habitat s’est tourné vers les promoteurs de petite et moyenne taille pour donner un nouveau souffle à ce dispositif qui n’a jamais vraiment pu décoller depuis son lancement en 2007. A cet effet, un protocole avait été signé avec ces professionnels réunis sous la bannière de l’Union nationale des petits promoteurs immobiliers (UNPPI) qui prévoit la mise à disposition par l’aménageur public Al Omrane d’un foncier à prix avantageux. Après la concrétisation d’une partie de leurs projets, les développeurs tirent un premier bilan de l’expérience qui, disons-le d’emblée, est mitigé.

Les choses avaient pourtant bien commencé. Comme souvent, ce sont les professionnels à Casablanca qui ont été les premiers à se jeter à l’eau, explique Ahmed Bouhmid, président de l’UNPPI qui compte autour de 300 membres dont une cinquantaine dans la région du centre. L’union avance que cinq conventions ont été signées par des développeurs pour la réalisation de programmes à Sidi Moumen, Lahraouiyine, Anassi ou encore Mohammédia. Les capacités de production des petits promoteurs étant ce qu’elles sont, l’ensemble des projets conventionnés totalise près d’un millier de logements.

L’Etat a pourtant tenu ses engagements sur le foncier

Les développeurs se félicitent d’abord de la mobilisation du foncier sans encombre. Ils louent les règles claires suivies en la matière. Les terrains sont mis à leur disposition par Al Omrane à travers un appel à manifestation d’intérêt et les candidats sont départagés par les caractéristiques des projets qu’ils proposent. Surtout que les prix des terrains, fixés à l’avance et vendus à prix coûtant par l’aménageur public, sont très motivants, insistent les petits promoteurs. Les développeurs du programme Amal III à Sidi Moumen d’une consistance de 400 logements à faible VIT, dont la moitié est actuellement en cours de livraison, ont ainsi acquis leur assiette foncière de 7280 m2, à 1 500 DH/m2, alors que les prix du marché dans la zone montent jusqu’à 16 000 DH/ m2. Dès lors, les petits promoteurs assurent qu’il devient possible de proposer des produits de qualité à 140 000 DH et de dégager une rentabilité qu’ils jugent attractive. «Les études menées au niveau des différents projets laissent espérer des taux de rentabilité corrects de 18%», explique-t-on au sein de l’UNPPI. Précisons que le protocole signé avec l’Habitat les autorise à développer et à commercialiser librement la moitié du foncier cédé à un prix avantageux.    

Même la demande pour ces nouvelles unités était toute trouvée. Pourtant, sur les dernières années, on a eu tendance à remettre en question l’utilité des programmes de logements à 140 000 DH du fait que la population à laquelle ils sont destinés (en priorité les ménages issus de quartiers d’habitat menaçant ruine, les ménages bidonvillois, les porteurs d’uniformes, les salariés de petites échelles du secteur public et des entreprises privées, les artisans…) préférait systématiquement les lots de recasement. Il n’en est rien, assurent les petits promoteurs. Les développeurs du programme de Sidi Moumen racontent: «Au lancement de notre projet, nous avons été approchés en tout juste une semaine par 1 500 bénéficiaires éligibles pour une offre de seulement 200 unités».

Des regrets commencent à s’exprimer

L’attribution des logements à faible VIT se fait en concertation entre les autorités locales et Al Omrane. L’engouement pour ces programmes persiste selon l’UNPPI parce qu’ils sont établis plus près des centres de villes que les lots de recasement, notamment à Casablanca.

Mais la longueur des délais d’obtention des autorisations administratives a fortement tempéré l’enthousiasme des promoteurs immobiliers. «Alors qu’on était en droit d’espérer un traitement accéléré pour les programmes de logements à 140 000 DH, qui sont des projets à vocation sociale, c’est tout le contraire que nous vivons», regrette M. Bouhmid. Les promoteurs engagés sur le créneau font tous état d’un délai d’obtention de l’autorisation de construire d’au moins un an, alors que la procédure est généralement bouclée en 6 mois pour tout autre programme. Même à l’étape de la livraison, l’attente se prolonge. Les développeurs du programme à faible VIT de Sidi Moumen en sont déjà à 6 mois de procédure après l’achèvement des travaux et ne sont pas près de voir le bout du tunnel.

  Ces retards sont particulièrement préjudiciables aux développeurs du fait qu’ils sont engagés dans une course contre la montre plus que sur n’importe quel autre type de projets. L’enjeu pour eux est en effet de parvenir au plus vite au volet de leur projet qu’ils ont la possibilité de développer librement de sorte à commencer à rentabiliser leur investissement. Car avec les seules unités de logements à faible VIT, dont ils ont l’obligation de livrer 50% en priorité, ils se disent perdants. Les membres de l’UNPPI détaillent : «Les décaissements s’enchaînent au départ notamment pour l’acquisition du foncier qu’il faut payer intégralement, sachant que la portion développée en péréquation est vendue plus cher. Au final, sur chaque unité de logement à 140 000 DH, nous perdons en moyenne 28 000 DH». Les développeurs peuvent espérer compenser en partie cette perte par le remboursement de TVA (le logement à faible VIT est vendu hors TVA qui est prise en charge par l’Etat). Toutefois la procédure en place est bien plus contraignante que ce qui a cours pour le logement à 250 000 DH. Les petits promoteurs sont d’autant plus déçus que «la partie développée en péréquation risque de rapporter moins que ce qu’ils espéraient initialement, le marché étant devenu entre-temps beaucoup plus difficile». Nous avons revu nos prévisions de rentabilité à la baisse et nous ne tablons plus à présent que sur 12%, explicitent les développeurs de Sidi Moumen.        

Avec tout cela, la plupart des petits développeurs engagés à ce jour dans le dispositif assurent qu’ils ne se lanceraient pas si c’était à refaire, «à moins que les pouvoirs publics ne prennent des mesures concrètes pour raccourcir les délais de traitement des autorisations», explique l’UNPPI. Si les petits promoteurs pensent déjà à se détourner du logement à faible VIT, rejoignant ainsi les grands développeurs, qui ont de tout temps jugé la rentabilité du dispositif insuffisante, qui construira donc les 130000 logements à 140000 DH que le ministère de l’habitat espère voir venir sur le marché dans les prochaines années ? Une question de taille pour le prochain titulaire du portefeuille de l’Habitat.

Com’ese

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