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Les promoteurs immobiliers risquent le surendettement

En raison de l’allongement des délais de réalisation et de commercialisation des projets, les promoteurs voient leur besoin en fonds de roulement exploser. Pour financer ce besoin, les crédits augmentent sensiblement et risquent d’entraîner les entreprises dans une spirale de surendettement.

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Immobilier en construction 2013 10 28

A voir les 230 milliards de DH de financement alloués au secteur immobilier, représentant le tiers des crédits en circulation, on ne peut pas vraiment dire que la pierre soit délaissée par les banques. Et pourtant, les promoteurs immobiliers continuent de rapporter de nombreuses contraintes pour accéder au crédit. Le resserrement va même croissant, selon Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), qui insiste sur les restrictions au niveau des crédits aux acquéreurs.

Tout en écartant des mesures de prévention spécifiques à l’égard des particuliers ou des professionnels, le président du CIH, Ahmed Rahhou, estime qu’il est capital que les financements accordés au secteur se maintiennent en dessous d’un certain seuil, sous peine de rendre les banques trop dépendantes d’un seul compartiment de l’économie. Surtout que ce compartiment présente un risque grandissant de surendettement. C’est en l’occurrence le constat que dresse une récente étude de CDG Capital. Pour parvenir à cette conclusion, celle-ci a passé au crible la situation des trois champions nationaux cotés, Addoha, Alliances et CGI, ainsi que d’autres groupes non cotés, Al Omrane, Chaabi Lil Iskane, Groupe Chaimaa et Dar Saada.

Il en ressort que tous ces opérateurs connaissent d’importantes tensions sur leur trésorerie. En effet, les flux des trésoreries des trois promoteurs cotés sont négatifs depuis 2007, ce qui veut dire en termes basiques que leurs sorties de liquidités sont supérieures aux entrées. Une situation paradoxale, quand on sait que parallèlement, leur chiffre d’affaires a fortement augmenté en 6 ans, précisément de plus de 36% en moyenne par an.
L’origine du problème est que sur les dernières années, les promoteurs ont vu leur besoin en fonds de roulement exploser. Plus exactement, ce besoin a plus que quadruplé depuis 2007 chez les trois champions cotés. La raison en est, d’abord, le développement de l’activité. Mais il y a surtout que les entreprises subissent un allongement des délais de réalisation et de commercialisation de leurs projets ainsi qu’un accroissement des délais de paiement des acquéreurs qui s’expliquent en grande partie par la conjoncture défavorable.

Par exemple, le cycle d’exploitation de la CGI est passé d’une durée variant de 18 à 24 mois en 2007 à une durée de 36 à 48 mois en 2012. S’agissant des promoteurs non cotés, si leurs chantiers en cours totalisaient 3,27 milliards de DH en 2009, ils sont montés en 2011 à 4,24 milliards de DH, signe que les chantiers sont plus nombreux mais qu’ils prennent également plus de temps. Côté délais de paiement, si Addoha parvenait à solder ses ventes en 128 jours en 2009, on en est actuellement à 270 jours.

La dette financière des promoteurs cotés a été multipliée par 12 en six ans

Nécessairement, plus la période entre le démarrage d’un projet et sa commercialisation est importante, plus les fonds nécessaires pour le fonctionnement dans l’intervalle sont conséquents. Ce qui pousse les promoteurs à emprunter toujours plus pour poursuivre leur activité. Effectivement, la dette financière nette consolidée des promoteurs cotés a été multipliée par 12 pour atteindre un montant de 21,8 milliards de DH en 2012 contre 1,9 milliard de DH à fin 2007.
Dans la mesure où le BFR augmente régulièrement, qu’il est satisfait en grande partie par des crédits bancaires qui donneront lieu à des charges d’intérêt croissantes, on en arrive logiquement à un risque de surendettement des promoteurs immobiliers.  

De là, les analystes de CDG Capital recommandent aux banques de réguler indirectement l’activité du marché immobilier en se montrant plus prudentes dans l’octroi de crédits au secteur. Une autre voie, moins radicale, pourrait consister en l’introduction de mesures afin de ramener les cycles d’exploitation à des délais plus viables. Selon les estimations du patron du CIH, si l’on parvenait à faire passer la durée de finalisation des projets de 5 ans en moyenne actuellement à 3 ans, ce sont 15 à 20 milliards de DH de financement qui seraient immédiatement libérés et qui pourraient être affectés au financement de nouveaux projets. Ce serait une voie d’autant plus recommandée que l’Etat poursuit son effort de soutien à la production.