Affaires
L’Etat contraint d’emprunter sur le court terme, la spirale de l’endettement guette
Les maturités courtes dominent dans la dette intérieure : 65% des levées nettes effectuées par le Trésor en 2011. En dépit des efforts déployés pour réorienter les investisseurs sur les maturités longues, ceux-ci continuent de préférer le court terme en raison de l’incertitude sur les finances publiques.
A près une année 2011 clôturée au plus haut, les levées du Trésor sur le marché intérieur poursuivent leur progression. En janvier dernier, le recours de l’argentier du Royaume au marché des adjudications a totalisé 7,5 milliards de DH, établissant l’encours de la dette intérieure à 322 milliards selon les dernières statistiques du ministère des finances. Cette levée relativement conséquente fait écho à celles opérées durant le deuxième semestre 2011 marqué tout autant par une accélération de l’endettement de l’Etat. En effet, si sur le premier semestre 2011 le Trésor s’est endetté à hauteur d’un montant déjà conséquent de 10 milliards de DH, il en a levé plus du double, soit 26,4 milliards durant la seule seconde moitié de l’année. Sur toute l’année passée, le Trésor aura donc procédé à une levée nette de 36,4 milliards de DH, en progression de 84% par rapport à 2010. L’on s’en doute, l’accélération du rythme de levée sur les derniers mois était due à la nécessité de boucler le Budget de l’Etat, notamment avec la forte progression des dépenses de compensation qui ont atteint 52 milliards de DH en 2011. Par ailleurs, l’accélération observée de l’endettement intérieur intervient dans la continuité de la hausse enregistrée ces deux dernières années, en raison, là encore, d’une conjoncture plus tendue, et après les baisses connues en 2007 et 2008. Dans l’intervalle, la dette du Trésor qui s’établissait à 47,1% du PIB en 2009 dépasse désormais les 50%.
Les taux ont augmenté en 2011 et maintiennent la même tendance en ce début 2012
Mais le recours de plus en plus affirmé à l’endettement intérieur n’est pas sans soulever quelques risques suscités par ce financement. D’abord, sa charge d’intérêt est plus importante en comparaison avec l’endettement extérieur. Selon les données les plus récentes de la direction du Trésor, le coût moyen de la dette intérieure en 2010 était de 5,2%, à comparer avec le coût moyen de la dette extérieure qui était de 3%.
Outre cet aspect, la dette intérieure a cette particularité, contraignante, depuis quelques années, d’être devenue un financement de court terme principalement. Même la répartition détaillée de l’offre des investisseurs en 2011 fait ressortir leur nette préférence pour les maturités courtes. Pourtant, le Trésor n’a pas ménagé ses efforts, loin s’en faut, pour orienter la demande vers des maturités plus longues. C’est ainsi qu’il a renoué début 2010 avec le financement à long terme (10 ans et plus) après trois ans d’absence. Une absence qui, soit dit en passant, se justifiait par une volonté de ne pas impacter à la hausse les taux variables des crédits immobiliers des particuliers, ces derniers ayant été à l’époque indexés sur le taux des bons du Trésor à long terme. Mais force est de constater que les investisseurs persistent à maintenir leur positionnement sur les maturités courtes, ce que les spécialistes expliquent par la sécurité qu’offrent ces lignes de financement dans un contexte d’incertitude sur les finances publiques. Au final, en 2011, le cumul des levées sur le court terme a égalé 66 milliards de DH, soit 64% du total levé contre 45% en 2010. L’inconvénient dans tout cela est que cet endettement à court terme maintient le Trésor dans une spirale infernale à savoir qu’il est obligé continuellement d’emprunter pour rembourser. Mais l’Etat ne désespère pas de rallonger la maturité de sa dette intérieure. Les opérateurs du marché rapportent en effet que le Trésor a adjugé, lors de la dernière séance adjudicataire de l’année 2011, la maturité 30 ans assortie d’une hausse de taux de 105 points de base. Sans conteste, le Trésor a voulu donner un signal au marché sur la préférence pour les maturités longues et ainsi augmenter la durée de vie de la dette souveraine, selon les professionnels. Cette politique fera-t-elle enfin mouche en 2012. Les spécialistes sont sceptiques et l’on explique que la variable inconnue demeure les besoins de financement pour l’année en cours. En l’absence de cette information, le manque de visibilité devrait davantage s’accentuer, portant les investisseurs à se maintenir sur un horizon de placement à court terme voire, pire encore, à réduire leur offre sur le marché des adjudications.
Dans ce contexte, on s’attend à ce que les taux des bons du Trésor, à l’instar de leur tendance en 2011, restent orientés à la hausse durant le premier semestre de cette année, dans la mesure où les investisseurs exprimeront une demande plus exigeante en termes de rentabilité face à l’appétit du Trésor encore loin de se calmer. D’ailleurs, depuis le début de l’année, les progressions enregistrées en termes de taux vont jusqu’à 22 points de base.