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L’Etat laisse la Caisse marocaine de retraite plonger dans le déficit
Le premier déficit technique devrait apparaître au cours du dernier trimestre 2012. Si rien n’est fait, la caisse fera faillite d’ici 2019. Relèvement de l’à¢ge de départ à la retraite de 5 ans, changement du salaire de référence et augmentation du taux de cotisation sont les 3 mesures paramétriques proposées par la caisse.
C’était prévu. La situation de la Caisse marocaine des retraites (CMR) devient critique. Elle sera confrontée, dès le quatrième trimestre 2012, à son premier déficit technique dû à un déséquilibre entre les prestations servies aux retraités et les cotisations des actifs affiliés. Selon une étude réalisée par les équipes internes de la caisse, les réserves qui totaliseront 75 milliards de DH à la fin de l’année s’épuiseront en 2019 si aucune mesure de réforme n’est prise. En termes clairs, la caisse, en faillite, sera dans l’incapacité de payer ses retraités.
Alors qu’ils sont bien au fait de la gravité de la situation et de l’urgence d’une réforme paramétrique, les pouvoirs publics n’ont pourtant pris aucune mesure jusqu’à maintenant. En effet, le projet de Loi de finances de 2012 ne contient aucune disposition dans ce sens alors que des discussions à ce sujet avaient lieu depuis l’automne dernier. En effet, l’augmentation des cotisations par exemple nécessite un effort financier supplémentaire de la part de l’Etat qui doit être budgétisé, ce qui n’a pas eu lieu. La direction de l’assurance et de la prévoyance sociale se montre cependant rassurante en espérant qu’il y aura «peut-être des mesures d’ici la fin de l’année, vu la gravité de la situation». Comment ? Par quel mécanisme budgétaire et quelle forme juridique ? (voir encadré).
Selon des sources proches du dossier, les pouvoirs publics ne se sont pas penchés sur la réforme de la caisse en raison de la pression des syndicats qui exigent que les réajustements paramétriques s’inscrivent dans le cadre de la réforme globale des régimes de retraite, actuellement à l’étude et dont la mise en place, si tout se passe bien, n’interviendra pas avant 2016.
Si la réforme paramétrique est appliquée, les réserves ne s’épuiseront qu’en 2029
Il est à rappeler que pour éviter une faillite rapide du régime, le conseil d’administration de la CMR avait proposé à l’Etat, en juin 2011, trois réajustements paramétriques, à savoir le relèvement de 5 ans de l’âge de départ à la retraite eu égard à l’augmentation de l’espérance vie, le changement du salaire de référence sur lequel est calculée la pension et l’augmentation du taux de cotisation.
Ainsi, le relèvement de l’âge de la retraite se ferait de manière progressive à partir de janvier 2012 et s’étalerait sur une période de dix ans. Soit un allongement de six mois chaque année jusqu’en 2021. L’élévation de l’âge de la retraite à 65 ans repousserait, d’après les prévisions de la CMR, de six ans l’apparition du premier déficit, soit en 2018. Le cas échéant, l’épuisement des réserves ne devrait intervenir qu’à partir de 2024, soit cinq ans de répit.
En deuxième lieu, le changement du salaire de référence sur lequel sera basée la prestation. Actuellement la caisse sert, en moyenne, 85% du dernier salaire avant départ en retraite. Le conseil d’administration de la CMR propose que le régime se base sur le salaire moyen des huit dernières années. Comme pour le relèvement de l’âge de départ à la retraite, cette modification du salaire de base sera faite progressivement. Ainsi, il est suggéré d’étaler cette révision jusqu’en 2018. En 2012, il devrait donc être pris en considération la moyenne des deux dernières années, avant de rajouter chaque année un an à la moyenne. Ce qui permettrait, selon l’étude d’impact faite par la CMR, de reporter le premier déficit à 2015 et l’épuisement des réserves à 2022.
En troisième lieu, il est proposé d’agir sur le taux de cotisation. Celui-ci devrait augmenter de 6 points au cours de la période 2012-2014. Ainsi, il passera de 20 à 22% en 2012, puis à 24% en 2013 et à 26% en 2014. Cette hausse progressive permettra au régime de la CMR de gagner deux années sur l’apparition du premier déficit et deux ans sur l’épuisement des réserves qui n’auraient respectivement lieu qu’en 2014 et 2021.
L’effet combiné de ces trois modifications paramétriques se traduira par un report de neuf années de l’apparition des déficits, soit en 2019. Les réserves s’épuiseraient 10 ans plus tard, en 2029. Ces mesures, douloureuses pour le salarié, quand bien même les pensions seront revalorisées de 1% chaque année, sont nécessaires pour garantir la pérennité du régime.
Les trois prochaines années seront donc difficiles pour le régime de la CMR qui risque, si les réajustements n’ont pas lieu, de voir son déficit s’aggraver de 16 milliards de DH chaque année de retard. Car pour éviter la faillite du système, pour qu’il puisse continuer à verser les pensions, les actifs seront alors amenés à honorer un taux de cotisation de 50% à partir de 2017.
La Caisse marocaine de retraites gère, rappelons-le, les pensions militaires et civiles d’une population de 850 000 retraités de la fonction publique.