Affaires
«L’Exécutif prépare quatre nouveaux dispositifs de logements»
Un nouveau dispositif doit permettre de satisfaire la catégorie légèrement supérieure à la tranche sociale ciblée par le logement à 250 000 DH. Les couches financièrement vulnérables pourront accéder
au logement grâce à un nouveau produit social solidaire. Un cahier des charges plus exigeant en matière de qualité pour le logement à 250 000 DH est en cours de rédaction.
Le ministère de l’habitat sort des sentiers battus. Après s’être fortement appuyé sur le logement à 250 000 DH sur les dernières années pour réduire le déficit en logements, le département de Nabil Benabdellah devrait se tourner vers de nouveaux dispositifs pour adresser des catégories de la demande laissées de côté jusqu’à présent. Logement social amélioré à moins de 450 000 DH, habitats à tout au plus 170 000 DH pour les jeunes couples et les célibataires et même logements à moins de 140 000 DH… Tout le monde devrait y trouver son compte. La concertation avec les promoteurs immobiliers est en cours pour pouvoir mettre en place ces nouveaux produits dès l’année prochaine.
n Vous avez évoqué récemment la mise en place de nouveaux dispositifs de logements pour réduire le déficit national en la matière. Quels sont au juste vos plans ?
Cela s’inscrit effectivement dans nos efforts pour la réduction du déficit en logements ainsi que l’intensification et la diversification de l’offre à l’horizon 2021. Le dispositif existant du logement social à 250 000 DH a permis de répondre à une grande partie de la demande en logements sur les dernières années. L’enjeu à présent est, d’une part, de satisfaire la catégorie légèrement supérieure à la tranche sociale ciblée par le logement à 250 000 DH. Et, d’autre part, il s’agit de répondre aux attentes de la tranche dont le budget est inférieur à ce prix, voire de la population qui n’arrive même pas à accéder au logement à faible valeur immobilière totale (140 000 DH).
Quels sont les nouveaux produits qui seront donc lancés ?
Un premier produit est destiné à la tranche disposant d’un budget compris entre 250 000 et 450 000 DH. L’idée est d’offrir à cette cible une sorte de logement social amélioré consistant en un trois pièces + salon (au lieu de deux pièces + salon que l’on retrouve généralement dans les programmes de logements à 250 000 DH) avec des matériaux et des commodités revues à la hausse. Ce produit est à même de satisfaire autour de 20% de la demande identifiée (selon une récente étude réalisée par le ministère sur la demande nationale en logements). Vient ensuite un produit dont le prix devrait être compris entre 140 000 et 170 000 DH qui répondrait essentiellement aux besoins des jeunes couples et des célibataires. Ce type de logements se retrouve à vrai dire déjà sur le marché et il s’agirait de le développer dans un cadre conventionnel. A l’image de ce qui se fait dans d’autres pays, il s’agira de logements de deux pièces dont la superficie serait inférieure à 50 m2. Enfin, avec le groupe Al Omrane nous travaillons sur des logements de moins de 140 000 DH que nous devrions valider prochainement.
n Le programme gouvernemental, dans son volet habitat, évoque aussi un nouveau type de logements participatif et solidaire. De quoi s’agit-il?
Il s’agit d’un nouveau produit social solidaire sur lequel travaille le ministère en coordination avec ses partenaires afin d’aider les couches sociales financièrement vulnérables à accéder au logement. Il s’agit concrètement de favoriser la constitution par cette catégorie de demandeurs de groupements de ménages rassemblés en associations, amicales ou coopératives d’habitat.
n Les promoteurs immobiliers se plaignent de plus en plus d’une concurrence déloyale que leur livrent les amicales. Ne craignez-vous pas d’aggraver le phénomène en appuyant la création de ce type de groupements ?
Nous allons bien faire la part des choses. L’approche solidaire telle que nous l’entendons suppose qu’un groupe de citoyens participe de manière égalitaire à la mise en place de coopératives ou d’amicales sans tirer de bénéfices de cette opération. Tous les fonds investis par les adhérents dans le projet doivent exclusivement permettre un accès à la propriété au prix le plus avantageux avec le meilleur niveau de prestation possible. Nous sommes conscients que des opérateurs se livrent à de la promotion immobilière déguisée à travers les amicales en construisant avec l’argent des adhérents et en dégageant une marge bénéficiaire. Pour contrer ces pratiques, il s’agit de mettre en place un contrôle strict lors de la constitution de ces groupements et au niveau des opérations qu’ils effectuent en menant éventuellement des missions sur place. Nous avons par ailleurs élaboré un projet de loi pour organiser les coopératives et les amicales.
