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«Les pseudo-coachs n’ont ni compétences ni éthique»

D’équipe, au service du bien-être, associatif…, plusieurs formes de cette discipline se développent. Parmi les enjeux, la chasse aux usurpateurs est également ouverte, comme l’explique la présidente de l’International Coaching Federation (ICF).

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Le coaching ne cesse de se développer au Maroc comme partout ailleurs. Il est difficile d’en énumérer le nombre des pratiquants, puisque la profession n’est pas encore reconnue et surtout que celle-ci fait encore face à des dérives. Catherine Tanneau, présidente d’ICF Monde, revient sur les principales tendances de la profession dans le monde mais aussi les défis rencontrés.

Vous réalisez tous les quatre ans une enquête sur l’état des lieux de la profession dans le monde. Cette étude est également prospective. Quels sont les grands axes de développement du coaching dans les cinq prochaines années ?
La dernière étude ICF menée par le cabinet PWC et publiée en 2022 est la plus grande enquête jamais réalisée dans la profession avec plus de 37.700 répondants, 17 langues et 30 pays. Elle met en évidence les grandes tendances et notamment une demande croissante de coaching et une reconnaissance de plus en plus forte. Cette demande soutenue (+36%) provient essentiellement des entreprises et d’un usage régulier du coaching non plus comme remède mais comme source de développement de leurs managers, de leurs leaders et de leurs équipes (+33%).
Cette demande croissante s’explique aussi par les résultats tangibles de cette discipline, notamment un retour sur les attentes de 100%, un taux de satisfaction de 95% suivi par un fort taux de recommandation, un retour sur investissement de 86% et un impact observé 10 fois supérieur en matière de coaching d’équipe.

Quelles sont les formes qui seront les plus consommées ?
Plusieurs formes se développent rapidement et vont continuer à progresser, notamment le coaching d’équipes ou collectif (+65% de croissance attendue) avec le développement de cette culture dans beaucoup d’organisations dans les 5 ans à venir. Pour sa part, le coaching au service du bien-être au travail et de la santé mentale est appelé à évoluer progressivement.
On peut parler également de celui au service du progrès social, pour préparer et accompagner les transformations à venir et accélérer les changements en matière de développement durable, de transition climatique, de nouvelles formes de travail, de digitalisation…

La profession fait face également à plusieurs enjeux et défis, quels en sont les principaux ?
A mon avis, il y a quatre principaux défis pour notre profession de coach professionnel, ils sont appelés à perdurer dans les trois prochaines années, même si la nature du défi varie d’un pays à l’autre.
Le premier est l’existence de pseudo-coachs non formés ou mal formés qui s’affichent comme coachs sans en avoir acquis ni les compétences, ni les règles de base de déontologie et de respect éthique des clients. Ils sont dangereux à plusieurs titres : directement pour leurs clients qui risquent d’importantes déconvenues et aussi pour la réputation de la profession.
Le deuxième reste une certaine confusion du marché quant à la nature du coaching, ses bénéfices, dans quelles circonstances utiliser un coach et quand ce n’est pas approprié. Il est important si on est intéressé par du coaching de se rapprocher des instances professionnelles ICF ou autres et de suivre leurs recommandations. En cas de mauvaise expérience, faire appel à l’IRB (le board international indépendant en charge des questions éthiques et déontologiques). Le troisième est la menace potentielle d’une crise économique et d’une récession au niveau local ou mondial, appauvrissant les entreprises qui devraient réduire leurs achats externes… Enfin, le 4e défi est lié à une prolongation ou une recrudescence des crises (pandémies, guerres, etc.) avec un impact déstabilisant.

Quel regard portez-vous sur le marché marocain et sur la communauté des coachs d’ICF Maroc ?
Au Maroc, le marché du coaching existe depuis un certain temps et les entreprises qui ont recours à des professionnels ont pu comme partout en évaluer les bénéfices. Probablement, il est encore nécessaire d’expliquer son intérêt aux organisations publiques ou privées qui ne le connaissent pas ou qui ont du mal à en apprécier les bénéfices. L’ICF au Maroc joue un rôle clé en fédérant des coachs professionnels qui travaillent dans le respect des règles de déontologie et suivent les bonnes pratiques, elle offre un gage de qualité et de sérieux comme partout. C’est une communauté qui est appelée à se développer et qui va continuer à se professionnaliser.

Le secteur est menacé par des pseudo-coachs. Que fait ICF Global pour les débusquer ?
C’est en effet l’un des premiers défis et une vraie menace pour notre profession. ICF est absolument déterminée à appliquer une politique de tolérance zéro ! Elle a mis en place toute une série de mécanismes de remontées de l’information. Il y a déjà un espace dédié sur le site pour faire une plainte éthique auprès des équipes régionales d’ICF en support des pays et des instances représentatives par pays. Ils peuvent faire remonter des questions ou des signalements de pratiques douteuses auprès de leurs équipes régionales support. Il y a aussi une instance indépendante, l’IRB (Independant Review Board) qui se penche sur les recommandations de suspension du coach de la certification et son exclusion de la communauté. En 2022, environ 50 cas ont été traités.

Quel est le parcours minima pour pratiquer la profession ?
Nous exigeons au sein de la fédération un parcours de 60 heures minimum de formation spécifique ; cela correspond aux parcours accrédités par ICF au niveau1 et à l’enseignement et la pratique des fondamentaux du métier. Les nouvelles normes d’ICF qui entrent en vigueur en 2023 exigent que les coachs se soumettent à un examen oral consistant à les observer et à les évaluer dans une pratique réelle puis à un examen écrit visant à vérifier leurs réflexes en matière de déontologie et de conflits d’intérêt.
C’est assez exigeant, mais je dirai que c’est une condition minimum d’exercice de la profession, un peu comme le permis de conduire … Après ces 60 ou 70 premières heures, le praticien va devoir exercer sous supervision jusqu’à atteindre sa première centaine d’heures. Il devra pour progresser continuer à se former et à pratiquer, le niveau suivant étant un parcours de 150 heures de formation et plus de 750 heures de pratique permettant de devenir coach professionnel puis ensuite avec plus de 2.500 heures de pratique client, 200 heures de formation, un examen pratique et une vérification de la déontologie, d’accéder au Graal de «Maître coach certifié» (MCC).