Où en est la réflexion sur ces nouveaux dispositifs et quand seront-ils mis en place?
Nous tenons actuellement des réunions avec les promoteurs immobiliers que nous souhaitons réellement impliquer dans la réflexion autour de ces nouveaux produits. Il faut que nous puissions en faire des partenaires car s’ils sortent convaincus dans le processus d’émergence de ces dispositifs nous pouvons être assurés de leur succès. Avec tout cela, nous pensons pouvoir lancer des choses concrètes sur le terrain dès 2018.
n Qu’envisagez-vous pour le dispositif du logement pour la classe moyenne, lancé sans succès il y a quelques années ?
Ce dispositif reste important pour répondre à la demande disposant d’un budget entre 450 000 et 950 000 DH. Ce produit n’a pas connu l’adhésion des promoteurs immobiliers pour une raison simple: il ne prévoit aucun avantage pour eux tout en imposant plusieurs contraintes en termes de niveau de prestation des logements, de délai et de volume de production (150 logements à réaliser sur 5 ans). Les seuls avantages prévus pour ce dispositif profitent aux acquéreurs sous forme d’exonération des frais d’enregistrement, de timbre et d’inscription dans les registres fonciers. Le fait est qu’aujourd’hui le produit doit exister car il y a une attente de la part des demandeurs de ce type de logements. Nous réfléchissons donc à des voies d’amélioration à activer sur le plan urbanistique, notamment, et foncier dans la mesure du possible. Il y a lieu de préciser sur ce volet que la production de logements et la mise en place de mesures attractives pour ce programme n’est pas l’affaire de notre seul ministère. Il y a d’autres acteurs importants qui détiennent d’autres pans du processus de réalisation. Par conséquent, ce programme fait appel à l’implication de tous les acteurs concernés, publics et privés.
Ne comptez-vous pas aussi opérer des recadrages au niveau du logement à 250 000 DH, qui semble atteindre ses limites ?
Le logement social à 250000 DH reste le programme qui a réuni toutes les clés de la réussite (exonérations, circulaire de dérogation, densité intéressante…). Il a permis de dynamiser le marché en 2011, 2012 et jusqu’en 2015. Ce dispositif a créé un fort impact tant sur le plan social qu’économique en permettant l’accès au logement à plus de 200 000 ménages, ce à quoi s’ajoutent 500 000 unités en chantier. Sur le plan économique, ce programme a généré une demande additionnelle conséquente en matériaux de construction ainsi que des retombées intéressantes en matière de valeur ajoutée et de création d’emplois directs et indirects. Actuellement, ce dispositif marque un certain retour à la normale, avec des indicateurs qui commencent à se tasser légèrement. D’une part, nous constatons une sorte de résorption de la demande dans certaines régions, et, d’autre part, les réserves foncières de la plupart des opérateurs ont été épuisées, ce qui fait chuter sensiblement le nombre d’unités réalisées ou en chantier. Ceci a induit dans certaines régions un ralentissement du rythme de commercialisation, notamment dans les zones où la demande urgente en logements à 250 000 DH a déjà été satisfaite. Nonobstant ce tassement vécu dans certaines villes, le logement social continue de connaître un certain engouement. Il s’agit donc de continuer d’appuyer les chantiers en cours, sachant qu’une grande partie de la demande (40%) se situe sur ce segment.
Cela étant, un recadrage devrait s’opérer au niveau de ce segment à travers le logement social «amélioré» qui devrait faire émerger une nouvelle demande et qui contribuera à doser l’offre d’habitats à 250000 DH en nuançant le type de demande, ce qui contribuera à rétablir une bonne dynamique pour le secteur. Nous sommes aussi en cours d’élaboration d’un cahier des charges plus exigeant en matière de qualité pour le logement à 250 000 DH. Nous sommes confortés dans cette démarche par les améliorations apportées spontanément par les promoteurs immobiliers à leurs produits (ascenseur, piscine collective, cuisine équipée…) du fait de la concurrence. Des concertations seront menées cette année avec les promoteurs immobiliers pour adopter très prochainement ce nouveau cahier des charges.